« Moi, j’aime pouvoir faire mon travail de manière bien organisée »

Jordan, agent de service au sein d’une maison de retraite

Le maniement de l’auto-laveuse

Au début de mon travail d’agent de service en maison de retraite, la cadence était trop intense pour moi. Je m’efforçais de me concentrer sans arrêt pour bien réaliser ce qui m’était demandé : réceptionner le linge propre, le trier, le plier… Si les changements me troublent ou si me concentrer me demande plus d’efforts qu’aux autres, c’est que je suis classé comme autiste léger.  Je souffre en effet de dysgraphie et de difficultés de langage. Compte tenu de mon handicap, le médecin du travail a proposé un emploi du temps aménagé. Je travaille cinq jours par semaine, du lundi au vendredi, pour un total de trente heures. Et je commence une heure plus tard que mes collègues, à sept heures trente. 

Aujourd’hui, je peux dire que, dans mon travail, je tiens le rythme. Je m’adapte aux petits imprévus, mais si un changement intervient sans que j’aie été prévenu, ça me stresse. C’est par exemple le cas, quand je dois interrompre soudainement le maniement de l’auto-laveuse. Moi, j’aime bien pouvoir faire mon travail de manière organisée.

Continuer à lire … « « Moi, j’aime pouvoir faire mon travail de manière bien organisée » »

Un « retour à la normale » qui ne peut pas être un « retour en arrière »

Vincent, technicien en laboratoire d’analyses biologiques

« Je ne pouvais pas m’installer dans les grands open-spaces où le moindre virus se transmet à toute vitesse« 

« On t’enlève du labo, on te met sur un ordinateur ».  C’est la solution que mes employeurs ont proposée, il y a deux ans, quand, après avoir combattu un lymphome hodgkinien, je suis revenu travailler dans le laboratoire qui m’emploie. Ce cancer du sang, traité ordinairement facilement, avait été réfractaire aux traitements les plus efficaces. Il a fallu, pour le vaincre, passer par une autogreffe de moelle osseuse. Affaibli par les chimiothérapies et les divers traitements, avec des défenses immunitaires très déficientes, j’ai repris mon travail, en juin 2023, dans le cadre d’un mi-temps thérapeutique et sous le statut de « handicapé temporaire ». Non seulement, en effet, j’avais besoin d’un aménagement de poste pour m’aider à gérer la fatigue, mais il était hors de question de m’exposer aux risques biologiques évidents dans tout laboratoire d’analyses… 

Continuer à lire … « Un « retour à la normale » qui ne peut pas être un « retour en arrière » »

Le travail dans le territoire de Saint-Nazaire, raconté par ceux qui le font

Une trentaine de récits à parcourir pour découvrir les liens entre Travail et Territoire

En mars 2022, la Compagnie Pourquoi se lever le matin publiait le premier d’une série de récits réalisés dans la région de Saint-Nazaire sur le thème Travail & Territoire, dans cette région ouvrière rurale et urbaine, en voici la liste

Agathe, libraire indépendante en SCOP : Libraire engagée dans la ville
Amaury, professeur d’Histoire et Géographie au lycée Aristide Briand de Saint-Nazaire : Quand les lycéens découvrent leur ville
Antoine, régisseur général à la mairie de Saint-Nazaire : « Faire ensemble » autre chose que le travail tout en gardant la solidarité qu’on trouve dans le travail
Aurélie, guide-conférencière à « Saint-Nazaire Renversante » : Je cherche à ce que la fascination que j’éprouve pour ce territoire industrialo-portuaire embarque les visiteurs
Brahim, soudeur sur les grands chantiers : Souder, souder, raccorder, raccorder… des tubes et des tubes…

Continuer à lire … « Le travail dans le territoire de Saint-Nazaire, raconté par ceux qui le font »

“Souder, souder, raccorder, raccorder… des tubes et des tubes…”

Brahim, soudeur sur les grands chantiers

Brahim sur un navire en construction. Au loin, le port de Saint-Nazaire

J’habite dans le sud de l’Espagne depuis que j’ai seize ans. Mon père y travaillait, et nous avons quitté le Maroc avec le reste de la famille pour le rejoindre. Maintenant, j’ai les deux nationalités et j’ai acheté une maison en Espagne. J’avais commencé ma formation de soudeur au Maroc, je l’ai terminée en Espagne et j’ai commencé à travailler à 18 ans. Depuis, j’ai travaillé dans toutes les régions d’Espagne, puis en Finlande, aux Pays-Bas, en France et ailleurs. Et me voilà depuis presque deux ans aux Chantiers Navals de Saint-Nazaire.

Le chantier ressemble à une sorte de Lego géant où l’on assemble des blocs qui sont des morceaux de paquebot. Les panneaux qui vont faire les blocs sont très grands et il faut y souder les tuyaux dans les trous prévus. Je soude les tubes et quand j’ai fini mon travail, la grue se saisit du bloc entier et le pose sur le bateau Et ainsi de suite. Après, quand les panneaux sont installés, je monte raccorder leurs tuyaux.

Continuer à lire … « “Souder, souder, raccorder, raccorder… des tubes et des tubes…” »

Rechercher un emploi : une contrainte douloureuse et blessante

Pierre, chômeur et militant

On voit les grandes entreprises, mais pas les sous-traitants qui représentent un part énorme de leurs emplois

Avant d’être éducateur spécialisé en contrat à durée indéterminée, puis d’affronter de graves  soucis de santé qui ont abouti à un licenciement pour inaptitude, j’avais connu des périodes de chômage parfois très longues, très éprouvantes, entrecoupées de petits contrats d’animateur socio-culturel et de périodes où j’exerçais en tant que remplaçant. Mon état de santé s’étant aggravé, je bénéficie aujourd’hui d’une pension d’invalidité. Heureusement, les soins que j’ai suivis me permettent de mener maintenant une activité de militant à l’union locale du syndicat et d’accepter un statut qui fait que je ne suis ni à la recherche d’emploi ni salarié. Revenir au chômage, c’est quelque chose qui me fait très peur. 

Continuer à lire … « Rechercher un emploi : une contrainte douloureuse et blessante »

Hébergement solidaire : un bénévolat à plein temps

Enoch, militant associatif

Quand P a débarqué en 2019 à la « maison du peuple » de l’avenue Albert de Mun (MDP 2),  qui servait de point de ralliement au mouvement des Gilets Jaunes, il était mineur et sans domicile fixe. Il avait été mis à rue par sa tante et il est arrivé avec le flot de ceux qui disaient : « On n’arrive pas à boucler les mois, on est dans une situation désastreuse ». Il y avait là des gens qui vivaient dans des voitures, dans la rue, beaucoup de jeunes. On n’a pas supporté l’idée que, le soir, on devrait fermer la porte de la maison qui nous servait de lieu de ralliement, en disant à ces gens d’aller dormir dehors et de revenir quand on rouvrirait le lendemain matin. Donc on a aménagé des chambres : « Installez-vous… ».

Continuer à lire … « Hébergement solidaire : un bénévolat à plein temps »

Trouver un terrain d’entente

Émilien, entrepreneur en rénovation immobilière

À Saint-Nazaire, un immeuble épargné par les bombes et ses récents voisins

Le métier que j’exerce aujourd’hui suppose de s’adapter en permanence aux clients et aux imprévus. C’est une occasion quotidienne d’apprendre. J’ai en effet créé mon entreprise il y a quelques années et je pilote désormais une activité dans le bâtiment et la rénovation, un secteur économiquement porteur, sur un territoire caractérisé par une grande diversité sociale et économique et une grande diversité de besoins. À La Baule, on n’a pas la même clientèle qu’à Saint-Nazaire, Montoir, Donges ou même Pontchâteau. 

Continuer à lire … « Trouver un terrain d’entente »

Quand on est entendu, on peut accepter  qu’une réponse soit différée

Virginie, agent d’accueil à la CPAM de Loire-Atlantique

Parole recueillie en septembre 2022 par Jacques et Pierre, mise en texte par Christine

La CPAM de Loire-Atlantique

Parfois, les gens nous voient encore  à l’ancienne, comme le guichet de « la sécu » où l’on appelle : « numéro 302 ! ». En fait, ce n’est pas du tout ça. Je reçois les assurés comme j’aimerais être reçue. J’appelle la personne par son nom de famille, pas par un numéro. Plutôt que de  l’attendre  assise à mon bureau, je me lève pour aller à sa rencontre. Les situations auxquelles j’ai affaire sont très variées. C’est par exemple une dame qui vient parce que son mari est mort de l’amiante ; il s’agit d’un dossier de maladie professionnelle post mortem. Ça peut être une question d’affiliation, un enfant qui vient de naître ou un étranger qui arrive. Je peux m’occuper de la prise en charge des implants capillaires de quelqu’un qui a un cancer, d’un dossier d’invalidité, d’une rente d’accident du travail, d’un appareillage auditif ou d’une prise en charge d’orthodontie. Je me suis récemment occupée d’obtenir une aide extraordinaire pour un recours à une diététicienne, alors que cela n’est normalement pas pris en charge par la CPAM. Je prends la demande et j’essaye d’y répondre. Mais, la législation ne cessant d’évoluer, je me pose tous les jours de nouvelles questions, la plupart du temps très techniques. Il faut plus de six mois pour former un agent d’accueil. 

Continuer à lire … « Quand on est entendu, on peut accepter  qu’une réponse soit différée »

« Faire ensemble » autre chose que le travail tout en gardant la solidarité qu’on trouve dans le travail

Antoine, régisseur général à la mairie de Saint-Nazaire

Parole recueillie par Pierre et mise en récit par Jean-Pierre et Pierre.

Le VIP, scène de musiques actuelles à l’intérieur de la base sous-marine

Il n’y a pas de petite manifestation culturelle. Le régisseur général que je suis, au sein du « Service Technique Animation Régie Événementielle » de la mairie de Saint-Nazaire, sait qu’il y aura beaucoup de travail pour régler ce qui ne se voit pas derrière le moindre projet d’expo ou de spectacle. À côté de ce qui sera exposé à la lumière et aux regards, il y a toujours eu quelque chose que les organisateurs n’avaient pas prévu. Je suis du côté de la partie immergée de l’iceberg. 

Continuer à lire … « « Faire ensemble » autre chose que le travail tout en gardant la solidarité qu’on trouve dans le travail »

Un objet, il faut que ça vous parle

Christian, brocanteur à Salers – Août 2022

Propos recueillis et mis en texte par Roxane avril 2023

Christian devant sa boutique, à Salers

Quarante ans de chine sur les trottoirs et vingt-cinq à mon compte ! Dès le XIX°S. on parlait du métier de biffin, c’était ceux qui fouillaient  dans les poubelles avec un crochet. Des chiffonniers. Puis on est passé à brocanteur. Lui il chine sur le trottoir, il va dans les maisons, sur les vide-greniers … Chiner c’est l’art de dénicher, quelque chose que personne n’a vu, qui a échappé aux regards scrutateurs. Chiner, c’est croire que l’on va trouver quelque chose d’incroyable. Quand j’étais jeune, j’étais passionné par le matériel de pêche. Et mon Graal fut de trouver, chez un ferrailleur, par hasard, dans un phare de DS, un moulinet de pêche exceptionnel. Celui-là même, que le plus gros collectionneur et écrivain de Paris, venu sur les lieux, n’avait même pas vu. Je l’ai acheté dix  francs, ce n’était rien ! Chiner c’est aussi répondre aux appels pour expertiser une maison, en cas de succession. Chiner c’est découvrir des univers. 

Continuer à lire … « Un objet, il faut que ça vous parle »

“ Le bois c’est besogneux, c’est dur, c’est lourd ” 

Thierry, tabletier en bois rares – Salers août 2022

Propos recueillis et mis en texte par Roxane – avril  2023

Thierry devant ses oeuvres

Mon métier porte le nom exact de tabletier. La tabletterie, comme la marqueterie sont des branches de l’ébénisterie. Tabletier c’est fabriquer de petits objets en matière dure, ivoire, corne, bois précieux, bois dur, ébène… Dans l’Antiquité les tabletiers fabriquaient des tablettes à écrire. C’était des petites plaques d’argile, de bois ou de métal, enduites d’une légère couche de cire sur lesquelles on écrivait. Puis avec le temps les tabletiers ont fabriqué, entre autres, les damiers, les échiquiers et sculpté leurs petites pièces dans le bois. J’avais 19 ans, en 1979, quand avec mes trois copains, nous ramassions dans les torrents des Alpes, des bois flottés.

Continuer à lire … « “ Le bois c’est besogneux, c’est dur, c’est lourd ” « 

 » Le matin, à 9 h 30, je dis bonjour à mes fleurs « 

Cécile, créatrice de fleurs en porcelaine froide – Salers août 2023

 Propos recueillis et mis en texte par Roxane mars 2023 

Cécile fabrique ses fleurs

J’habite et je vis à Salers depuis 2019. C’est un pur hasard. Quand j’ai voulu partir des Landes, suite à une erreur de casting relationnel, j’ai voulu revenir en Corrèze au plus près de la montagne. Ma fille, elle a 17 ans, étant revenue de chez son papa, j’avais repéré un lycée pas mal à Mauriac et lors de ma demande de HLM, une dame avec qui je suis restée longtemps au téléphone m’a dit : « J’ai quelque chose qui va être parfait pour vous,  votre fille et votre gros chien… à Salers »   J’ai dit oui tout de suite, sans visiter.
Quinze  jours après, j’étais là…  dans ma cave, sans fenêtre. La plupart des boutiques de Salers sont les pas de porte d’anciennes boutiques des maisons  renaissance,  qui ouvrent sur la rue. J’allais la transformer en atelier boutique où aujourd’hui, je fabrique, expose et vends mes fleurs et bijoux en porcelaine froide. 

Continuer à lire …  » » Le matin, à 9 h 30, je dis bonjour à mes fleurs « « 

« Le port, c’est un monde dans lequel je me sens exister »

Jean-Paul, agent consignataire au port de Saint-Nazaire

Parole mise en récit par François et Pierre

Le site portuaire de Saint-Nazaire – Montoir – Donges

La société d’agents consignataires au port de Saint-Nazaire travaille 24 heures sur 24, 7 jours sur 7. Ça ne s’arrête jamais. Un soir où j’étais d’astreinte, je reçois un appel. Il est 23 heures, je suis tout seul à la maison, devant mon petit écran. Le commandant d’un navire en attente sur rade a un problème. En raison du gros temps, le bâtiment au mouillage a tiré sur sa chaîne. L’ancre est accrochée au fond. L’équipage a les plus grandes difficultés à la relever. Il ne pourra donc pas monter au terminal à l’heure prévue pour décharger sa cargaison. Mon rôle d’agent consignataire, en tant qu’interlocuteur du bateau et de l’affréteur, est alors d’appeler la capitainerie du port pour signaler le problème.  À partir de là, l’information est répercutée auprès des services qui s’occupent des opérations d’accostage et de la rotation des navires, afin que les répercussions de ce contretemps soient gérées au mieux.

Continuer à lire … « « Le port, c’est un monde dans lequel je me sens exister » »

Quand ils entrent dans le bâtiment, les gens n’en reviennent pas

Tony, technicien aéronautique

Parole de novembre 2022, mise en récit par Pierre

Devant le siège de l’usine de Montoir, le « SO-30P Bretagne », un moyen courrier de 1947

Quand je suis entré dans la vie active, j’ai travaillé ici ou là dans le domaine de la chaudronnerie, du tournage, du fraisage. Un jour, je rencontre quelqu’un qui me dit : « Tiens, ils cherchent du monde à l’Aérospatiale ». Je ne savais même pas qu’il y avait cette entreprise dans la région de Saint-Nazaire – Montoir. Lorsque, venant de la Mayenne, j’étais arrivé dans la région en 1989 pour suivre mes parents du côté de Pontchâteau, on ne parlait que des Chantiers : 
« – Tu travailles où ?
– Je travaille aux Chantiers de l’Atlantique… » 
À l’époque, il y avait  plus de 10 000 personnes employées là-bas. L’image de la région, c’était celle des paquebots. En fait, j’ai été embauché à l’aérospatiale, dans l’usine de Montoir. Là, j’ai d’abord travaillé  sur la zone des panneaux sous voilures avant d’être affecté à la fabrication de la « case de train » du programme Airbus A330. Cette « case » est l’endroit où les roues de l’avion viennent se loger après le décollage. Puis, j’ai passé quelques années sur la ligne d’assemblage du fuselage de l’A300. À la longue, j’ai eu des problèmes de dos et je me suis retrouvé dans un service adapté. J’ai alors repris des études et j’ai décroché un diplôme qui, parmi les 563 métiers répertoriés chez Airbus, m’a permis d’en choisir un qui soit compatible avec mes soucis de santé. Je suis donc maintenant technicien aéronautique – un « col blanc » – chargé de remédier aux défauts de montage et d’améliorer le process sur le programme des A350. 

Continuer à lire … « Quand ils entrent dans le bâtiment, les gens n’en reviennent pas »

Je peux dire, maintenant, que je suis bijoutière !

Karine, artisane bijoutière – Salers août 2022

Propos recueillis par Roxane et mis en texte par Dominique, février 2023 

Karine à son établi

Je fais des bijoux en argent et j’ai une boutique à Salers pour la saison d’été, dans une grange ancienne, superbement rénovée. C’est un très bel endroit, un peu caché, dans une ruelle qui aboutit à des escaliers. Le sol est pavé de petits cailloux polis, des pierres volcaniques et du basalte, qui sont assemblés en calade, c’est-à-dire sur la tranche sur une couche de chaux. 
C’est la deuxième année que nous y sommes installés avec Hubert mon conjoint,  également artisan bijoutier, avec qui j’ai monté notre atelier suite à notre reconversion professionnelle il y a 4 ans.

Continuer à lire … « Je peux dire, maintenant, que je suis bijoutière ! »

“Avant la grève, Il n’y avait pas de véritable politique de transports urbains”

Catherine, conductrice de bus

Parole d’octobre 2022, recueillie par Pierre, mise en récit par Christine

Devant la gare SNCF

« Tu vois, c’est la dame qui m’emmenait à l’école quand j’étais petit » : c’est ce que j’ai entendu dernièrement dans la bouche d’un jeune homme qui montait dans mon bus avec son fils. Depuis trente ans que j’exerce ce métier, je fais un peu partie des murs. Il y a même des usagers qui m’appellent par mon prénom, surtout depuis la grève de 2004. Il faut dire que j’étais en première ligne pendant le conflit, qui a été très médiatisé. Des journalistes nous ont raconté que leur rédaction, comme lors de toutes les grèves, leur demandait d’interroger des usagers mécontents de notre arrêt de travail. Mais ils n’en trouvaient pas à Saint-Nazaire. C’était impressionnant de voir à quel point l’opinion publique était avec nous.

Continuer à lire … « “Avant la grève, Il n’y avait pas de véritable politique de transports urbains” »

Nous avons une vie à l’envers, nous ne sommes pas faits pour avoir une vie sédentaire

Maryline, créatrice verrier – Salers août 2022

Propos recueillis et mis en texte avec  Roxane – février 2023

Maryline et ses créations

Pascal, mon compagnon, a décrit comment nous sommes arrivés à Salers. J’ai envie d’en dire aussi quelques mots. Nous étions harassés, lassés des nombreuses expositions, pour vendre nos pièces. Nous avions besoin de nous sentir bien dans un environnement, d’avoir pignon sur rue et fidéliser ainsi une clientèle. Nous avons trouvé une boutique à Salers cette année-là. Dans un premier temps, nous y avons campé,  entre le petit atelier de démonstration, l’espace d’exposition de nos produits et l’espace cuisine et commodités. On avait de l’eau chaude ! Le soir, on poussait nos pièces, nos créations, pour ouvrir le canapé-lit. C’était vraiment très dur de rester dans cette boutique jour et nuit au milieu de nos pièces, quand bien même les avait-on créées et aimées. On ne souhaitait pas trop investir, puisqu’on ne savait pas non plus où on mettait les pieds. Au bout d’une saison on a su : on avait bien vendu. Alors nous avons saisi des opportunités et nous nous sommes installés dans une petite maison à côté du magasin. Comme cela les deux vies travail et profession étaient bien différenciées.

Continuer à lire … « Nous avons une vie à l’envers, nous ne sommes pas faits pour avoir une vie sédentaire »

Le chalumeau est devenu mon meilleur ami, je vis avec lui depuis 45 ans

Pascal, souffleur de verre au chalumeau – Salers, août 2022

Propos recueillis et mis en texte par  Roxane – janvier 2023

Pascal et ses créations

Il y a de cela neuf ans,  en balade dans le Cantal, nous nous sommes arrêtés à Salers. Là, un artisan  travaillant la corne m’a suggéré de prendre une boutique dans ce village touristique. Intéressé, je l’ai cherchée et trouvée facilement. 
Avec Marilyne ma compagne, on s’y est installé sans trop prévoir d’y rester. J’ai tout de suite apporté mon petit matériel et je me suis mis à travailler dur pour avoir suffisamment de stock à vendre et combler les espaces, garnir les rayonnages. J’essayais de produire en même temps que je vendais. Je mangeais dans une petite cuisine aménagée au fond avec un petit coin toilette, je dormais sur un canapé que je déployais chaque soir. C’est dire la petite vie de saltimbanque !

Continuer à lire … « Le chalumeau est devenu mon meilleur ami, je vis avec lui depuis 45 ans »

« Je cherche à ce que la fascination que j’éprouve pour ce territoire industrialo-portuaire embarque les visiteurs »

Aurélie, guide-conférencière à « Saint-Nazaire Renversante »

Parole de février 2023, mise en récit par Pierre

Le car de « Saint-Nazaire Renversante » devant le terminal des conteneurs, vu du terminal roulier – Photo Farid Makhlouf

Les deux choses que je trouve fascinantes et que j’aimerais vraiment transmettre quand je fais visiter les Chantiers de l’Atlantique, c’est d’abord le rapport d’échelle entre l’objet monumental qu’est un paquebot et la main humaine de celui qui le construit ; puis tout le travail de planification que demande la fabrication de tels navires. J’aime conduire les visiteurs au pied de ces choses colossales et uniques pour qu’ils les voient en train de se faire.
La première partie de la visite des Chantiers se passe dans un autocar qui emmène les passagers, entre le port et l’estuaire de la Loire, à travers les 120 hectares de l’entreprise. Ils aperçoivent à travers les vitres les différents ateliers. Ils longent les espaces où sont entreposés à ciel ouvert les morceaux de puzzles en acier destinés à être assemblés en « panneaux » puis en « blocs » qui sont autant de parties plus ou moins complètes des futurs bateaux. Puis les visiteurs sont bientôt invités à mettre pied à terre pour entrer à l’intérieur de la forme de montage.

Continuer à lire … « « Je cherche à ce que la fascination que j’éprouve pour ce territoire industrialo-portuaire embarque les visiteurs » »

Souvigny  : foire des troubadours et saltimbanques. 

Jean-Paul, maroquinier – Salers août 2022

Propos recueillis et mis en texte par Roxane – mars 2023

La boutique de Salers

Chaque été, nous nous installons à Salers jusqu’à fin septembre, et depuis 25 ans, vers la fin juillet, je laisse la boutique à S. mon épouse pour aller à Souvigny. Je suis un grand fidèle de la foire de Souvigny, pas seulement pour le business mais surtout pour l’ambiance. 

Continuer à lire … « Souvigny  : foire des troubadours et saltimbanques. « 

Ma maison, mon territoire 

S. maroquinière – Salers août 2022

Propos recueillis et mis en textes par Roxane, mars 2023

L’atelier

Je m’appelle S., maroquinière, je travaille avec mon mari Jean-Paul maroquinier, il m’a appris son métier. Quand je me lève le matin vers 7h 30, ma première préoccupation, après la douche, est de nourrir mes cinq chats. Ensuite je monte à l’atelier au second étage. J’y vais en chausson ! C’est dire combien mon travail s’entremêle avec mon quotidien. Je consulte notre liste de fabrication pour voir son adéquation avec notre stock et avec notre répartition des tâches. C’est souvent mon mari, Jean-Paul, qui va à la presse, c’est toujours lui qui a le rôle de découpe, et moi plutôt celui de la diminution d’épaisseur du cuir avec la refendeuse.

Continuer à lire … « Ma maison, mon territoire « 

La solitude de la dessinatrice de presse indépendante

par Claire, graphiste et dessinatrice de presse

 » Souvent, le dimanche, les jours fériés ou le soir à 22h30, elles montent des maquettes syndicales sur les droits des salariés à la Caisse d’épargne ou chez les fonctionnaires, et elles ont envie de pleurer. »

Je suis graphiste, maquettiste et dessinatrice de presse indépendante depuis 27 ans. Ça veut dire que j’ai connu le métier aux tous débuts d’Internet, du temps où les correcteurs et les rédacteurs en chef prenaient le RER pour se déplacer chez toi le jour du bouclage et que tu pouvais leur offrir un café et leur donner ton avis sur les articles du journal, mais ça, c’est de la vieille histoire.
Entre les années 2000 et 2020, les travailleurs indépendants se regroupaient dans des bureaux partagés pour mettre en commun les frais de chauffage, d’Internet, d’imprimante couleur et de papier-cul. On pouvait faire de joyeuses mises en commun de professions précaires : illustrateurs, typographes, photographes, correcteurs, webmasters, éditeurs, réalisateurs, monteurs, iconographes, journalistes, militants associatifs… Parfois on avait même une salle de réunion !

Continuer à lire … « La solitude de la dessinatrice de presse indépendante »

 Ce sont des rencontres qui ont déterminé ma vie professionnelle

Jean, vendeur de savons artisanaux à Salers – août 2022

Propos recueillis par Roxane et mis en texte par Christine – février 2023

La boutique de savons, dans une ancienne cuisine d’un hôtel du XVII° s à Salers

Je suis arrivé à Salers grâce aux Artisans que j’ai côtoyés pendant près de dix ans alors que je fabriquais des vêtements de création, avec ma compagne de l’époque. Nous les vendions dans des salons de métiers d’art et dans des expos artisanales. J’ai alors connu de multiples artisans de création, dont des savonniers. En 2000, alors que je me séparais de ma compagne, j’ai décidé  qu’il fallait  que je reste dans l’artisanat, c’était un milieu qui me plaisait bien. J’ai alors pensé à revendre des savons. J’ai donc pris du stock auprès des maîtres savonniers fabricants dont on m’avait donné l’adresse, pour les vendre dans des expos artisanales, ou des foires, qui ne duraient jamais plus de deux jours. Faire des expos régulièrement est un travail harassant du fait des déménagements de matériels et de stocks et ce à tous vents. 

Continuer à lire …  » Ce sont des rencontres qui ont déterminé ma vie professionnelle »

Je fais, je défais, je refais et c’est comme cela que j’avance

Fanny, créatrice de bijoux macramé – Salers août 2022

Les créations de Fanny

Propos recueillis et mis en texte par Roxane – mars 2023

Quand je me suis installée créatrice de bijoux, je vendais sur les marchés, dans  des salons d’artisanat, un peu partout en France. En 2010 je crois, dans le Cantal, j’ai rencontré, notamment, Céline une potière et qui m’a proposé d’intégrer la Fabrik à Aurillac, une boutique collective d’artisans. J’y ai exposé mes bijoux en macramé, en dépôt-vente, en tant qu’invitée. Je ne tenais pas de permanence. C’était tranquille ! Au bout de quatre ans, l’équipe m’a dit “ Les invités normalement restent trois mois. On te propose d’intégrer la boutique en tant que permanente ou il faudra laisser ta place à d’autres invités….” 

Continuer à lire … « Je fais, je défais, je refais et c’est comme cela que j’avance »

“On est tous comme ça. On a cette mentalité de vouloir travailler”

Patrice, ajusteur chez MAN-Energy Solutions, constructeur de moteurs diésel géants

Parole d’octobre 2022, recueillie et mise en récit par Pierre

Les établissements MAN, dans l’enchevêtrement des usines du site industriel

Je suis un «casseur d’angles». C’est comme ça que notre ancien patron, à son époque, appelait ceux qui, comme moi aujourd’hui, ébavuraient les bielles dans les ateliers de l’usine MAN-ES de Saint-Nazaire. Lorsqu’elles sortent de fabrication, ces pièces de moteur diésel ont des angles vifs. Il faut les effacer. Depuis que je suis arrivé dans l’usine comme ajusteur, il y a 20 ans, la technique n’a pas changé. Je me sers toujours de la lime comme j’ai appris à le faire à l’école. Il faut sentir la matière. Je passe un coup et j’enlève peut-être deux millimètres d’acier… En deux ou trois coups de lime, c’est vite fait. Certains utilisent la meule équipée d’une lime-aiguille en carbure. Mais je n’aime pas ça…

Continuer à lire … « “On est tous comme ça. On a cette mentalité de vouloir travailler” »