Atelier les mots du travail – de la cacophonie vers la polyphonie

C’était le 14 septembre à l’université de l’APSE, un atelier animé par la Compagnie Pourquoi se lever le matin !

« Mettre en mots des histoires de travail » :  c’est ce que fait la Compagnie Pourquoi se lever le matin, association créée en 2020. Nos mots sont les paroles de ceux qui racontent leur activité. Ils parlent avec un écrivant, parce que « parler de son travail ne va pas soi ». Ce sont ensuite les mots du récit écrit que nous leur proposons et que nous publions sur notre site, ou dans des livres. On y trouve beaucoup de mots de métier. Parfois, quelques néologismes de l’entreprise, souvent des mots en « ing » comme reporting ou en « ence » comme efficience. Ou des mots récupérés par l’organisation, comme la « qualité ». Nous-même au sein de la Compagnie avons chacun nos mots pour les lectures transverses que nous faisons des récits. Les mots du travail font débat. Tous ces mots sont habités, voire surpeuplés dans une sacrée cacophonie.

MPL (Manageur Première Ligne), MDT (Manageur De Terrain), DPX (Dirigeant De Proximité), ou autre, chaque organisation a son appellation pour les désigner. Les participants de l’Atelier out réagi à partir de leurs expériences de manager pour certains, de leurs observations pour d’autres, et de leurs convictions. Certains ont raconté une histoire vécue, d’autres ont tracé un schéma, énoncé ce qu’est le manageur, ou ce qu’il devrait être. La diversité de leurs réactions témoigne de multiples manières d’entendre ce mot, sous l’angle du vécu, de l’activité et des dilemmes du manageur. En voici une petite synthèse.

Cet atelier autour du mot « manageur », et la discussion qui a suivi, ont dégagé un large spectre de questions autour de ce mot. On n’en parle pas de la même manière selon que l’on est soi-même manager, intervenant ou étudiant. Toutes ces questions traversent, à des degrés divers, les récits de travail publiés par la Compagnie, avec un bémol : manageur est un mot peu employé dans ces récits.

Dans les plus de 150 récits de travail publiés sur notre site, les signataires utilisent rarement les termes manageur ou management pour désigner leur hiérarchie, leurs subordonnés ou la manière dont leur organisation fonctionne. Quand ils le font, ils sont cadres dirigeants ou experts, notamment RH, syndicalistes ou étudiant intérimaire. Les narrateurs préfèrent de loin les mots “organisation”, “chef”, “cadre” ou “responsable”. Ils ne sont pas fans non plus de “hiérarchie”. Est-ce une manière d’affirmer de l’autonomie dans leur travail ?

Pourtant, il s’écrit des encyclopédies (de management), ils se forme des cohortes de jeunes diplômés (en management), l’entrée “management” de Wikipédia occupe plus de 24 pages. Qu’est-ce donc que le manageur, si ce terme est peu employé pour parler de son travail ? La pratique professionnelle de ceux qui managent ? La nébuleuse des Directeurs et de leurs consultants ? Est-ce résister à l’anglicisme que de ne pas l’employer ? Ou à une idéologie gestionnaire sous-jacente ? Sont associés à “management” des projets, des démarches, du “lean-management” afin d’éliminer tout ce qui n’est pas producteur de valeur, dans l’industrie puis dans les services comme la banque ou les assurances. En général sans que ladite valeur ait été définie avec ceux qui font le travail. Pour les fonctionnaires, c’est le NPM – New Public Management – à l’hôpital, à l’école et ailleurs. Déferlante de chiffres, d’indicateurs qui n’indiquent pas grand-chose du travail réel, de pilotage, de tableaux de bord, de reporting chronophage et d’évaluations individuelles et collectives, sur fond de réorganisation permanente. Faut-il s’étonner qu’un vocable aussi lourd ne soit pas repris par ceux qui racontent leur vrai travail, avec de vraies personnes et de vraies relations entre elles ? 


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