L’arrivée des femmes dans la sphère du travail : une aventure pour elles et pour les hommes

Au XIX° siècle, déjà

Femme au bureau

Elle entre dans la salle du conseil, tailleur noir, talons hauts, un vêtement féminin mais sans ostentation. Les administrateurs, réunis pour la circonstance, la découvrent ce jour-là. L’accueil est courtois. Elle s’assoit  naturellement à une place laissée libre mais rien ne se passe. Ils attendent que le patron de Margaret arrive. Mais Margaret est elle-même le patron. Après trois minutes ou plutôt plusieurs secondes de flottement, tout rentre dans l’ordre et elle peut présenter son projet. Plusieurs vont lui couper la parole mais elle en a l’habitude. Dans les réunions, les femmes se font interrompre plus souvent que les hommes, y compris à niveau de responsabilité équivalent. L’arrivée des femmes dans la sphère du travail est toujours une aventure. Pour elles mais aussi pour les hommes.

Remontons un peu dans le temps. Au XIXème siècle, plutôt à la fin vers les années 1880, les femmes commencent à arriver massivement dans les bureaux, portées par les besoins croissants d’effectifs dans les administrations et dans les entreprises du fait de la deuxième révolution industrielle. Cette évolution démographique majeure est également portée par  une transformation technique avec l’arrivée de la machine à écrire et d’une technologie très sophistiquée conçue pour absorber la production inflationniste de papiers et de tâches administratives.

Les commis aux écritures voient d’un très mauvais œil l’apparition  de ces nouvelles employées que sont les sténodactylographes. Le monde masculin manifeste son  mécontentement y compris sous forme de grève. Le résultat des revendications aboutira à la création d’un statut spécifique pour les femmes,  les maintenant dans un statut plus précaire que celui des hommes. 

Mais ce XIXème siècle est fait de contrastes car c’est  aussi à cette époque que s’expriment des positions en faveur non seulement du travail des femmes mais de l’égalité de traitement. Regardons pour cela ce qu’écrivent  à la fin de ce siècle, deux auteurs d’essais que sont respectivement Jacques Boucher de Perthes, auteur prolifique en particulier sur des questions  sociales au travail et Louis Franck, homme de droit en Belgique.

Nous sommes en 1860, Jacques Boucher de Perthes prononce un discours à la société impériale d’Abbeville sous le titre De la femme dans l’état social, de son travail et de sa rémunération :
“ Le dédain ou l’abandon de la femme est donc chez l’homme un état anormal et chez une nation, un indice d’aberration et de décrépitude.
Nous insistons donc sur cette vérité que confirme la tradition et l’expérience contemporaine : partout où la femme, mise en dehors du droit commun, a été considérée comme esclave ou seulement comme un être inférieur, on n’a trouvé qu’une société en décroissance, une population languissante et marchant à sa ruine. “

A la veille du XXème siècle, en 1893 Louis Frank, écrit Le grand catéchisme de la femme. Sur la couverture ses nombreux titres sont mentionnés pour souligner le sérieux du propos. Il est en effet avocat à la cour de Bruxelles, docteur de la faculté de droit de Bologne, lauréat de l’école de droit de Paris et parmi d’autres titres encore tout aussi prestigieux, il est vice-président de la fédération féministe universelle.  Son ouvrage, qui nous est aujourd’hui parvenu, est articulé sur plusieurs leçons sous la forme d’un dialogue entre deux interlocuteurs opposés pour traiter du droit des femmes que ce soit dans la famille ou au travail.

A la question  de l’égalité entre les hommes et les femmes «  au point de vue intellectuel et moral » il répond :
“ Oui ( la femme est l’égale de l’homme) parce que la femme possède comme l’homme, un cœur, un cerveau, une intelligence. Elle est douée de facultés générales de l’esprit ; elle possède la raison, la mémoire, l’entendement, le sentiment, la conscience, la volonté, la faculté de se perfectionner.
La femme comme tout être humain doit avoir le droit de choisir librement ses occupations ; suivant ses préférences et sa vocation. De plus il est inique de refuser systématiquement à tout sexe la part des fonctions, d’honneurs et de distinction qui lui revient.

Il ajoute, et c’est peut être là un propos daté alors que les deux précédents ont une valeur intemporelle :
« Toutes les femmes ne se marient pas. Celles qu’aucun mari ne protège, doivent vivre, se nourrir et gagner leur pain. Interdire aux femmes d’occuper certains emplois honorables, c’est non pas les renvoyer à la famille mais les envoyer au désordre et ne leur laisser d’autre ressource que la prostitution. »

Dominique

Retrouvez les textes que nous avons publiés à l’occasion de la journée internationale des droits des femmes
8 mars 2023 : Paroles de femmes sur leur travail et sa pénibilité
8 mars 2022 : Droits de femmes, pour leur santé au travail on est loin du compte


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