« C’est faire un peu de tout qui me plait »

Guillaume, employé dans un ESAT

Atelier dans un ESAT (1)

Je vais au travail en bus de ville. Quand j’arrive en avance vers 8 heures 15, j’ai le temps. Je vais à mon casier pour prendre ma gourde. Je n’ai ni tenue particulière, ni chaussures de sécurité car mes pieds ne sont pas adaptés aux chaussures de sécurité. Je garde mes baskets.
Maintenant on commence à 8 heures 30. Avant on commençait à 9 heures. On finit à 16 heures 15. La pause c’est de 10 heures 25 à 10 heures 35 le matin. On mange à midi 25, on reprend à 13 heures 20. Et l’après-midi c’est pareil, 14 heures 25 à 14 heures 35.

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Le travail, avec mes collègues proches, se faisait dans une ambiance qui ne tenait absolument pas compte de mes moments de faiblesse.

Alexis, technicien dans une Société de Service en Informatique

« …des robots mono-bras, qui tournent dans tous les sens sur une ligne de construction… »

Après la période Covid, tout seul à la maison, j’ai suivi une formation d’informaticien en ligne avec «Openclassrooms». Puis j’ai monté une auto-entreprise de dépannage informatique qui proposait des petites réparations à distance, chez moi. Le bouche à oreille dont j’ai bénéficié parlait de la qualité de mon travail et de ma relation humaine. Ces personnes privées me faisaient confiance, quand bien même elles exposaient leur l’intimité à travers les photos et textes dans leur ordinateur de famille. J’ai créé cette entreprise pour retrouver le gout des vrais contacts humains. Ce qui avait été bafoué, dans mes précédents métiers. Dans la vente, le rapport client vendeur est dicté par la direction et par la recherche de profit ! Donc la relation devient manipulation. Ce qui ne m’allait pas du tout.

Puis, dans les aléas de la vie, je me suis fait embaucher par une société basée à Lyon, mais qui m’a envoyé travailler à Silex, à Annonay, une entreprise historique, de 1500 personnes, qui fabrique des véhicules pour le transport. Je devais m’occuper de la maintenance informatique de l’usine.

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Un handicap invisible, cela complique le quotidien

Elena, greffière dans un Conseil de Prud’hommes

Je suis greffière au sein d’un Conseil des Prud’hommes depuis huit ans et affectée à un service qui rassemble six magistrats professionnels, cinq greffiers et quatre adjoints administratifs. Mais à compter de 2020, j’exerce mes missions en qualité de travailleur handicapé.
Comment j’ai appris ma maladie ? Lors d’une audience, le magistrat en responsabilité de celle-ci m’a interpellée en fixant mon visage qui s’était crispé. « Madame, cela ne va pas ? Vous ne vous sentez pas bien ? Votre visage… il y a un problème ! ».  J’ai répondu « Non, non, ça va, j’irai voir un médecin ce soir ». Mais le SAMU a été appelé et j’ai été conduite aux urgences. Là, j’ai commencé à avoir un peu peur et le verdict est tombé. Les neurologues ont éliminé l’hypothèse d’un zona et ont diagnostiqué une crise de sclérose en plaques. J’ai eu une IRM et d’autres examens qui ont confirmé cela. Je suis littéralement tombée des nues. Un truc inimaginable ! Je n’avais jamais eu précédemment de poussées, ni de démangeaisons faciales.

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Les petites mains de Marina

Marina, praticienne en massage de bien-être

L’inauguration du nouveau local de Marina

Au centre de bien-être de cette station de vacances il fallait enchaîner les séances de massage en limitant les moments d’écoute ; juste installer la personne, prendre les infos sur les éventuelles contre-indications et passer très vite au massage. C’était une question de rentabilité. Comme je suis non-voyante, je ne pouvais pas assurer les accueils ni me servir de l’ordinateur. En échange, au lieu de six massages par jour, j’en devais huit ou neuf…

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« C’est moi qui ai fait le premier pas… » 

Yannick, électromécanicien

J’ai été embauché en intérim en 1989, dans une PME d’électricité générale. Je travaillais en équipe sur des sites d’industries chimiques, des hôpitaux. On montait toute l’électricité de A à Z. Dans l’agroalimentaire, on entretenait les chaînes de production. On assurait aussi de la maintenance dans les centrales nucléaires, un travail très spécifique. Plus le temps passait, plus l’entreprise avait confiance en moi, et je suis passé chef d’équipe. Mais en avril 98, à l’âge de 27 ans, j’ai été victime d’un accident de voiture sur le trajet pour aller au travail. Ironie du sort : doté d’un CAP électromécanicien, je suis rentré dans un poteau EDF !

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Quand le handicap bouscule les collectifs de travail

Ce qui ressort des récits de travail que nous avons déjà publiés

Ce qui ressort des récits de travail des personnes en situation de handicap est qu’un des effets de leur intégration au travail est de questionner la distribution des rôles, les hiérarchies, les procédures et, la plupart du temps, l’échelle des valeurs et le sens même du travail. 

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“ On me regarde pour me comprendre ou pour voir l’eczéma sur mon visage ? ”

Stéphanie, fondatrice et directrice de l’association Française de l’Eczéma

Représentation de « À fleur de peau »
au Théâtre de la tour Effeil – 2024

À l’époque où je participais à des congrès de dermatologie alors que j’étais sujette à des crises d’eczéma, j’étais, parmi toutes les associations présentes, la représentante qu’on voyait le plus. Quand j’allais rendre visite aux autres congressistes sur leurs stands, ces derniers me parlaient vraiment de leur association et des actions qu’ils promouvaient. Mais, dès que je m’exprimais, l’attention se concentrait sur mon cas personnel.  Cela résume assez bien les difficultés que j’ai constamment dû surmonter, et justifie le fait que l’eczéma soit reconnu comme maladie invalidante, classée « affection de longue durée ». 

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“Ils disent que j’ai un super-pouvoir”

Sami, instituteur en CE1

L’école internationale de Lyon – Wikicommons

Mes collègues instits trouvent que j’ai une plus grande capacité qu’eux à repérer rapidement les élèves en difficulté. Ils disent que j’ai un super-pouvoir… Dans leur classe, ils peuvent voir tout ce qui se passe, déceler des choses sur les visages, mais ils ne peuvent pas regarder chacun des vingt-six élèves tout le temps… et ils n’entendent pas tout… Moi qui suis non-voyant, je repère les émotions, les états d’âme de tel ou tel élève, rien qu’à sa voix.

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« Moi, j’aime pouvoir faire mon travail de manière bien organisée »

Jordan, agent de service au sein d’une maison de retraite

Le maniement de l’auto-laveuse

Au début de mon travail d’agent de service en maison de retraite, la cadence était trop intense pour moi. Je m’efforçais de me concentrer sans arrêt pour bien réaliser ce qui m’était demandé : réceptionner le linge propre, le trier, le plier… Si les changements me troublent ou si me concentrer me demande plus d’efforts qu’aux autres, c’est que je suis classé comme autiste léger.  Je souffre en effet de dysgraphie et de difficultés de langage. Compte tenu de mon handicap, le médecin du travail a proposé un emploi du temps aménagé. Je travaille cinq jours par semaine, du lundi au vendredi, pour un total de trente heures. Et je commence une heure plus tard que mes collègues, à sept heures trente. 

Aujourd’hui, je peux dire que, dans mon travail, je tiens le rythme. Je m’adapte aux petits imprévus, mais si un changement intervient sans que j’aie été prévenu, ça me stresse. C’est par exemple le cas, quand je dois interrompre soudainement le maniement de l’auto-laveuse. Moi, j’aime bien pouvoir faire mon travail de manière organisée.

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Un « retour à la normale » qui ne peut pas être un « retour en arrière »

Vincent, technicien en laboratoire d’analyses biologiques

« Je ne pouvais pas m’installer dans les grands open-spaces où le moindre virus se transmet à toute vitesse« 

« On t’enlève du labo, on te met sur un ordinateur ».  C’est la solution que mes employeurs ont proposée, il y a deux ans, quand, après avoir combattu un lymphome hodgkinien, je suis revenu travailler dans le laboratoire qui m’emploie. Ce cancer du sang, traité ordinairement facilement, avait été réfractaire aux traitements les plus efficaces. Il a fallu, pour le vaincre, passer par une autogreffe de moelle osseuse. Affaibli par les chimiothérapies et les divers traitements, avec des défenses immunitaires très déficientes, j’ai repris mon travail, en juin 2023, dans le cadre d’un mi-temps thérapeutique et sous le statut de « handicapé temporaire ». Non seulement, en effet, j’avais besoin d’un aménagement de poste pour m’aider à gérer la fatigue, mais il était hors de question de m’exposer aux risques biologiques évidents dans tout laboratoire d’analyses… 

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