» Le matin, à 9 h 30, je dis bonjour à mes fleurs « 

Cécile, créatrice de fleurs en porcelaine froide – Salers août 2023

 Propos recueillis et mis en texte par Roxane mars 2023 

Cécile fabrique ses fleurs

J’habite et je vis à Salers depuis 2019. C’est un pur hasard. Quand j’ai voulu partir des Landes, suite à une erreur de casting relationnel, j’ai voulu revenir en Corrèze au plus près de la montagne. Ma fille, elle a 17 ans, étant revenue de chez son papa, j’avais repéré un lycée pas mal à Mauriac et lors de ma demande de HLM, une dame avec qui je suis restée longtemps au téléphone m’a dit : « J’ai quelque chose qui va être parfait pour vous,  votre fille et votre gros chien… à Salers »   J’ai dit oui tout de suite, sans visiter.
Quinze  jours après, j’étais là…  dans ma cave, sans fenêtre. La plupart des boutiques de Salers sont les pas de porte d’anciennes boutiques des maisons  renaissance,  qui ouvrent sur la rue. J’allais la transformer en atelier boutique où aujourd’hui, je fabrique, expose et vends mes fleurs et bijoux en porcelaine froide. 

L’enseigne « la fenêtre ouverte »

J’y ai fait peu de travaux : des miroirs, pour donner un peu de profondeur et de lumière, des petits reposoirs pour mes fleurs… Les gens me disent que c’est chouette ! Je m’y sens bien et pas bien… c’est selon, c’est compliqué. Ça ne reste qu’une cave d’une très ancienne maison comme toutes celles de Salers. C’est humide  et  froid, on dit que le mérule envahit le musée qui jouxte ma maison ! Pas d’ouverture, sinon la porte qui donne sur une petite place où je sors pour prendre l’air et discuter avec les autres artisans de La Fabrik, avec qui je passe de beaux moments. J’ai découvert des souris qui adorent la porcelaine froide. Et pour cause, la porcelaine froide est une pâte faite de maïzena et de colle blanche. C’était un peu mon rêve d’avoir une boutique à moi où je puisse travailler et vendre, donc je ne rechigne pas. Ça devait se faire comme ça. Et me voilà dans ma boutique à l’enseigne de La Fenêtre Ouverte.

Je suis tombée dans la porcelaine froide, je crois bien que je peux employer ce terme, par sérendipité. Tu pars d’une idée précise, tu cherches sur le net  et puis tu te retrouves deux heures plus tard sur la porcelaine froide… que tu adoptes. J’ai trouvé cela  génial  de fabriquer sa propre matière avec de la maïzena et de la colle. C’est naturel contrairement au Fimo. Je fabrique ma pâte, puis je la dessèche au micro-ondes pour obtenir plus de régularité. Une fois que j’ai mis la technique au point, que je maîtrise cette pâte, jusqu’à obtenir une grande  finesse (je ne peux faire cela que chez moi ; dans ma boutique je n’ai ni eau, ni toilettes), je peux descendre dans ma boutique pour la modeler pétale à pétale et la transformer en fleurs. Je vernis. Elles supportent très bien l’humidité ambiante mais il faut éviter la douche. Alors pour contrecarrer les oublis, je vernis deux fois avec un vitrificateur mes petites boucles d’oreille afin que mes clients soient contents. Je fais des boucles d’oreille, certes, mais surtout des fleurs de roses, des petites compositions de fleurs, des bonzaïs, des petites succulentes, des trèfles, des miniatures. Pour obtenir des fleurs en couleur, je teinte ma pâte dans la masse avec des peintures à l’huile. La pâte a une tenue extraordinaire et elle garde la souplesse nécessaire à ma sculpture minutieuse. Cela me demande une grande dextérité dans les mains. Or, j’ai de sérieux problèmes d’articulations. 

Les fleurs de Cécile

Quand j’ai fini une pièce je n’en  vois que les défauts, il faut que je l’oublie. En général, rien ne va. C’est comme cela pour tous les créateurs, je crois. 

J’aime beaucoup le calme de ma boutique le matin à 9 h 30. C’est mon espace, je dis bonjour à mes fleurs, je regarde un petit peu ce que j’ai à faire, ce que j’ai fini la veille, je visualise les priorités. J’ouvre mon ordinateur, c’est avec lui que je fais ma comptabilité. Là, je suis une championne. J’évalue les pièces qui vont partir vite pour assurer le stock. Dès les premiers clients arrivés je sens leur état d’esprit et ça influe vraiment sur moi. Soit ils entrent en pensant que c’est de la porcelaine, vont jusqu’au bout de la boutique et repartent sans rien demander, soit ils posent des questions. Alors je leur explique et là c’est pédagogique. Le top, c’est les enfants. Ils ont des questions hyper pertinentes. Je me retrouve dans la situation du GRETA de Mauriac, où l’hiver je suis formatrice en alimentation pour des d’adultes en reconversion. La « fenêtre ouverte » est une auto-entreprise  créée il y a 10 ans.

Mon insertion, ici, dans ce petit village, avec les autres artisans fut facile. Je ne fais concurrence à personne, je suis seule à travailler cette matière. Je connais tout le monde dans Salers, parce que j’y vis tout le temps même l’hiver. La buraliste m’appelle la fleuriste. Je reste attentive aux autres, même si, dans l’absolu, l’hiver, moi, j’espère ne croiser personne. J’ai besoin de ça aussi.  

L’hiver, comme je l’ai dit, je suis formatrice au GRETA, à Mauriac. J’aime bien expliquer aux autres. Ma responsable voudrait que je devienne formatrice de formateurs « Tu es faite pour ça », dit-elle. Mais ça ne m’emballe pas d’en faire un métier. Ce n’est pas mon truc. En revanche, créatrice, manuelle, fabricante, ça m’appartient, c’est quelque chose dans laquelle je me sens bien parce que cela s’impose à moi. Comment l’expliquer ? C’est au-delà de ce qui est tangible, au-delà de tout ce que je sais faire par ailleurs. Aujourd’hui, je suis inquiète sur mon devenir parce que les articulations de mes mains ne fonctionnent plus très bien. Les clients ne le voient pas, mais je vois, moi, combien mes pièces diffèrent de ce qu’elles étaient. Les neurologues m’ont avertie. Par devers moi, je sais déjà que « c’est plié ».

Cécile

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