Quand les femmes n’ont plus le droit de travailler ni d’étudier

Deuxième saison de “Outside Kaboul”, un Podcast de Caroline Gillet, sur France Inter

En ce 8 mars, un peu par hasard, j’ai écouté le Podcast « Outside Kaboul » sur Radio France.  La journaliste Caroline Gillet a recueilli pendant plus de deux ans, dès 2021, le témoignage de Marwa et Raha, deux jeunes femmes afghanes actuellement en exil en France. Elle publie leurs paroles dans le podcast. Au passage Caroline Gillet cite et loue les technologies numériques, inconnues lors de sa formation de journaliste , comme étant au cœur de la réalisation de ce podcast. Elle n’est jamais allée à Kaboul, elle n’a rencontré physiquement Marwa, exilée à Paris, que tard après les premières paroles échangées. Ces récits co-construits par ces 3 femmes, une encore à Kaboul, Raha, l’autre exilée en France, qui a pu s’inscrire dans une haute école française, nous ramènent à la condition des femmes, bien sûr. La leur et la nôtre dans un pays occidental.

 Elles sont mariées toutes deux, l’une Raha par chance a fait un mariage d’amour. Là bas, dans son pays,  il est attendu que quelques mois après le mariage, les époux fassent un enfant. Ce qui arrive pour elle assez vite. La journaliste lui murmure :  « Un enfant va compromettre ta sortie de l’Afghanistan.» Elle répond : «C’est notre culture et j’y participe pleinement  pour respecter ma famille et mon mari. »   Ainsi, Rhana assume que la femme est avant tout, dans cette société là, un moyen de se reproduire, un ventre à disposition de la société avant tout autre chose.  Mais quand elle doit décider de partir ou non, alors que « son contact » la presse de choisir, elle dit : « ici cet enfant que j’ai dans  le ventre n’est pas  à moi,  il appartient à mon mari, à mes beaux parents, je me dois de rester là. » Elle changera d’avis plus tard dans le récit, elle viendra en France via le Pakistan, poussée par son père. Elle en a toujours voulu à son père  qui, quand elle  était petite, avait refusé de s’exiler avec ses 6 petites filles. Il croyait que cela s’arrangerait. Mais dès 2021,  peu de temps après le retour des Talibans, les droits des  femmes, à qui on a supprimé le droit de travailler, le droit d’aller au hammam ou dans les jardins publics, ont continué à régresser inexorablement. « En Afghanistan, en tant que femme, on est vraiment définies par notre genre. »

 L’autre, Marwa, après être restée avec son mari dans un camp de réfugiés en Allemagne, réussit à s’inscrire dans une haute école à Paris. Elle se retrouve en campus au milieu d’autres étudiants issus des hautes classes sociales. Elle n’a pas de contact avec eux et se retrouve en solitude, un peu désenchantée devant la découverte de la vie occidentale, où dans les quartiers de Belleville par exemple, on laisse les femmes se prostituer, «alors qu’on prend grand soin des animaux domestiques et des plantes.» dit-elle.

En écoutant ces histoires de femmes, je mesure l’étendue de ce qui nous sépare. Je regarde dans l’histoire ce qui a pu pousser les femmes d’Occident plus particulièrement les Européennes, les Françaises à revendiquer, à se défendre en luttant et à se libérer peu à peu du carcan dans lequel les hommes enferment et ont enfermé les femmes, depuis au moins le néolithique. Bien sûr le siècle des Lumières, qui a questionné et éloigné peu à peu la religion, pour laisser place à la raison. La Révolution de 89 avec ses valeurs de liberté, d’égalité et de fraternité  affirmées par Olympe de Gouges. Les suffragettes des pays ouvriers anglais, les Américaines, les Françaises, elles aussi dans la lutte.  L’industrialisation du XIX°, qui a sorti de chez elle les femmes du peuple, pour les  mettre dans la dure réalité des usines et des mines, avec les hommes. L’utopie de la Commune avec Louise Michel la féministe. La grande guerre, qui encore, les a mis au travail à la place de leurs maris et frères. Même exploitées, même si les hommes les ont remises au foyer à leur retour, elles ont découvert le goût de la liberté de l’indépendance et une autre place dans la société. 

Aujourd’hui en France, tout n’est pas  gagné, les femmes le savent, et sur plusieurs plans, notamment sur la désunion des mouvements féministes. Mais l’inscription de l’avortement dans la constitution, acquise  depuis peu, nous incite à continuer encore et encore le combat, non seulement pour nous mais aussi pour ces femmes d’ailleurs comme le fait Caroline Gillet, la journaliste.  

La première saison du podcast de Caroline Gillet “Outside Kaboul”, diffusée par France Inter a aussi été adaptée en documentaire animé (30 mn), disponible sur FranceTV

Retrouvez les textes que nous avons publiés à l’occasion de la journée internationale des droits des femmes
8 mars 2024 : L’arrivée des femmes dans la sphère du travail : une aventure pour elles et pour les hommes
8 mars 2023 : Paroles de femmes sur leur travail et sa pénibilité
8 mars 2022 : Droits de femmes, pour leur santé au travail on est loin du compte

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