Parole recueillie par Martine, mise en récit par François

Je vais au travail en bus de ville. Quand j’arrive en avance vers 8 heures 15, j’ai le temps. Je vais à mon casier pour prendre ma gourde. Je n’ai ni tenue particulière, ni chaussures de sécurité car mes pieds ne sont pas adaptés aux chaussures de sécurité. Je garde mes baskets.
Maintenant on commence à 8 heures 30. Avant on commençait à 9 heures. On finit à 16 heures 15. La pause c’est de 10 heures 25 à 10 heures 35 le matin. On mange à midi 25, on reprend à 13 heures 20. Et l’après-midi c’est pareil, 14 heures 25 à 14 heures 35.
J’ai eu une méningite à l’âge de six ans, en 1992. Je vais avoir 39 ans cet été. J’ai fait deux stages d’un mois organisés par LADAPT (2). J’ai commencé à travailler ici à l’atelier le 2 janvier 2017. Je fais des fers à repasser mais depuis l’an passé je travaille aussi aux emballages. Ici on travaille pour une entreprise d’électroménager. Nous sommes vingt dans l’atelier. Notre groupe est mélangé, filles et garçons. Personne n’est en fauteuil roulant. Il y a une personne trisomique dans notre atelier, mais les autres, je ne sais pas ce qu’ils ont. Et il y en a qui n’ont pas l’air d’avoir de handicap et qui travaillent avec nous. Certains sont à plein temps, d’autres à mi-temps. Moi, je travaille à plein temps.
Dans l’atelier, il y a des chaises de travail et chacun a une grande table. Je mets de la colle dans la valve des fers à repasser, après on prend la pompe, on l’enfonce. Donc on colle ensemble la pompe avec la valve noire. Le tuyau, ça va, je peux le mettre facilement mais fixer le collier « Oetiker », un collier à sertir, avec une clé de 12 ou de 14, selon la grosseur de la pompe c’est difficile pour moi. Le collier, c’est un truc qui bouge tout le temps ! Parfois, on me dit de refaire, oui, mais pour l’enlever j’ai du mal… Alors je demande aux autres de le défaire. Après quand on m’explique plusieurs fois j’y arrive.
Dans les fers à repasser je fixe aussi des boutons sur lesquels est écrit « coton, laine » avec des clips. Il faut appuyer sur le bouton pour le clipser. Dans l’atelier, il y en a d’autres qui font les prises, pas moi, je les vois faire. Je fais aussi des jeux de cales pour que les appareils ne bougent pas à l’intérieur des boites d’emballage pour les fers mais aussi pour des sèche-cheveux. Ici, nous faisons tout, de l’emballage jusqu’au contrôle final. Celui qui fait le contrôle final est comme nous, avec un handicap. Il y a des gens de l’extérieur qui viennent de temps en temps pour savoir si ce qu’on fait c’est bien. Il vaut mieux qu’ils demandent aux moniteurs.
J’aime aussi faire des pompes, ça dépend de ce qu’il y a à faire. J’aime bien parce qu’on en fait en nombre. On fait une palette, deux, trois. Il y a 432 pompes dans chaque palette. On peut faire une palette en une journée. Si on n’a pas fini, on termine le lendemain. On change, on prend une autre pièce, ce n’est pas la même. Une fois c’est les pompes chinoises, une autre fois, elles viennent d’Italie.
J’aime mon travail. C’est faire un peu de tout qui me plaît. On change, on ne fait pas toujours pareil. On fait une journée un truc, le lendemain on fait autre chose et ainsi de suite. Le moniteur met la petite photo de chacun sur le tableau. D’abord il nous a pris en photo et après l’un des deux moniteurs les colle au tableau et on regarde le lendemain ce qu’il faut faire, voilà. Eux, les moniteurs ils font ça le soir et nous on regarde le lendemain matin ce qu’on va faire. C’est leur truc à eux de mettre des photos sur le tableau pour constituer des équipes de travail, au lieu de mettre les noms et les prénoms sans arrêt.
Le moniteur nous explique et après si je ne vais pas assez vite, il met d’autres personnes à ma place. Des fois ça leur arrive aussi de faire notre travail. Leur travail c’est aussi de faire des commandes pour des pièces : les valves, les pompes, les tuyaux, …. Les tuyaux sont coupés dans l’autre atelier. Quand on n’en a plus, on leur demande. D’abord on écrit sur un cahier et après on demande à certaines personnes d’aller les chercher Je n’y vais pas, moi, parce qu’il faut mettre des chaussures de sécurité.
Dans notre établissement, pour les deux ateliers, il y a un directeur, une sous-directrice, une assistante sociale, une psychologue. Il y a aussi une personne qui assure l’entretien des locaux, l’électricité, la plomberie. Avant on avait un médecin du travail à l’ESAT, mais elle est partie à la retraite. A présent, le médecin de travail est à la sous-préfecture. C’est à nous de nous déplacer, soit avec un moniteur, soit avec une autre personne qui conduit une voiture. L’atelier, avant, était sombre, même avec les trois fenêtres et il faisait trop chaud. Maintenant il y a des de nouveaux stores, de nouvelles lumières et une nouvelle clim’, l’autre ne marchait pas. Ils ont tardé pour la mettre, à présent, c’est mieux !
Tous les vendredis, on fait des réunions. D’abord, on fait le ménage, on nettoie tout sur la table, le parterre avec le balai et après on parle de comment s’est passée la semaine. Moi je ne suis pas délégué mais si j’ai quelque chose à dire, je parle. On a un self du lundi au vendredi, on propose des thèmes, pour les repas, des burgers mais ce n’est pas nous qui décidons, c’est le Conseil de Vie Sociale où sont discutés les repas.
Avant on faisait du sport ensemble. Maintenant, ils ne proposent du sport adapté que pour les personnes qui ne font jamais de sport. Ils en font le mardi. Comme moi je fais de la piscine avec mon père plusieurs fois par semaine sauf quand il y a trop de monde, je n’y vais pas. Je fais aussi de la plongée avec une association qui a une section Handisport. L’hiver, des fois, pour Noël, comme l’année dernière, on a fait du bowling, du karaoké. C’était trop bien ! L’été on va aussi au zoo et à d’autres endroits.
Au début, je ne voulais pas trop travailler… Je ne voulais pas payer d’impôts ! A présent, je suis assez fier et content. Je gagne de l’argent, je ne sais pas trop combien, à peu près 600 euros nets par mois. Il y a trois foyers pour les personnes qui travaillent à l’ESAT et un qui va déménager à quelques kilomètres d’ici. Je ne sais pas comment ils vont venir ici. Ils vont mettre un bus. Moi, maintenant, j’apprends à conduire sur une voiture sans permis, pour me déplacer plus facilement, aller au travail ou me promener.
Guillaume
(1) ESAT Établissement et Service d’Accompagnement par le travail
(2) LADAPT est un centre de reclassement professionnel pour personnes handicapées –
https://www.ladapt.net/qui-sommes-nous
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