Je propose des vélos de fonction aux salariés

Quentin, réparateur de vélos

Paroles du 15 mai 2020, mises en texte avec Martine

Mon bureau est dans un coin de l’atelier, où six à huit mécaniciens travaillent à temps plein sur 450 m². On a une grosse organisation qui est assez unique. L’atelier est fermé au public. Ce sont les mécanos qui ont demandé. Avant ils étaient dans les magasins, les clients étaient à tourner autour d’eux, les mains dans le dos, à poser mille questions, l’efficacité n’était absolument pas là et leur métier, leur passion, c’est la mécanique vélo et pas la relation client. On peut expliquer ce qu’on va faire, comment on l’a fait, pourquoi, mais quand on travaille on travaille et la mécanique vélo est une activité aussi sérieuse que n’importe quelle autre activité. 

La mécanique des cinq magasins est centralisée, avec une capacité de réparation entre 250 et 300 vélos par semaine, beaucoup plus importante que n’importe quel magasin lambda. On est 25 salariés, une dizaine à Brignais, et 7 répartis sur Saint-Priest, Ecully et Lyon. 8 sont à Vienne dont deux femmes. Cathie s’occupe de l’accueil des clients, de la vente textile et vélos en magasin, et Camille est cheffe d’atelier. Dans les autres magasins, c’est 100% masculin. 

On communique régulièrement sur les précautions à prendre contre le coronavirus, tout le monde est très averti et très responsable, donc on n’a absolument aucun souci là-dessus. Au début on n’avait pas de masque. On les avait commandés en tissu il y a longtemps, sans logo Blain mais ça aurait pu être rigolo. Et là on attend des kit coronavirus notamment avec du plexiglas à mettre sur les banques, du stickage au sol, et puis des gants, des masques, du gel hydroalcoolique.

En ce moment je suis souvent dans mon bureau et s’il y a du monde en magasin, on me passe un petit coup de fil et je rapplique pour aider l’équipe. Le contact client est exceptionnel et en ces temps de crise sanitaire on a besoin d’échanger un maximum, ça fait plaisir de voir que la vie ne s’est pas arrêtée. En ce moment j’apprécie beaucoup d’être en magasin parce que je le suis moins d’habitude. On arrive à 7h30/8h pour tout mettre en place, on ouvre à 9h00, et on ferme entre 19h et 19h30, le temps que tout le monde soit parti. Nous faisons de super grosses journées, du lundi au samedi, avec des arrivées décalées. Les salariés sont à 39 heures hebdomadaires, certains ont un jour de congé au milieu de la semaine. Entre midi et deux il n’y a pas de client, j’essaie de m’occuper de mon activité “entreprise” parce que là, il y a pas mal de demandes qui reviennent. J’ai des relances à faire, des vélos qui ne sont pas partis et des entreprises qui se mettent à réfléchir au vélo pour éviter à leurs salariés de prendre le bus.

En temps ordinaire, je vais dans les entreprises. Cela fait longtemps que je voulais mettre en œuvre mon savoir-faire commercial chez cycles Blain, une entreprise familiale, c’est génial ! Depuis deux ans que je suis ici, je développe l’activité que j’ai créée. Elle est consacrée aux entreprises, en parallèle à la vente et à la réparation de vélos. Le but du jeu est de proposer des vélos de fonction aux salariés. Avant, je vendais des places en crèches aux entreprises pour qu’elles fassent garder les enfants de leurs salariés. J’ai fait l’Institut d’Administration des Entreprises, à l’Université Lyon-3. Faire de plus en plus de vélo pour éviter la contamination du coronavirus, on est en plein dedans en ce moment. Diminuer les allers-retours en métro, en tramway, en bus, c’est aussi une question d’écologie et même d’économie et de performance pour l’entreprise puisqu’en ville on se déplace beaucoup plus vite en vélo qu’en voiture. On travaille beaucoup avec les agences immobilières qui font visiter leurs appartements. Ils font ainsi beaucoup plus de visites.  Ils garent leur vélo dans les bureaux ou les parkings. Il faut vraiment être très motivés pour sectionner les antivols que l’on y met.  J’ai fait une offre clé en main, de leasing pour des vélos électriques, floqués aux couleurs de l‘entreprise, assurés contre la casse, le vol, entretenus sur site et si le vélo du salarié crève, il y a un taxi qui l’emmène au boulot et qui ramène le vélo chez nous. Il y a mille raisons d’utiliser des vélos sauf que, dans une entreprise, ils ne savent pas le choisir, l’entretenir ni l’assurer. Ma mère, qui est avocate, s’occupe de la partie juridique des contrats. On travaille aussi beaucoup avec les hôtels qui louent les vélos aux clients et avec les grosses usines un peu dangereuses dont les salariés ont besoin de se déplacer sur le site. J’ai développé cette activité en direction des entreprises sur toute la France ; on va d’Annecy jusque dans le sud, à Marseille. Ça n’existait pas, c’est pour cela qu’on l’a créée. On fait tout de A à Z. Sinon, à terme, quand on aura beaucoup de contrats et de clients on aura un camion-atelier avec un mécano dédié qui fera la tournée des clients entreprises et des hôtels. 

Pendant le confinement, je ne faisais pas de prospection pour cette activité, ça s’est arrêté du jour au lendemain parce que les hôtels, les agences immobilières, les géomètres, les avocats et les notaires ont tous fermé, stop net du jour au lendemain. Personne n’était joignable. Moi, en ce qui me concerne, j’ai travaillé sur notre site internet, j’ai continué à gérer les réseaux sociaux. Dans le vélo, il y a beaucoup de bouche à oreille, on a une grosse communauté.  L’activité en direction des entreprises est en train de redémarrer, on a recommencé les livraisons et il y a beaucoup de demandes, notamment pour les trajets domicile-travail des salariés parce que c’est le moyen le plus sécurisant de se déplacer. 

Pendant la crise, on n’était pas confinés. Non seulement on avait l’autorisation de travailler, mais c’était même pire, on n’avait pas le droit de fermer, tout comme les pompes à essence et les garages. On fait partie de la convention collective de l’automobile et on doit permettre aux gens qui ne se déplacent qu’en vélo de pouvoir compter sur nous. Mais au début les gens n’avaient pas le droit de venir chez nous, alors nous allions chez eux. On a énormément été sollicités pendant cette période, on allait chercher le vélo à domicile, on faisait le diagnostic mécanique avec les gens, on faisait le devis, on amenait le vélo à Brignais, on le réparait et on le ramenait chez le client. On est super fiers d’avoir fait ça, on était les seuls dans la région et même quasiment en France. Les clients étaient très heureux d’avoir un vélo rapidement réparé. On transportait entre cinq et huit vélos dans chacun des trois camions, du nord au sud de Lyon et beaucoup dans Lyon-centre. On faisait deux à trois milles kilomètres par jour entre les récupérations et les déposes des vélos. On a réparé cent trente vélos en deux semaines !

Nos magasins ont réouvert il y a trois semaines, seulement le matin puis toute la journée. La mesure gouvernementale en faveur du vélo mécanique a permis de faire une reprise beaucoup plus dynamique, elle nous a apporté un monde colossal. On n’avait jamais vu ça depuis 45 ans que le magasin existe. On sent que les gens avaient envie de sortir, de refaire du vélo. En ce moment on commence à avoir un peu de délai. C’est une grosse organisation à mettre en place, on donne des rendez-vous, on ne stocke plus, on n’a plus de place. 

A part quelques problèmes d’approvisionnement, et des délais qui se sont allongés avec les fournisseurs parce qu’ils sont encore en chômage partiel, ou à cause des transporteurs (dans le vélo haut de gamme rien n’est fabriqué en France), tout va bien. 

La rapidité, c’est ce qu’on essaie de faire au quotidien et ce pourquoi on se bat. C’est le plus important pour le service client dans un magasin de vélo. On a des super collaborateurs qui sont très motivés. Leur motivation et l’envie de retourner travailler de tous, je trouve ça formidable ! Les gens sont fainéants ? Ben non ! Ce n’est pas vrai ici en tout cas !

Paroles de Quentin, le 15 mai, mises en texte avec Martine

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