Encadrement de proximité ou manager ?

Ni l’un ni l’autre dans les récits de travail. Ce sont pourtant des mots du travail.

Dans les récits de travail publiés sur notre site, les signataires utilisent rarement le terme “management” pour désigner leur hiérarchie, leurs subordonnés ou la manière dont leur organisation fonctionne. Quand ils le font, ils sont cadre dirigeant ou médecin chef de service, ou experts, notamment RH, syndicaliste ou étudiant intérimaire. Avec le mot “manager” (verbe ou substantif), on n’élargit guère ce petit cercle. Nos narrateurs préfèrent de loin les mots “organisation”, “chef”, “cadre” ou “responsable”. Ils ne sont pas fans non plus de “hiérarchie”. Est-ce une manière d’affirmer de l’autonomie dans leur travail ?

Pourtant, il s’écrit des encyclopédies (de management), ils se forme des cohortes de jeunes diplômés (en management), l’entrée “management” de Wikipédia occupe plus de 24 pages. Qu’est-ce donc que le management, terme semble-t-il peu employé pour parler de son travail ? La pratique professionnelle de ceux qui managent ? La nébuleuse des Directeurs et de leurs consultants ? Est-ce résister à l’anglicisme que de ne pas l’employer ? Ou à une idéologie gestionnaire sous-jacente ? Sont associés à “management” des projets, des démarches, du “lean management” afin d’éliminer tout ce qui n’est pas producteur de valeur, dans l’industrie puis dans les services comme la banque ou les assurances. En général sans que ladite valeur ait été définie avec ceux qui font le travail. Pour les fonctionnaires, c’est le NPM – New Public Management – à l’hôpital, à l’école et ailleurs. Déferlante de chiffres, d’indicateurs qui n’indiquent pas grand chose du travail réel, de pilotage, de tableaux de bord, de reporting chronophage et d’évaluations individuelles et collectives, sur fond de réorganisation permanente. Faut-il s’étonner qu’un vocable aussi lourd ne soit pas repris par ceux qui racontent leur vrai travail, avec de vraies personnes et de vraies relations entre elles ? 

On ne parle plus, depuis un certain temps, de “cadres” pour désigner la hiérarchie des entreprises. L’ère des “managers” est arrivée… Ça a bien plu à certains qui y ont trouvé une rétribution symbolique de leur rôle, notamment ceux qui se comportaient comme des “petits chefs” (si, si, ça  a existé…). Mais le terme “encadrement de proximité”, curieusement, a résisté dans la littérature managériale: dans la pire – sorte de gloubi-boulga de livres de gare du type “10 conseils pour réussir à être un bon manager” – et dans la meilleure celle des sciences de gestion et de la sociologie qui prennent du recul, font des analyses approfondies et énoncent leurs découvertes à partir d’enquêtes de terrain sérieuses.
Pris entre le marteau de la direction et l’enclume de l’équipe dont ils ont la charge (cliché traditionnel du cadre moyen…), l’encadrement de proximité est voué aux gémonies par les gourous du néomanagement, partisans de l’organigramme plat, voire de “l’entreprise libérée”. Llibérée de quoi ? En tout cas, pas du dirigeant charismatique d’où tout découle et qui n’a plus besoin d’intermédiaires parce qu’il aurait réussi à disposer d’un personnel ayant intégré avec enthousiasme les normes directoriales. 
Des recherches  en sciences de gestion démontrent que l’encadrement de proximité a un rôle important à jouer à l’heure du management par projets. Les équipes de base peuvent ainsi voir arriver, en même temps, des consignes descendant en silos des fonctions centrales, quelquefois paradoxales, souvent impossibles à mettre en œuvre immédiatement, comme cela est demandé. Elles  attendent donc l’aide de l’encadrement de proximité pour les aider dans la fixation des priorités.
Celui-ci peut également être une ressource pour animer le dialogue professionnel, en particulier sur les conflits de critères sur la qualité du travail. Bref, il est utile et attendu par les équipes…. mais tout est fait, semble-t-il, par les directions d’entreprise pour l’éloigner du terrain. Selon certains observateurs, il est littéralement happé par le travail harassant requis  pour alimenter en statistiques les machines de gestion… et condamné à ne pas sortir de son “cockpit”.


En savoir plus sur La Compagnie Pourquoi se lever le matin !

Abonnez-vous pour recevoir les derniers articles par e-mail.

Laisser un commentaire

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur la façon dont les données de vos commentaires sont traitées.