Le maître-mot est bien “solidarité”

Marie, intervenante sociale d’une communauté Emmaüs

Parole de mars 2023, recueillie par Pierre et mise en récit par Martine

Trier, réparer, stocker, vendre, ou donner aux plus démunis

Pour un compagnon d’Emmaüs, la démarche de venir à mon bureau est quand même particulière, un peu symbolique. C’est parfois une marche élevée à franchir. Pour que ce soit plus facile, je laisse ma porte continuellement ouverte ; quand elle est fermée, ce qui est rare, c’est que suis en train d’effectuer des démarches et que je ne suis pas dérangeable. Il y en a qui m’envoient un petit SMS ou qui me téléphonent : « Est-ce que je peux monter te voir ? ». Je dis souvent aux compagnons que j’ai toujours les petits bonbons au miel de ma grand-mère. Certains arrivent avec leur café dans mon bureau. C’est génial ! C’est souvent un moment convivial. « Allez, assieds-toi. Comment ça va en ce moment ? » On peut venir y pleurer – la boîte de mouchoirs est là – mais parfois aussi annoncer des bonnes nouvelles, discuter, manger un petit bonbon et voilà… Mes journées sont rarement très organisées. Je laisse beaucoup de place à la spontanéité et à l’informel parce que c’est autour de ça qu’il y a beaucoup de choses qui se passent. Il ne faut pas qu’on entre dans mon bureau comme on se rend à un guichet. 

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Ici, accueillir, c’est dans l’ordre des choses

Claire, salariée à « La Fraternité », association nazairienne

Parole d’octobre 2022, recueillie par Pierre et mise en récit par Dominique

« La Fraternité » est une association de Saint-Nazaire, d’obédience protestante, qui assure un accueil de jour pour des personnes en grande précarité ou en grand isolement : des gens de la rue qui vivent dans des parkings souterrains, dans des squats dispersés à travers la ville ou qui se regroupent sur le parvis de la gare toute proche de nos locaux. Certains campent sur des terrains en se cachant. Nous accueillons aussi des personnes âgées très isolées ou des personnes en difficulté psychiatrique pour qui c’est un peu la sortie de la journée. On ne sait pas toujours ce qui leur est arrivé ; d’ailleurs, on ne le leur demande pas. Ce sont parfois des gens malades, victimes d’addictions, notamment à l’alcool, ou de troubles divers. Par exemple, en ce moment, on accueille un monsieur qui, tout en suivant une chimiothérapie à l’hôpital de jour, vit dans la rue avec son chien. Un jeune majeur, victime de multi-traumatismes liés à l’exil, est lui aussi dans la rue ; ce qui, comme pour tous ceux qui sont dans la même situation, ne fait qu’aggraver sa grande fragilité psychologique. Sur la quarantaine de personnes accueillies chaque matin de huit heures à midi, sauf le mardi, la moitié sont des sans abri. 

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Aux Urgences de l’hôpital public se croisent des gens qui ne se seraient jamais rencontrés ailleurs

Fabien, infirmier aux Urgences de l’hôpital de Saint-Nazaire

Parole du 19 septembre 2022, recueillie par Pierre, mise en texte par Christine

En quinze ans d’exercice aux urgences, je n’ai jamais observé de conflit entre les patients. Pourtant, nous accueillons des populations très différentes, qui ne se côtoient pas ailleurs. Il y a des personnes en grande précarité dans les quartiers populaires de Saint-Nazaire, Trignac ou Montoir. Comme à Beauregard, un ensemble HLM des années 70, ou à Prézégat, un quartier qui se trouve derrière la gare, où vivent de nombreuses communautés issues de l’immigration, notamment une grosse communauté sénégalaise. Autour de ce quartier complètement enclavé, ce sont des champs : on est dans une sorte de cul-de-sac privé de  communication avec les autres quartiers de la ville. L’importante activité industrielle de la région nazairienne , qu’on ne retrouve pas forcément ailleurs, concentre sur l’ensemble de ce territoire une grosse population ouvrière qui travaille dans l’aéronautique, aux Chantiers de l’Atlantique, à la raffinerie et dans les usines de la zone portuaire. Il y a aussi, comme partout, des travailleurs des services, des jeunes, des retraités… Les plus aisés sont plutôt sur la côte, à la Baule, au Pouliguen, ou à Pornichet. Et tout ce gentil monde se croise aux Urgences.

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La confiance se met en place petit à petit

Marie psychologue du personnel dans un hôpital psychiatrique

Parole du 6 mai 2022, mise en texte avec Roxane

À l’automne 2021, dès que je suis arrivée sur mon poste (c’est une création) de Psychologue clinicienne du travail, j’ai lancé une note d’information  pour que les agents de l’hôpital psychiatrique où je travaille me connaissent et m’identifient. Les agents c’est le personnel soignant et tous les autres : personnels administratifs et techniques. 

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Gens simples, patients actifs

Jean-Michel, dermatologue

Parole d’avril 2022, mise en texte avec Pierre

Quand je faisais mes études de médecine à Rennes, on se rendait souvent avec des amis sur le littoral du Sud-Bretagne. Au-delà de Savenay, passé Trignac, on bifurquait vers la Baule en empruntant le périphérique légèrement en surplomb qui ceinture la ville de Saint-Nazaire et l’enferme entre, d’un côté, le port, ses grues, ses portiques ses friches industrielles et de l’autre, les marais de Brière et la campagne qui environne la chic station balnéaire bauloise. Cette quatre-voies forme une limite qui matérialise la juxtaposition de deux mondes que tout semble séparer. Je n’avais vraiment aucune envie d’entrer dans l’univers de Saint-Nazaire dont l’image me paraissait complètement négative. Je n’étais pas très au courant de l’histoire ouvrière de cette ville. Je devais tout juste savoir que le paquebot France y avait été construit. 

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Un médecin entre La Baule et St Nazaire: « Je ne suis pas là pour juger »

Gwénaelle, médecin urgentiste, SOS médecin

Parole mise en texte avec Pierre, Mai 2022

Quand, à huit heures du matin, j’arrive dans la salle de permanence nazairienne de « SOS médecins », je commence, autour des croissants du petit-déjeuner, par échanger avec mes collègues sur les appels auxquels l’équipe de nuit a répondu : madame unetelle qui nous a encore fait venir pour rien à Trignac ; cette jeune mère toxicomane isolée dans la campagne, et les interrogations que pose l’éventualité d’un signalement à la DDAS. Et on évoque les cas qui nous attendent dans d’autres lieux, dans d’autres contextes. L’antenne locale de notre association de permanence de soins intervient en effet sur un territoire fortement contrasté. Au nord et à l’est, les villes ouvrières de Saint-Nazaire et de Trignac, les marais de la Grande Brière du côté de Montoir et de Saint-Malo de Guersac ; à l’ouest les stations balnéaires de Pornichet, La Baule, le Pouliguen et l’arrière-pays de bocage autour de Guérande et de Saint-André des Eaux. 

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Pas d’ambulance, pas de chaîne des soins

Samy, conducteur ambulancier au SMUR de Bordeaux

Parole du 7 avril 2022, mise en texte par Christine

Photo Jech

« Ambulancier », ça n’existe pas dans le répertoire des métiers de la fonction publique hospitalière. Officiellement, je suis « conducteur ambulancier » au SMUR, le Service Médical d’Urgence et de Réanimation. Cela signifie que je ne suis pas supposé être au contact du malade. Comme si je pouvais manutentionner un patient sans être à son contact, alors que je le porte pour le mettre sur son brancard et que je le transfère sur son lit en arrivant !

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Aujourd’hui, l’hôpital public ne meurt pas, il est assassiné à petit feu.

David, aide soignant dans un centre hospitalier du Sud Est

Parole du 17 janvier 2022, mise en texte avec François

J’exerce depuis douze ans mes activités d’aide-soignant au sein du service des urgences d’un Centre hospitalier dans le sud-est. Auparavant, et durant cinq ans, j’ai été aide-soignant à domicile. Voilà donc dix- sept ans que je travaille à l’hôpital public dont huit ans de nuit. Ce n’est pas mon premier emploi. J’ai une formation de topographe mais ce métier, pour diverses raisons, ne m’a pas plu. Je voulais exercer une activité qui soit utile aux autres. Aussi, j’ai décidé de me reconvertir en passant un concours.

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Pour l’administration tout est marqué dans les ordinateurs, pour les soignants des urgences la relève est indispensable

Yann, aide-soignant aux urgences d’un hôpital du sud-est

Parole du 26 janvier 2022, mise en texte avec Christine

Un patient qui arrive aux urgences a forcément mal quelque part, ou peur. Tant qu’il est en stress par rapport à sa douleur ou à son angoisse, il aura du mal à répondre à mes questions. Des informations importantes pour sa santé ne lui reviendront que lorsqu’il sera apaisé. Alors j’essaye de le calmer, le rassurer, lui dire qu’il est pris en charge, en attendant que les médicaments antidouleur fassent leur effet. Le moment où je le déshabille est important aussi pour sa prise charge médicale. Si la personne peut le faire elle-même, je lui dis d’enlever les vêtements du haut, que je vais fermer le box et que l’on viendra après pour les examens. Sinon, je vais la déshabiller, si besoin avec l’aide d’un collègue. Là, j’observe.

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L’enfant qui nous arrive

Sandrine, pédopsychiatre de secteur

Parole de juillet 2020, recueillie par Julien, mise en texte par Christine et Pierre, relue et revue par Sandrine en décembre 2021

Photo Philippe Bizouarn

Pour inaugurer un suivi au CMP, il faut que les parents appellent. Ce qui se joue ainsi en amont de la consultation, qui va se dire par téléphone à ce moment-là, est très important. Ça commence avec l’acuité de la secrétaire qui va sentir si ça se complexifie ou pas dès ce contact, et ouvrir les modalités d’accueil. Vaut-il mieux que le consultant soit médecin ou psychologue ? Est-ce mieux de recevoir l’enfant seul ? Avec ses parents ? Ses parents seuls ? Ces questions viennent pointer le « comment » on rencontre la problématique de l’enfant. Ensuite, on va recevoir l’enfant six, sept ou huit fois, pour se faire une idée clinique du tableau initial. On essaie de cibler ce qui sera le plus parlant. Faut-il plutôt favoriser ce qui se passe dans le dialogue singulier de cet enfant à ses parents ? L’enfant aurait-t-il besoin de parler à distance de ses parents, en privilégiant un espace de parole en individuel de type psychothérapique ?

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« La crise du COVID n’était qu’un symptôme des maux de notre société »

Margot, Médecin anesthésiste-réanimatrice

Parole du 28 septembre 2021, mise en texte avec François

Quand j’ai eu à choisir mon orientation après mes études secondaires, j’avais le ferme désir de m’engager dans un métier qui aurait du sens, qui serait tourné vers les autres, avec une vision un peu stéréotypée. J’hésitais entre médecin et avocat. Cependant, après réflexion, à cet âge-là, je ne me voyais guère défendre des justiciables accusés de crimes odieux. En optant pour des études médicales, j’entrevoyais plutôt une spécialisation privilégiant une approche globale du soin de la personne. La psychiatrie répondait a priori à ce vœu mais j’ai été déçue, voire choquée, par les pratiques dont j’ai été témoin lors de ma formation. Quant à choisir la spécialisation « Médecine générale », je n’étais pas à l’aise avec l’apprentissage que j’en avais eu dans notre approche occidentale très technicienne, trop superficielle à mon goût, s’intéressant à l’aigu et à l’organe, peu à a personne.

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J’adore travailler en binôme, c’est la garantie de soins de qualité pour nos petits patients.

Michel, aide-soignant en pédiatrie

Parole du 2 juin 2021, mise en texte avec François

Le CHU Robert Debré

Après mon service militaire en 1992, je suis rentré à l’APHP en qualité d’agent hospitalier à l’hôpital Robert Debré. À l’époque, les hôpitaux recrutaient massivement. Titularisé au bout de six mois, j’ai travaillé dans pas mal de services. J’ai été brancardier puis vaguemestre puis affecté dans des labos. A l’époque, les horaires de travail étaient clairement affichés et cela me permettait de pratiquer le rugby et d’enseigner la boxe dans un club. Mais, assez vite je me suis décidé à passer à autre chose.

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Un dimanche “ordinaire” aux urgences

Mélanie, infirmière aux urgences

Parole du 31 mai 2021, mise en texte avec Christine

« 93 entrées en 12 heures, une toutes les 8 minutes »

Ici, nous tournons sur les quatre postes : l’accueil avec le tri, les soins, les urgences vitales et le SMUR. Hier c’était dimanche, et j’étais affectée aux soins. Quand je suis arrivée à 7 heures, il restait seize patients de la nuit, dont cinq devaient sortir dans la matinée. J’ai commencé à faire le tour, repérer les patients visuellement, prendre leurs constantes, parler avec ceux qui ne dormaient pas … quand le premier camion pompier est arrivé. Il était 7h55 et ensuite ça n’a jamais désempli : 93 entrées en douze heures, une toutes les huit minutes ! Les pompiers et les ambulances arrivaient par flots de deux, trois, quatre, et même cinq équipages. Sans compter les personnes venues par leurs propres moyens – les piétons – qui attendait d’être vues par l’infirmier de tri.

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L’hôpital coule, coule doucement

Charlie, Secrétaire médicale dans un hôpital pour enfants

Parole du 28 mai 2021, mise en texte par François

Être secrétaire médicale dans un hôpital intégralement dédié aux enfants implique d’accueillir non seulement nos petits patients mais aussi leurs parents. Bien souvent ceux-ci sont angoissés et il faut donc d’abord se montrer calme et rassurante. 

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La santé a un coût mais pas de prix !

Fabrice, chef de service au CHU de La Timone

Parole du 7 mai 2021, mise en texte avec Olivier

Être utile au quotidien et travailler en équipe !

Je considère que l’hôpital public a pris une autre direction que celle qu’il avait quand je m’y suis engagé, celle d’un système de santé qui se voudrait rentable alors que par définition il ne peut l’être. Cela m’inquiète, bien qu’étant dans un secteur privilégié par rapport à d’autres secteurs hospitaliers car en réanimation le nombre d’infirmières est normé. Mais cela est un inconvénient puisque lorsque l’on manque de personnel, on ferme des lits, et on réduit l’offre de soins comme c’est le cas actuellement. Plusieurs fois par semaine nous annulons et reportons des interventions comme aujourd’hui. Cela crée des tensions avec les chirurgiens, avec les familles et rend les conditions de travail très difficiles.

Je suis à la tête d’un département d’anesthésie/réanimation pédiatrique, une grosse structure assez rare en France.

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Le combat pédagogique sur les valeurs est aussi important que les actions au coup par coup

Hélène – Comité de Défense de l’hôpital de Concarneau, membre du bureau de la Coordination Nationale 

Parole du 9 juin 2021 mise en texte avec Roxane. 

Depuis 2 ans je fais partie de la Commission des usagers de l’hôpital Quimper Concarneau. C’est une des instances considérées par le ministère de la Santé comme organisant la démocratie sanitaire en France.  La Commission des usagers travaille sur les réclamations courrier ou téléphoniques déposées à l’hôpital par les patients ou leur famille. Des réunions de conciliation peuvent être proposées entre le patient ou sa famille, un membre de la Direction, le médecin conciliateur et un représentant de l’usager.  Par exemple, une famille s’est plainte du manque d’empathie du service d’accueil en face du patient et de la famille en visite. Après étude des dossiers de l’année précédente, nous proposons des axes d’amélioration pour faire en sorte que les choses s’améliorent.

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L’enjeu d’aujourd’hui, ce ne sont pas seulement les fermetures de lits, c’est celui du droit à la santé

Rosine, militante au comité pour la défense de l’hôpital de Vire et à la coordination nationale pour la défense des hôpitaux et maternités de proximité

Parole du mardi 4 mai 2021, mise en texte avec Christine

J’en ai assez de la visioconférence. Même si je dois partir de chez moi à 6 heures et rentrer à 22 heures 30, je préfère largement aller à Paris, trois fois par an, pour les réunions du conseil d’administration et du bureau de la coordination. Ces réunions, ces échanges directs, me manquent. 

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« Aller là où l’on a besoin de nous ! »

Julie, Infirmière – Service des urgences pédiatriques, APHP

Parole recueillie le 7 mai 2021, mise en texte par François

Je suis infirmière aux Urgences pédiatriques depuis quatre ans. C’est mon premier poste. Nous avons encore la chance de pouvoir choisir notre affectation. Très tôt, durant ma formation, j’ai su que j’avais envie de travailler dans ce type de service, j’ai senti que cela pourrait me plaire, d’être auprès de petits et de leurs familles. Les parents ne viennent pas aux urgences par plaisir. Certains affirment que beaucoup de familles ne devraient pas y venir, qu’ils sont là “pour rien”. Moi, je ne suis pas d’accord avec cela, même s’il est vrai que certaines personnes en abusent. Nous accueillons surtout des parents perdus, angoissés, avec une réelle inquiétude, fondée ou non c’est un autre débat, et nous devons prendre en compte cette inquiétude.

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Il y a un moment où l’on se dit que la coupe est pleine

Anne-Claire, ex-infirmière aux urgences de Bicêtre

Parole de juin 2021, mise en texte avec Pierre

Le 18 novembre 2019, sous les objectifs des journalistes, les officiels débarquaient aux urgences de l’hôpital Bicêtre. Il y avait là le directeur de l’ARS Ile-de-France, celui de l’Assistance publique des hôpitaux de Paris et quelques autres personnalités venues assister à la signature du premier « Contrat zéro brancard ». Tous se sont chaleureusement congratulés autour du champagne et des petits fours, se réjouissant d’inaugurer le premier dispositif destiné à désengorger les urgences et éviter que les patients y passent jusqu’à 70 heures dans les couloirs. Ce que ces responsables ont oublié, c’est que le projet qu’ils venaient inaugurer en grande pompe avait été pensé et écrit par les infirmiers et aides-soignants depuis 2015, qu’il avait été validé par les médecins en 2016 et que, depuis cette date, il était resté bloqué à l’ARS. Il avait fallu la grève des urgences de 2019 pour voir les décideurs sortir le projet de l’oubli en espérant calmer le mécontentement des soignants qui refusaient de tolérer que des patients meurent oubliés sur des brancards. 

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Il suffit d’un grain de sable et le planning déraille

Emma, secrétaire hospitalière

Parole du 7 mai 2021, recueillie et écrite avec Roxane

En tant que secrétaire hospitalière, j’organise les prises en charge des hospitalisations pour des examens pédiatriques. Pour le plus grand nombre des enfants, je travaille dans le cadre de leur première consultation avec les médecins du service. Nous nous déplaçons aussi dans les autres services pour effectuer des enregistrements du sommeil, chez des tout-petits qui sont déjà hospitalisés. Ceci implique une gestion du planning très rigoureuse.

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La santé communautaire : un artisanat de terrain qui a fait ses preuves

Anne, sociologue

Parole d’avril 2021, collectée par Martine et mise en texte par Christine

La santé communautaire s’est expérimentée dans un contexte de « catastrophes sanitaires et sociales » pour les usagers de drogues. Ce sont les termes du diagnostic posé par le rapport Henrion en 1994, rapport officiel à l’origine de la réduction des risques pour les usagers de drogues. La menace du sida était redoublée par une exclusion des soins qui avait des conséquences meurtrières.

Je me souviens d’une affichette aux urgences de l’hôpital St Antoine qui annonçait : « les toxicomanes ne sont pas acceptés ici ». C’était dans les années 80, années où l’héroïne s’est diffusée de plus en plus largement. A cette époque, les toxicomanes étaient à priori exclus des services hospitaliers, ils étaient orientés vers des services spécialisés qui ne connaissaient qu’une réponse : la désintoxication. On n’imaginait pas pouvoir soigner les personnes tant qu’elles n’étaient pas désintoxiquées. Faute d’un premier diagnostic, une septicémie pouvait passer inaperçue, comme je l’ai constaté en 1990 lors de la mort d’une jeune femme à la porte de l’hôpital.

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Les usagers ont du mal à obtenir les informations de gestion

Yves, militant au Comité pour la défense de l’hôpital de Douarnenez

Parole du 6 mai 2021, mise en texte avec Christine

Je n’hésite pas à foncer quand il le faut. Par exemple, au début de la bagarre pour sauver le service de chirurgie, nous avions appris qu’il se tenait une réunion avec un responsable de l’ARS, l’Agence Régionale de Santé, et le directeur de l’hôpital de Douarnenez. Je suis arrivé devant la porte, je l’ai ouverte, et tout le monde est entré derrière moi. Nous étions une trentaine. Nous avons retenu le responsable de l’ARS pendant quelques heures. Je crois qu’il ne l’a pas trop mal pris, et que d’une certaine façon il a compris.

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“ Ma spécialité, c’est vraiment de prendre en charge à la fois l’enfant et sa famille”

Estelle, infirmière puéricultrice aux Urgences dans un hôpital de l’Est

Parole du 5 mai mise en texte avec Jacques

Il y a quelques mois j’étais dans la lutte face à ma direction pour évoquer les problèmes récurrents dans le service : problèmes de lits, problèmes de confort pour les patients, problèmes d’architecture non prévue pour prendre en charge certains patients. Depuis une semaine je suis un peu résignée au travail. Je vais faire ma journée et pas forcément prendre soin de moi. Je vais enchaîner mes soins, faire au mieux pour avoir l’impression de ne pas être une machine de guerre, c’est-à-dire passer d’un patient à l’autre.  En ce moment, j’en ai ras le bol. Je pense que je commence à être un peu fatiguée.

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“On sait qu’à l’ hôpital la famille participe à 50 % à la thérapie. Le patient est l’acteur principal, il y a autour de lui les acteurs du soin et … sa famille. “

Candice, aide-soignante en réanimation médicale.

Parole du 3 mai 2021, mise en texte avec Roxane.

Quand j’arrive à l’hôpital, dans le secteur réanimation, il est 7 h, je me suis levée à 5. Quand le conteneur à poubelles, à l’entrée du service, est plein à craquer, je me dis que les collègues ont charbonné toute la nuit. Dans les couloirs, il y a une odeur de caca, de pipi, mélangée à celles de la crème, du fer – parce que l’odeur du fer rappelle celle du sang –  de café chaud, de produits pharmaceutiques. Tout ça se confond à tous les parfums que chacun a sur soi en arrivant le matin pour travailler. 

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« Construire, en équipe et avec chaque patient en situation de précarité, le parcours de soins le plus adapté et durable »

Thibaud, médecin généraliste au sein d’une PASS – Permanence d’Accès aux Soins de Santé – à Marseille

Parole de mai 2021, discutée avec l’équipe de la PASS, mise en texte par François

Pour cinquante pourcent de mon temps, je suis médecin généraliste au sein de la Permanence d’Accès aux Soins de Santé « Adultes » de l’Assistance Publique des Hôpitaux de Marseille (AP-HM). Très prochainement, j’assurerai l’autre partie de mon temps de travail en qualité de médecin urgentiste au Centre Hospitalier du Pays d’Aix.

Les PASS sont des dispositifs créés par la loi du 29 juillet 1998 de lutte contre l’exclusion, qui vise à garantir sur l’ensemble du territoire national l’accès pour tous aux « droits fondamentaux, dans les domaines de l’emploi, du logement, de la justice, de l’éducation, de la formation et de la culture, de la protection de la famille et de l’enfance, et de la protection de la santé« . Les missions des PASS sont énoncées dans le Code de Santé Publique, et présentées par une circulaire de la Direction Générale de l’Offre de Soins (DGOS) de 2013 … 15 ans après la loi.

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