« Le port, c’est un monde dans lequel je me sens exister »

Jean-Paul, agent consignataire au port de Saint-Nazaire

Parole mise en récit par François et Pierre

Le site portuaire de Saint-Nazaire – Montoir – Donges

La société d’agents consignataires au port de Saint-Nazaire travaille 24 heures sur 24, 7 jours sur 7. Ça ne s’arrête jamais. Un soir où j’étais d’astreinte, je reçois un appel. Il est 23 heures, je suis tout seul à la maison, devant mon petit écran. Le commandant d’un navire en attente sur rade a un problème. En raison du gros temps, le bâtiment au mouillage a tiré sur sa chaîne. L’ancre est accrochée au fond. L’équipage a les plus grandes difficultés à la relever. Il ne pourra donc pas monter au terminal à l’heure prévue pour décharger sa cargaison. Mon rôle d’agent consignataire, en tant qu’interlocuteur du bateau et de l’affréteur, est alors d’appeler la capitainerie du port pour signaler le problème.  À partir de là, l’information est répercutée auprès des services qui s’occupent des opérations d’accostage et de la rotation des navires, afin que les répercussions de ce contretemps soient gérées au mieux.

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Quand ils entrent dans le bâtiment, les gens n’en reviennent pas

Tony, technicien aéronautique

Parole de novembre 2022, mise en récit par Pierre

Devant le siège de l’usine de Montoir, le « SO-30P Bretagne », un moyen courrier de 1947

Quand je suis entré dans la vie active, j’ai travaillé ici ou là dans le domaine de la chaudronnerie, du tournage, du fraisage. Un jour, je rencontre quelqu’un qui me dit : « Tiens, ils cherchent du monde à l’Aérospatiale ». Je ne savais même pas qu’il y avait cette entreprise dans la région de Saint-Nazaire – Montoir. Lorsque, venant de la Mayenne, j’étais arrivé dans la région en 1989 pour suivre mes parents du côté de Pontchâteau, on ne parlait que des Chantiers : 
« – Tu travailles où ?
– Je travaille aux Chantiers de l’Atlantique… » 
À l’époque, il y avait  plus de 10 000 personnes employées là-bas. L’image de la région, c’était celle des paquebots. En fait, j’ai été embauché à l’aérospatiale, dans l’usine de Montoir. Là, j’ai d’abord travaillé  sur la zone des panneaux sous voilures avant d’être affecté à la fabrication de la « case de train » du programme Airbus A330. Cette « case » est l’endroit où les roues de l’avion viennent se loger après le décollage. Puis, j’ai passé quelques années sur la ligne d’assemblage du fuselage de l’A300. À la longue, j’ai eu des problèmes de dos et je me suis retrouvé dans un service adapté. J’ai alors repris des études et j’ai décroché un diplôme qui, parmi les 563 métiers répertoriés chez Airbus, m’a permis d’en choisir un qui soit compatible avec mes soucis de santé. Je suis donc maintenant technicien aéronautique – un « col blanc » – chargé de remédier aux défauts de montage et d’améliorer le process sur le programme des A350. 

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“Avant la grève, Il n’y avait pas de véritable politique de transports urbains”

Catherine, conductrice de bus

Parole d’octobre 2022, recueillie par Pierre, mise en récit par Christine

Devant la gare SNCF

« Tu vois, c’est la dame qui m’emmenait à l’école quand j’étais petit » : c’est ce que j’ai entendu dernièrement dans la bouche d’un jeune homme qui montait dans mon bus avec son fils. Depuis trente ans que j’exerce ce métier, je fais un peu partie des murs. Il y a même des usagers qui m’appellent par mon prénom, surtout depuis la grève de 2004. Il faut dire que j’étais en première ligne pendant le conflit, qui a été très médiatisé. Des journalistes nous ont raconté que leur rédaction, comme lors de toutes les grèves, leur demandait d’interroger des usagers mécontents de notre arrêt de travail. Mais ils n’en trouvaient pas à Saint-Nazaire. C’était impressionnant de voir à quel point l’opinion publique était avec nous.

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« Je cherche à ce que la fascination que j’éprouve pour ce territoire industrialo-portuaire embarque les visiteurs »

Aurélie, guide-conférencière à « Saint-Nazaire Renversante »

Parole de février 2023, mise en récit par Pierre

Le car de « Saint-Nazaire Renversante » devant le terminal des conteneurs, vu du terminal roulier – Photo Farid Makhlouf

Les deux choses que je trouve fascinantes et que j’aimerais vraiment transmettre quand je fais visiter les Chantiers de l’Atlantique, c’est d’abord le rapport d’échelle entre l’objet monumental qu’est un paquebot et la main humaine de celui qui le construit ; puis tout le travail de planification que demande la fabrication de tels navires. J’aime conduire les visiteurs au pied de ces choses colossales et uniques pour qu’ils les voient en train de se faire.
La première partie de la visite des Chantiers se passe dans un autocar qui emmène les passagers, entre le port et l’estuaire de la Loire, à travers les 120 hectares de l’entreprise. Ils aperçoivent à travers les vitres les différents ateliers. Ils longent les espaces où sont entreposés à ciel ouvert les morceaux de puzzles en acier destinés à être assemblés en « panneaux » puis en « blocs » qui sont autant de parties plus ou moins complètes des futurs bateaux. Puis les visiteurs sont bientôt invités à mettre pied à terre pour entrer à l’intérieur de la forme de montage.

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“On est tous comme ça. On a cette mentalité de vouloir travailler”

Patrice, ajusteur chez MAN-Energy Solutions, constructeur de moteurs diésel géants

Parole d’octobre 2022, recueillie et mise en récit par Pierre

Les établissements MAN, dans l’enchevêtrement des usines du site industriel

Je suis un «casseur d’angles». C’est comme ça que notre ancien patron, à son époque, appelait ceux qui, comme moi aujourd’hui, ébavuraient les bielles dans les ateliers de l’usine MAN-ES de Saint-Nazaire. Lorsqu’elles sortent de fabrication, ces pièces de moteur diésel ont des angles vifs. Il faut les effacer. Depuis que je suis arrivé dans l’usine comme ajusteur, il y a 20 ans, la technique n’a pas changé. Je me sers toujours de la lime comme j’ai appris à le faire à l’école. Il faut sentir la matière. Je passe un coup et j’enlève peut-être deux millimètres d’acier… En deux ou trois coups de lime, c’est vite fait. Certains utilisent la meule équipée d’une lime-aiguille en carbure. Mais je n’aime pas ça…

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Une lutte de tous les instants pour maintenir le meilleur service

Sébastien cheminot

Parole recueillie le 22 septembre 2022 par Jacques et Pierre, mise en récit par Pierre

Le TER 58041 à la gare de Donges

À la SNCF, je fais partie de la catégorie des agents de circulation. Autrefois, on nous appelait les « aiguilleurs ». Donc je change les trains de voies, je gère les incidents, depuis 2003 où je suis arrivé sur le bassin. J’étais aussi anciennement secrétaire du syndicat des cheminots de Saint-Nazaire, maintenant j’en suis le trésorier. En tant qu’agent de réserve, je peux intervenir sur le territoire des gares de Montoir-de-Bretagne, de Pontchâteau et celle de Donges qui va fermer à partir de demain soir à cause des travaux de contournement de la raffinerie Total. 

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Le maître-mot est bien “solidarité”

Marie, intervenante sociale d’une communauté Emmaüs

Parole de mars 2023, recueillie par Pierre et mise en récit par Martine

Trier, réparer, stocker, vendre, ou donner aux plus démunis

Pour un compagnon d’Emmaüs, la démarche de venir à mon bureau est quand même particulière, un peu symbolique. C’est parfois une marche élevée à franchir. Pour que ce soit plus facile, je laisse ma porte continuellement ouverte ; quand elle est fermée, ce qui est rare, c’est que suis en train d’effectuer des démarches et que je ne suis pas dérangeable. Il y en a qui m’envoient un petit SMS ou qui me téléphonent : « Est-ce que je peux monter te voir ? ». Je dis souvent aux compagnons que j’ai toujours les petits bonbons au miel de ma grand-mère. Certains arrivent avec leur café dans mon bureau. C’est génial ! C’est souvent un moment convivial. « Allez, assieds-toi. Comment ça va en ce moment ? » On peut venir y pleurer – la boîte de mouchoirs est là – mais parfois aussi annoncer des bonnes nouvelles, discuter, manger un petit bonbon et voilà… Mes journées sont rarement très organisées. Je laisse beaucoup de place à la spontanéité et à l’informel parce que c’est autour de ça qu’il y a beaucoup de choses qui se passent. Il ne faut pas qu’on entre dans mon bureau comme on se rend à un guichet. 

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La bibliothèque des Chantiers est un endroit magique !

Corinne, bibliothécaire aux Chantiers de l’Atlantique

Parole de novembre 2022, recueillie par Pierre et mise en récit par Martine

Éléments de bateau en construction, entreposés près de l’entrée de la médiathèque du CSE

Je suis bibliothécaire, au comité d’entreprise des Chantiers de l’Atlantique qui comportent à peu près 3000 salariés et 7 à 8000 sous-traitants.
Avec ma collègue, nous aurions aimé faire une belle inauguration de nos nouveaux locaux, en février 2020. Mais à peine quinze jours après l’ouverture, on se retrouvait confinés. On n’a pas pu prendre nos marques avec nos adhérents. Ensuite, on a fonctionné sur le mode  “drive” pour permettre aux emprunteurs de récupérer les documents qu’ils avaient réservés. Les gens n’avaient pas la possibilité de découvrir ce nouveau bâtiment. Il a fallu une bonne année avant qu’ils puissent s’approprier le lieu, et nous aussi. 

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Les usagers ont besoin d’être autre chose qu’un cas parmi d’autres

Claudie, employée aux impôts à Saint-Nazaire

Parole de mai 2022, mise en récit par Pierre

L’Hôtel des finances de Saint-Nazaire

Chez nous, aux impôts, c’est comme dans tous les autres services publics de Saint-Nazaire : il n’y a pratiquement plus d’accueil. Pourtant, la plupart des services qui ont un rapport avec le public sont regroupés au centre-ville, avenue du général de Gaulle. Il y a là le service des entreprises, le service des particuliers, la trésorerie de l’hôpital, la trésorerie municipale, la trésorerie des impôts. Le fait d’avoir réuni ces services sur le même lieu devrait logiquement simplifier les démarches. Sauf qu’il n’y a pas assez de personnel, que les horaires d’ouverture ont été fortement réduits et que certains services ne reçoivent pas. Auparavant, les Impôts étaient ouverts toute la journée avec juste la coupure du midi. Quand les Nazairiens allaient au service des demandes de HLM, juste à côté, ils venaient chez nous demander un double de leur feuille d’impôt. Je ne trouvais pas ça anormal. Mais il paraît que ça dérange. On a dû cesser de faire des photocopies pour les gens. Maintenant, les usagers ne peuvent plus venir que le matin de 8h30 à midi.

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Libraire engagée dans la ville

Agathe, libraire indépendante en SCOP

Parole de novembre 2022, recueillie par Pierre, mise en récit par Christine

 » Notre logo associe un petit bateau en papier et un livre. « 

« L’Embarcadère » : c’est ainsi que nous avons baptisé la librairie, Sarah, moi et l’association « Des Voix au chapitre » quand nous l’avons créée il y a huit ans. Notre logo associe un petit bateau en papier et un livre. C’était une manière de nous ancrer dans le territoire en référence à son passé, à la construction des bateaux, au port d’où ils partaient : c’est tout un imaginaire. Quand nous avons réaménagé la librairie, les architectes du collectif « Fichtre ! » ont choisi de faire un clin d’œil à Saint-Nazaire, ville reconstruite. Pour le premier meuble qu’ils nous ont fabriqué, ils se sont inspirés des architectures de la reconstruction d’après-guerre, comme celle de Le Corbusier. Ils ont donc dessiné de grands plateaux et des poteaux, avant d’y mettre les murs et les escaliers. Les intercalaires qui soutiennent les livres ont tous une découpe un peu fantaisiste. Ils ont créé une espèce d’atlas de formes géométriques que l’on trouve dans l’urbanisme de Saint-Nazaire. Quand c’était vide, cela ressemblait à une maison de poupée, on avait envie d’y mettre de petits personnages. Cela ne saute pas aux yeux depuis que nous les avons remplis avec les livres, mais c’est notre particularité.

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“C’est vrai qu’il y a une certaine fierté. J’ai envie de dire : Voilà, je travaille là…” 

Magali travaille sur le site du terminal méthanier de Montoir-de-Bretagne

Parole de septembre 2022, recueillie et mise en récit par Pierre et Jacques

Le terminal méthanier de Montoir, vu de Saint-Brévin
Par Jibi44 — Travail personnel, CC BY-SA 4.0,

À partir du moment où je suis devenue technicienne de maintenance électrique au terminal méthanier de Montoir (voir encadré), mon territoire mental a complètement évolué. Je suis passée d’un bureau un peu étriqué à un périmètre élargi : celui de l’ensemble du terminal situé au bout d’une route en bord de Loire. C’est un lieu paradoxal puisqu’il est à la fois exposé à tous les vents et strictement fermé au public. Qui veut pénétrer dans ce site Seveso doit y être invité, sinon, il n‘entre pas. Tout juste compte-t-on, parmi les véhicules autorisés, le camion qui vient livrer la restauration méridienne – il faut bien nourrir les troupes… Tout véhicule qui entre en zone gaz, doit être équipé d’un coupe batterie. Pas possible, non plus, d’entrer avec un smartphone.

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Ici, accueillir, c’est dans l’ordre des choses

Claire, salariée à « La Fraternité », association nazairienne

Parole d’octobre 2022, recueillie par Pierre et mise en récit par Dominique

« La Fraternité » est une association de Saint-Nazaire, d’obédience protestante, qui assure un accueil de jour pour des personnes en grande précarité ou en grand isolement : des gens de la rue qui vivent dans des parkings souterrains, dans des squats dispersés à travers la ville ou qui se regroupent sur le parvis de la gare toute proche de nos locaux. Certains campent sur des terrains en se cachant. Nous accueillons aussi des personnes âgées très isolées ou des personnes en difficulté psychiatrique pour qui c’est un peu la sortie de la journée. On ne sait pas toujours ce qui leur est arrivé ; d’ailleurs, on ne le leur demande pas. Ce sont parfois des gens malades, victimes d’addictions, notamment à l’alcool, ou de troubles divers. Par exemple, en ce moment, on accueille un monsieur qui, tout en suivant une chimiothérapie à l’hôpital de jour, vit dans la rue avec son chien. Un jeune majeur, victime de multi-traumatismes liés à l’exil, est lui aussi dans la rue ; ce qui, comme pour tous ceux qui sont dans la même situation, ne fait qu’aggraver sa grande fragilité psychologique. Sur la quarantaine de personnes accueillies chaque matin de huit heures à midi, sauf le mardi, la moitié sont des sans abri. 

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Quand les lycéens découvrent leur ville

Amaury, professeur d’Histoire et Géographie au lycée Aristide Briand de Saint-Nazaire.

Parole de novembre 2022, mise en texte par Pierre

Le lycée Aristide Briand

J’enseigne l’Histoire et la Géographie au lycée Aristide Briand de Saint-Nazaire. Depuis les salles de classe orientées au sud, j’aperçois les portiques des Chantiers de l’Atlantique. Contrairement à beaucoup d’endroits en France où les gens s’imaginent que toutes les usines ont été délocalisées en Chine, ici, les élèves voient l’industrie. 

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« C’est tout un travail d’aller vers les familles, et c’est très difficile »

Thierry, directeur d’école dans un Réseau d’Éducation Prioritaire

Parole du 20 septembre 2020, recueillie par Pierre et Jacques, mise en texte par Christine

À la Chesnaie
À la Bouletterie

À Saint-Nazaire, on dit « les quartiers ouest » pour parler de la Bouletterie, la Chesnaie et La Trébale. Là, vit une grande partie des familles de la ville qui se trouvent en-dessous du seuil de pauvreté (1). Cet habitat essentiellement collectif (HLM) est traversé par de larges avenues et est entrecoupé par des ensembles pavillonnaires implantés entre les différentes cités. Depuis une quinzaine d’années, dans la recherche d’une plus grande mixité sociale, les quartiers de la Bouletterie et de la Chesnaie bénéficient d’un effort de rénovation de l’existant, et de l’édification de constructions nouvelles. 

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Le territoire intime de l’ordinateur

Monica, technicienne de maintenance en informatique

Parole de septembre 2022, recueillie par Pierre et mise en récit par Roxane

Le « cloud », un grand mystère

Aujourd’hui, tout se fait sur internet. Des déclarations d’impôts aux cartes grises en passant par les créations de mots de passe, la vérification des comptes bancaires, des retraites… Les particuliers de la région nazairienne chez qui je vais pour dépanner l’informatique sont majoritairement des retraités qui non seulement veulent comprendre ce qu’il se passe avec leurs sous, mais pouvoir effectuer tranquillement leurs démarches administratives. Les enfants sont loin ou ne veulent pas s’occuper de l’ordinateur de leurs parents. Ou bien, s’ils le font, ils n’expliquent rien. «On ne va pas les déranger avec ça !» se résignent les parents. Mais à n’importe quel âge, l’ordinateur reste une machine compliquée. On m’appelle beaucoup pour des petits dépannages : des lenteurs, des manques de connexions, des opérations de transfert de photos du Smartphone vers l’ordinateur. Les gens aiment bien constituer des albums même s’ils ne vont jamais regarder leurs photos. Le grand mystère reste le Cloud. Ils n’y comprennent rien.  C’est compliqué de mettre à jour la sécurité d’un compte bancaire. L’idée est de leur montrer comment faire pour qu’ils se débrouillent sans moi.  

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La direction n’aime pas que les travailleurs se regroupent

Jean-François, salarié aux Chantiers de l’Atlantique

Parole de juin 2022, mise en texte par Pierre

Du côté des bureaux d’études

De chez moi, sur les hauteurs du quartier de l’Immaculée, je peux voir les bateaux qui dominent les immeubles, quand ils sont dans la forme Joubert. Et, sur la gauche, je peux apercevoir les barres rouges des portiques. Tous les jours, je traverse la ville pour me rendre dans un bâtiment qui, sur le « rond-point de l’ancre » fait face à celui de la direction des Chantiers de l’Atlantique, côté bassin. Là je rejoins mon poste de travail dans le bureau d’études au service électricité. Ce service est chargé entre autres de concevoir les installations qui, en fond de cale, vont fournir plusieurs dizaines de mégawatts dont 80% seront utilisés par les moteurs de propulsion électrique. C’est souvent le même rituel : je dépose ma veste, je fais chauffer la bouilloire et je vais dire bonjour à ceux qui sont arrivés. Quand j’ai commencé aux Chantiers, il y a trente-deux ans, il était de bon ton de faire le tour du bureau et de taper la discute. À cette époque, il y avait même le “Ouest-France” et le “Presse-Océan” qui étaient ouverts. On se serrait la louche, on lisait le journal jusqu’à 8h – après avoir pointé – certains faisaient les mots croisés, on prenait le café et on papotait sans aller directement au travail. 

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Aux Urgences de l’hôpital public se croisent des gens qui ne se seraient jamais rencontrés ailleurs

Fabien, infirmier aux Urgences de l’hôpital de Saint-Nazaire

Parole du 19 septembre 2022, recueillie par Pierre, mise en texte par Christine

En quinze ans d’exercice aux urgences, je n’ai jamais observé de conflit entre les patients. Pourtant, nous accueillons des populations très différentes, qui ne se côtoient pas ailleurs. Il y a des personnes en grande précarité dans les quartiers populaires de Saint-Nazaire, Trignac ou Montoir. Comme à Beauregard, un ensemble HLM des années 70, ou à Prézégat, un quartier qui se trouve derrière la gare, où vivent de nombreuses communautés issues de l’immigration, notamment une grosse communauté sénégalaise. Autour de ce quartier complètement enclavé, ce sont des champs : on est dans une sorte de cul-de-sac privé de  communication avec les autres quartiers de la ville. L’importante activité industrielle de la région nazairienne , qu’on ne retrouve pas forcément ailleurs, concentre sur l’ensemble de ce territoire une grosse population ouvrière qui travaille dans l’aéronautique, aux Chantiers de l’Atlantique, à la raffinerie et dans les usines de la zone portuaire. Il y a aussi, comme partout, des travailleurs des services, des jeunes, des retraités… Les plus aisés sont plutôt sur la côte, à la Baule, au Pouliguen, ou à Pornichet. Et tout ce gentil monde se croise aux Urgences.

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Faire du lien

Damien secrétaire de l’Union Locale CGT de Saint-Nazaire

Parole de septembre 2022, mise en texte par Pierre

Un paquebot par-dessus les toits

Quand je circule à vélo dans les rues de la ville de Saint-Nazaire, j’aperçois souvent, en fond de paysage, au-dessus des toits, un inhabituel immeuble à balcons. C’est un paquebot en phase de finition, amarré dans un bassin du port. Au bout de quelques semaines, il disparaît. Puis un autre apparaît à un autre endroit, près d’un autre quai. On ne peut pas les rater. Leurs structures en acier dominent la ville. Saint-Nazaire est indissociable de cette image liée à la construction navale. 

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À Saint-Nazaire, un lycée qui ne ressemble pas à un lycée

Mickael, ME (Membre de l’Équipe éducative) au Lycée Expérimental de Saint Nazaire

Parole d’août 2022, mise en texte par Pierre

L’ancien hôtel Transatlantique, devenu le lycée expérimental de St Nazaire

Le lycée dans lequel j’enseigne les sciences de la vie et de la terre ne ressemble pas à un lycée. C’est un « lycée expérimental » qui fonctionne depuis maintenant 40 ans. Je suis entré dans cet établissement il y a une douzaine d’années après avoir exercé pendant quatre ans mon métier d’enseignant au collège expérimental Anne Franck du Mans. Auparavant, j’avais fait beaucoup d’animations et de théâtre auprès des jeunes dans le cadre de l’éducation populaire. Là, j’avais appris à accorder des responsabilités et de l’autonomie aux jeunes. L’idée était de les inciter à faire émerger les thématiques de travail, de construire du savoir à partir du concret et d’approches sensitives. J’ai donc été coopté au Lycée Expérimental à la fois pour aborder le monde des sciences et animer les activités théâtrales.

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De la construction de bateaux à celle d’éoliennes offshore

Damien, responsable de travaux aux Chantiers de l’Atlantique à Saint Nazaire

Parole de mai 2022, mise en texte avec Pierre

Voilà 32 ans que je suis aux Chantiers de l’Atlantique. Lorsque j’ai commencé à y travailler, l’entreprise employait 5 600 personnes et quelques sous-traitants. C’étaient des gens de la région, notamment beaucoup d’habitants de la Brière qui occupaient nombre de postes de maîtrise. Aujourd’hui, on entend moins de noms à connotation briéronne. Les Mahé, Moyon ou Aoustin se font plus rares… Il y a 30 ans, les gens arrivaient encore de Brière en car. Maintenant il y a une desserte routière qui fait le tour de l’entreprise et de larges surfaces de parkings. Si bien que chacun peut se garer à proximité de son lieu de travail. L’ambiance n’est plus la même. Il est loin le temps où, à l’heure de la débauche, les grilles s’ouvraient pour laisser passer un flot de vélos et de personnes qui traversaient la rue et essaimaient dans les cafés alignés le long du quai.

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Gens simples, patients actifs

Jean-Michel, dermatologue

Parole d’avril 2022, mise en texte avec Pierre

Quand je faisais mes études de médecine à Rennes, on se rendait souvent avec des amis sur le littoral du Sud-Bretagne. Au-delà de Savenay, passé Trignac, on bifurquait vers la Baule en empruntant le périphérique légèrement en surplomb qui ceinture la ville de Saint-Nazaire et l’enferme entre, d’un côté, le port, ses grues, ses portiques ses friches industrielles et de l’autre, les marais de Brière et la campagne qui environne la chic station balnéaire bauloise. Cette quatre-voies forme une limite qui matérialise la juxtaposition de deux mondes que tout semble séparer. Je n’avais vraiment aucune envie d’entrer dans l’univers de Saint-Nazaire dont l’image me paraissait complètement négative. Je n’étais pas très au courant de l’histoire ouvrière de cette ville. Je devais tout juste savoir que le paquebot France y avait été construit. 

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Un médecin entre La Baule et St Nazaire: « Je ne suis pas là pour juger »

Gwénaelle, médecin urgentiste, SOS médecin

Parole mise en texte avec Pierre, Mai 2022

Quand, à huit heures du matin, j’arrive dans la salle de permanence nazairienne de « SOS médecins », je commence, autour des croissants du petit-déjeuner, par échanger avec mes collègues sur les appels auxquels l’équipe de nuit a répondu : madame unetelle qui nous a encore fait venir pour rien à Trignac ; cette jeune mère toxicomane isolée dans la campagne, et les interrogations que pose l’éventualité d’un signalement à la DDAS. Et on évoque les cas qui nous attendent dans d’autres lieux, dans d’autres contextes. L’antenne locale de notre association de permanence de soins intervient en effet sur un territoire fortement contrasté. Au nord et à l’est, les villes ouvrières de Saint-Nazaire et de Trignac, les marais de la Grande Brière du côté de Montoir et de Saint-Malo de Guersac ; à l’ouest les stations balnéaires de Pornichet, La Baule, le Pouliguen et l’arrière-pays de bocage autour de Guérande et de Saint-André des Eaux. 

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« Les chantiers, c’est toute une vie. » Itinéraires d’un attineur 

Yvan, magasinier aux Chantiers de l’Atlantique

Parole mise en texte avec Pierre, mars 2022

Avant d’être affecté au magasin de petit outillage, j’ai passé plusieurs années au cœur du chantier naval puisque je faisais partie de l’équipe chargée d’implanter au sol les plots qui supportent la coque du navire au fur et à mesure qu’on le construit. Mon rôle était, au fond de la cale, de tracer la silhouette de la coque, de placer des blocs de béton sur lesquels j’ajustais au rabot et au laser les poutres en chêne qu’on appelle des « tins ». J’étais ce qu’on appelle un « attineur »…  

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« Pour une fois, tous les ouvriers des Chantiers avaient été conviés à la cérémonie du lancement du Queen Mary 2 »

Laurence, décoratrice aux Chantiers de l’Atlantique

Parole de janvier 2021, mise en texte avec Pierre

Depuis la voie express, je vois à l’horizon les pylônes du pont de Saint-Nazaire et le grand portique rouge des Chantiers de l’Atlantique. Ce sont les marques qui indiquent que je m’approche de mon lieu de travail. Entre les marais du Mès où j’habite et le site du bateau en construction, il y a quarante-cinq minutes de trajet. Arrivée aux abords de la gare SNCF, j’ai conscience d’entrer progressivement dans l’environnement du chantier naval. Je bute sur le port. Contourner le bassin de Penhoët dont une rangée de cafés ouvriers borde les eaux un peu glauques. S’engouffrer entre deux très longs bâtiments industriels aveugles dont la perspective semble se refermer comme un entonnoir. Ici se pressent les gens qui arrivent au boulot au même moment. Ça bouchonne. Visuellement, ce passage ressemble à un sas au-delà duquel j’entre dans une autre dimension. Pas d’erreur : j’y suis… Il faut encore se trouver une place de stationnement à proximité de la porte qui donne accès à la forme des navires en phase de finition, au bord de l’estuaire.

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Les éoliennes à Saint-Nazaire, ville à la mer, ville ouvrière

Sylvie, Leader management documentation manufacturing

Parole de mars 2022, mise en texte avec Pierre

Au bout de la route… les mâts des éoliennes

Dès que General Electric a acquis Alstom, en 2014,  j’ai cherché l’opportunité de rejoindre le site de Montoir de Bretagne, proche de Saint Nazaire, spécialisé dans la fabrication d’éoliennes offshore. En septembre 2018 j’ai rejoint ce site en détachement dans un premier temps. Et en juin 2020, lorsque le projet du champ éolien offshore du « Banc de Guérande » a débuté, j’ai été mutée définitivement.

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