Le travail à l’épreuve de la pandémie

Le sommaire et quelques extraits

20€ (frais d’envoi offerts)
Commander

Les relations avec ses pairs
II- 2 – Dans les interactions, qui privilégie-t-on dans le travail à distance ?


Cet état de choc qui caractérise les premiers temps est général car très peu de collectifs ont été préparés à une telle situation. C’est néanmoins le cas d’une grande entreprise où, assez paradoxalement, le télétravail n’avait pas les faveurs de la direction :

Assez logiquement, l’apprentissage des dispositifs de travail à distance a été engagé en sollicitant amis ou collègues dont on se sent proche :

« Entre collègues on se soutient. Je suis en contact avec sept-huit collègues. Certains sont malades et prennent assez mal les messages leur demandant de faire ceci ou cela. Une grande majorité fait comme moi : ils bidouillent. On se rend des services entre nous, mais c’est plus entre copains qu’entre collègues.»
Anne, professeure dans un lycée de Seine Saint-Denis

Dans l’univers de l’enseignement, face aux difficultés récurrentes d’accès aux ressources nationales et notamment aux outils proposés par le CNED, des initiatives locales émergent. Elles sont particulièrement appréciées quand l’établissement dispose d’une personne ressource en informatique :

« Nos informaticiens ont mis en ligne des tutos pour pouvoir remplir notre cahier de textes et ajouter des cours en ligne. »
Anne, professeure dans un lycée de Seine Saint-Denis

A défaut de personne dédiée à la gestion des dispositifs numériques ou quand la hiérarchie de proximité ne s’est pas mobilisée, des parents d’élèves ont pris le relais, coordonnant et harmonisant les supports mis en ligne par l’équipe pédagogique de la classe de leur enfant tout en poursuivant leurs activités professionnelles :

« La première semaine, cela a été la panique sur le groupe WhatsApp des parents : chacun essayait tant bien que mal d’accéder aux informations et aux documents des différents enseignants [ … ]. Tout le monde était un peu perdu. Du coup, en bon geek et parent de deux enfants, j’ai décidé de mettre en place une sorte de système d’information alternatif et j’ai créé un petit site où j’ai rassemblé les ressources en temps réel, avec des mises à jour trois à quatre fois par jour. J’y mettais les devoirs, les liens vers les ressources, les documents, que je devais souvent convertir dans des formats lisibles par tous, etc… Ça m’a pris un temps fou ! »
Yannick, chercheur en sciences sociales

Au-delà de l’injonction au travail en équipe, certains cadres ont perçu l’importance d’une rapide écoute des membres de leur équipe afin de prendre en compte au mieux des situations singulières : présence ou pas de jeunes enfants au domicile, possession ou pas d’un micro-ordinateur, accès fluide à Internet, sécurisation des échanges de données, …

 » A la mi-mars, petit cataclysme, nous partons tous en télétravail pour une première période. Ma toute première préoccupation, a été de maintenir le lien. Pour moi ce lien entre nous, c’est essentiel. »
Alfred, responsable d’un service d’économie agricole dans la Fonction publique de l’État

Le chômage partiel, décrété par les pouvoirs publics, a rasséréné celles et ceux qui ont pu y prétendre. En revanche, cette mesure, aux modalités d’application complexe, a entraîné ici et là de lourds problèmes pour les interlocuteurs de certaines entreprises :

« On tournait en rond ! Le pays était paralysé, tous les salariés administratifs de la DIRECTE étaient en télétravail ou en chômage partiel. Cela a duré deux mois. Je n’avais plus de vie à la maison. Je me déplaçais jusqu’aux toilettes avec le téléphone. »
Véronique, responsable d’un service de gestion de payes en sous-traitance

Petit à petit des pratiques efficientes se mettent en place. C’est logiquement l’encadrement de proximité qui les impulse. Il s’agit pour ces responsables d’équipes d’organiser les travaux en suivant un ordre du jour diffusé en amont, de faire respecter les prises de parole, d’assurer le partage de documents, …

« Ce qu’on a fait concrètement dans l’activité quotidienne, c’est de réorganiser toutes nos réunions traditionnelles en numérique, y compris celles d’une certaine importance en nombre de participants, et ça a très bien marché. Certaines réunions étaient plus fréquentées en visio’ qu’en présentiel. »
Zoé, chef de service dans une ONG internationale et représentante du personnel

Néanmoins certains salariés ne vont pas ou vont peu s’intégrer dans ces échanges « à distance ». Des postures de retraits involontaire sont apparues :

« Pendant le confinement, il y a eu un sentiment d’isolement pour certains, en particulier les jeunes, qui avaient envie de revenir au bureau. Les jeunes sont souvent seuls chez eux, ils ont besoin d’action. Nous, à la direction, nous avons “surcommuniqué” pour garder le contact. Comment retrouver à distance « la machine à café » pour permettre les échanges informels ? On n’a pas trouvé la solution mais on a cherché des substituts. Les limites du travail à distance sont là. »
Bruno, responsable d’audit dans le secteur financier

L’autonomie au prix de la déliaison – Scénarios pour demain

….

Au tournant des années 2000, certains salariés, lassés d’être placés en situation de subordination, ont souhaité concrétiser leur aspiration à une plus large autonomie. En France, la création en 2008 du statut d’auto-entrepreneur a permis de concrétiser ce souhait et a favorisé l’ubérisation de nombre d’activités : transports, prestation de services à la personne, …. Symétriquement, des entreprises toujours plus engagées dans la réduction de leurs coûts salariaux, mais aussi de leurs frais immobiliers ont saisi ce mouvement. Des contrats de service avec de jeunes diplômés ou d’ex-salariés ont été établis au nom d’une flexibilité optima. D’autre part, ici ou là, certains locaux historiques ont été reconfigurés en « flex office ».

Flex-office : le nouvel art de trouver sa place ?

Profitant du réaménagement de leurs espaces de travail, de plus en plus d’organisations décident d’adopter le « flex-office » : le salarié n’a plus de bureau attitré mais doit chaque matin trouver une place en fonction de ses besoins et des disponibilités. Or, 83% des futurs managers estiment important d’avoir un bureau attitré. Étude ESSEC Business School (2022)
L’autonomie formellement acquise passe souvent par des semaines complètes de télétravail. Quant à la vie syndicale, coupée du travail réel, elle se cantonne aux seules activités réglementaires. À la longue, une grande solitude s’installe et érode la motivation initiale. L’insertion dans les univers de travail du « flex office » permet quelque peu d’échapper à ce risque. Mais cela implique qu’un chef de projet soit à même de coordonner salariés et travailleurs indépendants dédiés à l’ouvrage collectif en programmant régulièrement des réunions « en présentiel ». A défaut, la création d’un emploi d’un « chief happiness officer » chargé notamment d’organiser des événements conviviaux sera un placebo bien éphémère.


En savoir plus sur La Compagnie Pourquoi se lever le matin !

Abonnez-vous pour recevoir les derniers articles par e-mail.

Laisser un commentaire

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur la façon dont les données de vos commentaires sont traitées.