Manager et valoriser les travailleurs invisibles et leur activité

Assurer l’entretien quotidien des locaux de la ville de Paris, la gestion du parc automobile, l’achat des tenues de travail des quelque 50.00 agents… telles sont principales missions confiées aux services que dirige Marie-Pierre Auger : Immobilier, logistique et transports de la Ville de Paris.
Lors de sa prise de fonction, elle fait le constat que les personnes qui assurent ces missions essentielles s’avèrent « invisibles » tant pour leurs collègues que pour les Parisiens. Dès lors comment valoriser et encadrer ces agents au statut modeste ? Dans son intervention, Marie-Pierre Auger a mis l’accent sur deux priorités : la connaissance actualisée des activités quotidiennes des personnels et l’identification et la mise en œuvre de formations axées sur la promotion et le perfectionnement professionnel.

Connaître le « travail réel » implique à ses yeux de manipuler les outils de travail ainsi que connaître les caractéristiques des produits utilisés : auto-laveuses, chariots, cireuses… afin d’identifier au mieux les causes de pénibilité et prévenir les troubles musculo-squelettiques. Avec un certain humour, elle évoque ses visites incognito, jouant à « l’agent mystère » qui prend part informellement à des échanges entre femmes en charge du ménage de bâtiments publics. Cela lui a permis d’avoir un regard plus averti sur les notices qui énumèrent sans relief leurs activités. Elle considère aussi qu’elle est alors mieux à même d’entendre des propositions qui seront débattues lors de commissions « ad hoc » telle celle dédiée au choix des équipements de protection individuelle et notamment des chaussures de sécurité. Ainsi, ces dernières pourtant plébiscitées se sont avérées, après échanges sur le terrain, peu confortables pour nombre d’employées. Elles regrettent l’absence de talonnettes pertinentes pour limiter les douleurs dorsales.
Marie-Pierre Auger évoque par ailleurs les débats sur les horaires de travail des agents de nettoyage. Faut-il continuer de leur demander de prendre leur poste à six heures du matin et donc les contraindre à se lever à quatre heures ? En effet, l’immense majorité d’entre elles résident en grande banlieue. Convient-il au contraire de leur proposer d’embaucher à neuf heures ? Au travers d’échanges, elle a découvert que certains agents ont organisé leur vie personnelle et familiale sur la base de ces horaires décalés et ne souhaitent pas en changer.
En outre, ils apprécient de ne pas emprunter les transports en commun aux heures de pointe et considèrent enfin que leurs activités sont entravées par la présence des occupants des locaux qu’ils doivent entretenir. Finalement le choix a été laissé aux agents.
Nombre de ces personnels œuvrent isolement. Dès lors, comment assurer un minimum de cohésion et entretenir une solidarité d’équipe ? A ses yeux, le rôle de l’encadrement de premier niveau est essentiel pour valoriser le travail au quotidien. Ces emplois sont quasi systématiquement assurés par des agents promus qui ont une connaissance fine des missions à réaliser. Ils sont en outre de très précieux relais pour le développement des formations, gages de la qualité des prestations dues aux personnels de la capitale et aux Parisiens.

François

Révéler le travail réel par sa mise en récit est la raison d’être de la Compagnie Pourquoi se lever le matin! Pour aller plus loin dans la compréhension de ce qui fabrique de l’invisibilité, ou au contraire de la tyrannie de la visibilité, voir ici notre contribution au colloque organisé sur cette question par le CNAM et l’ITMS en janvier 2023, avec des liens vers quelques récits particulièrement significatifs. Voir aussi notre billet de septembre 2024 : Pourquoi il est urgent de révéler et discuter le travail – Sortir de l’invisibilité les travailleurs et leur travail, pour donner une chance à la dimension émancipatrice de ce dernier et tenter d’échapper aux monstres du présent.