Propos recueillis par Roxane et mis en texte par Dominique, février 2023

Je fais des bijoux en argent et j’ai une boutique à Salers pour la saison d’été, dans une grange ancienne, superbement rénovée. C’est un très bel endroit, un peu caché, dans une ruelle qui aboutit à des escaliers. Le sol est pavé de petits cailloux polis, des pierres volcaniques et du basalte, qui sont assemblés en calade, c’est-à-dire sur la tranche sur une couche de chaux.
C’est la deuxième année que nous y sommes installés avec Hubert mon conjoint, également artisan bijoutier, avec qui j’ai monté notre atelier suite à notre reconversion professionnelle il y a 4 ans.
Initialement, nous pensions avoir une vie différente et vendre nos bijoux dans des salons et sur internet. Mais le Covid est passé par là et a tout annulé. Nous nous sommes installés dans la région et nous avons commencé à exposer notre travail dans un collectif d’artisans, mais très vite nous nous sommes dit que nous avions besoin d’une boutique. Nous avons aussi un atelier-boutique à Saint-Cernin à une vingtaine de kilomètres d’ici et c’est parfois compliqué de naviguer entre deux lieux.
Aujourd’hui, nous habitons au-dessus de notre atelier dans une grande maison que la Communauté de Communes nous loue, comme elle l’a fait pour d’autres artisans d’art afin de développer l’artisanat dans le pays de Salers.

La Communauté de Communes ( Com.Com) a fait faire des travaux dans d’anciennes maisons pour offrir atelier, boutique et logement. Nous avons eu la chance d’en bénéficier. Nous avions vu un reportage sur Arte qui parlait de ces régions désireuses de faire venir des artisans. J’ai relevé le nom de la personne porteuse du projet, puis nous l’avons rencontrée pendant nos vacances. Nous avons été très bien reçus : des bijoutiers cela les intéressait ! Elle nous a orientés vers la Com.Com de Salers, qui avait démarré le projet, mais pas encore commencé la restauration de notre maison. Dans l’attente de la fin des travaux, la mairie nous a trouvé un logement et un atelier provisoire. Et nous pouvons désormais travailler dans 50 m² d’atelier boutique.
Après trois ans de pratique, je peux dire maintenant que je suis bijoutière. Je fabrique mes bijoux dans mon atelier. Soit je sais ce que j’ai à faire, soit je fais le prototype d’une idée que j’ai pu avoir. Dans ce cas, j’utilise le laiton pour ensuite le refaire en argent. L’argent 925 est le résultat d’un alliage car, pur, il est trop mou.
Les prototypes trainent un peu partout dans l’atelier. Parfois je les ressors car il peut arriver qu’une idée oubliée se redécouvre, soit superbe et s’ajuste à quelque chose que j’ai en tête depuis longtemps ; ou encore convient à une thématique, par exemple l’eau. Dans ce cas, pendant que je travaille sur le prototype, je prends des notes pour éviter de réinventer la procédure à chaque fois que je dois refaire ce modèle. A la fin, j’ai une fiche technique avec une série d’opérations et quand je redécouvre tout cela, je n’ai plus besoin de repasser par toutes les étapes. C’est seulement après que je commence à travailler sur l’argent.
Faire un bijou, ça prend entre deux heures pour un bijou très simple, et vingt heures ou plus…
Nous quittons Salers en Septembre, et nous allons faire des salons d’artisans d’art. Par exemple celui de Martres-Tolosane, aux pieds des Pyrénées, à côté de Toulouse, est un salon très sympa dans un très beau village. Et là, on emporte tous les présentoirs de la boutique. On démonte tous les meubles sauf ceux qui sont fixés au mur. Il ne faut pas oublier, nos bijoux bien sûr ! et pour ça, on a nos précieuses listes, mais aussi, les lampes, les rallonges, l’appareil pour la carte bleue, les fonds de caisse, nos flyers. Et on emporte le tout dans notre Berlingo. Nos meubles sont faits pour rentrer pile dedans. En général, on installe le stand la veille. Ça nous prend environ trois heures. Un peu moins pour démonter, une heure et demie environ.
Quand je ne fabrique pas des bijoux et que je ne fais pas la déménageuse mon métier est aussi de vendre. Ce n’est pas si simple pour moi. Aussi, je reste discrète avec les clients sauf quand ils me demandent des renseignements. Je leur explique comment je fabrique, leur montre les outils, ce qui retient leur intérêt et éveille leur curiosité. C’est quand je vois qu’ils sont vraiment intéressés que je leur propose des modèles. Je ne pousse jamais la vente.
J’ai aussi d’autres métiers : je suis comptable et secrétaire ! Nous avons créé une société Hubert et moi et les tâches sont là : répondre aux mails, garder le contact, faire le descriptif des bijoux pour le site internet, répondre au téléphone, faire la comptabilité, que je déteste, mais il faut le faire ! Je devrais aussi communiquer sur internet. Ça prend du temps et nous sommes parfois en retard. C’est Hubert qui prend les photos, c’est un autre savoir-faire. Nous n’avons pas de catalogue avec des collections saisonnières. Nous fabriquons en fonction de l’inspiration.

Heureusement, parmi tous ces métiers, je reste artisane bijoutière. C’est à dire que contrairement aux bijoux fantaisie, nous travaillons et forgeons chaque bijou. Ce métier, je l’ai appris sur le tas et je l’aime. Au début, ça me prenait beaucoup de temps. Maintenant j’ai plus d’expérience et je maîtrise mieux les techniques. J’aime bien explorer différents métiers. Avant, j’ai été costumière, j’ai travaillé dans le théâtre de rue, dans le cirque contemporain, mais aussi dans le tourisme et la restauration. Parfois je me pose des questions quant à mes choix professionnels. Mais c’est normal, ça fait partie des débuts.
Aujourd’hui nous avons notre petite société et le choix du nom a été important. Au départ, nous avions pensé à «fusion», comme la fusion des métaux, mais c’était déjà pris. Alors nous avons cherché un autre nom. J’aimais bien HK comme Hubert et Karine et donc, au dernier moment, on a trouvé Hashka. Nous n’avons pas encore inscrit le mot bijoutier sur notre carte. Sur les prochaines ce sera artisan bijoutier, artisan parce que créateur. Nous créons vraiment des formes. On se sent aujourd’hui légitimes. A nos débuts nous avons été encouragés par Dana, artisane elle aussi, dont le fils est également artisan bijoutier. Il nous a donné moult conseils. Nos voisins verriers nous ont aussi aidés à travers leurs encouragements. Nous sommes tous à Salers dans un lieu sans concurrence entre nous parce que nous faisons des créations différentes, surtout en ce qui concerne les bijoux. On s’échange même des techniques et des conseils selon les spécialités de chacun. C’est ce qui est super sympa.
Karine
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