1er mai

Quand les mots du travail sont déjà habités : « Fête du Travail », ce n’est pas du tout « Journée internationale pour les droits des travailleuses et des travailleurs »

Photo : Dans mon jardin, 1er mai 2025

Comme l’œillet portugais ou la rose mitterrandienne, le brin de muguet porte l’espoir de jour meilleurs. Il se traque dans les sous-bois, il s’achète auprès de militants politiques ou associatifs, chez le fleuriste, et même à un vendeur à la sauvette puisque, ce jour-là, c’est permis. On se l’offre, on se l’accroche à la boutonnière avant d’aller au défilé. Où, selon l’actualité sociale de l’année, on sera plus ou moins nombreux. Ainsi le 1er mai 2023, en plein conflit contre la réforme des retraites, fut grandiose.

Certains 1ers mai sont unitaires. D’autre pas, comme le cru 2025. A Paris, c’était un classique : « Italie -Nation ». La CGT a comptabilisé 270 cortèges en France. À Aubenas, Sud-Ardèche, cela s’est terminé comme d’habitude sur la place du château, où les syndicats proposent le casse-croûte. Merguez grillée chez les uns, salade végane chez les autres, il y en a pour tous les goûts, à partager autour des tables communes. À Saint-Nazaire la CGT avait prévu une lecture de récits de travail écrits avec le Centre de Culture Populaire et la Compagnie Pourquoi se lever le matin !

Tout le monde – ou presque – pouvait s’y rendre, le 1er mai étant le seul jour férié obligatoirement chômé pour les salariés. Quelques rares ont néanmoins dû travailler. Ils seront payés double, comme Candice qui nous raconte, dans ce récit, son 1er mai d’aide-soignante en réanimation médicale dans un hôpital public. Pour les autres, c’est chômé et payé. La règle est stricte, quoiqu’une proposition de loi, soutenue par la ministre du travail, vienne d’être déposée pour l’assouplir.

Évoquant le 1er mai, il est fréquent d’entendre : « La fête du Travail ». C’est d’ailleurs ce qui est inscrit sur les calendriers, comme Fête Nat’ ou Armistice. Ce raccourci est pratique pour désigner la « Journée internationale de lutte pour les droits des travailleuses et des travailleurs ». Or, la différence n’est pas neutre. Le 1er mai est d’abord une commémoration de la grève générale du 1er mai 1886 aux États-Unis, et des morts lors de la manifestation de Chicago. Dans la foulée, l’internationale socialiste décidait d’en faire une journée de grève et de manifestation pour la journée de travail de 8 heures. Le 1er mai commémore aussi les morts de la fusillade de Fourmies, dans le Nord de la France : dix personnes tuées, dont deux enfants lors de la manifestation de 1891. Avec ce nouveau drame, le 1er mai s’enracinait dans la tradition de lutte des ouvriers européens. Les militants s’épinglaient une églantine écarlate, fleur traditionnelle du Nord, en souvenir du sang versé.

En 1919, le Sénat français ratifiait la journée de 8 heures et décrétait que le 1er mai suivant serait une journée chômée, mais à titre exceptionnel. L’exception a perduré, cette date est restée la journée internationale des revendications salariales et des défilés des travailleurs.

Ce n’est pas pinailler que de rechigner à célébrer la « Fête du Travail », une expression déjà occupée, depuis que le fascisme et le pétainisme s’en sont emparés.  Leurs héritiers ne l’ont d’ailleurs pas lâchée, en France où l’extrême droite la célèbre au pied de la statue de Jeanne d’Arc, comme en Italie où Giorgia Meloni avait choisi le 1er mai 2023 pour annoncer une batterie de réformes du droit du travail. Après-guerre, le 1er mai a vite été ré-institué jour chômé et payé par une loi, soutenue par Ambroise Croizat, alors ministre du travail. Sa dénomination officielle dans le code du travail français se résume aujourd’hui à « Journée du 1er mai ».

Revenons à notre muguet du 1er mai. On lui trouvera certainement des racines antiques, grecques ou celtiques. En France, la tradition d’offrir du muguet comme porte-bonheur aurait été officialisée par un monarque de la Renaissance. Il est revenu en grâce pour le 1er mai sous le régime de Vichy, qui a transformé la « Journée internationale de lutte des travailleurs » en « Fête du travail et de la concorde sociale », rendant ce jour férié… pour éviter les grèves. Et généralisé le muguet blanc à la place de l’églantine rouge.

C’est tout un travail de produire ce brin de muguet pour le 1er mai. On s’y emploie dans les grandes jardineries de la région nantaise. Les clochettes seront-elles ouvertes à temps pour le jour J ? Ou, plus probable, ne seront-elles pas déjà fanées ? Allons-nous, avec le réchauffement climatique, devoir avancer le 1er mai au 15 avril ?

Bonne journée du 1er mai 2025

PS : Dans le même ordre d’idée, nous pourrions évoquer la « Journée internationale pour les droits des femmes », souvent appelée « Fête des femmes » à l’occasion du 8 mars.

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