
Le Centre de Recherche sur le Travail et le Développement (CRTD) et le Laboratoire Interdisciplinaire de Sociologie Économique (LISE) organisent et animent un ciné-club au CNAM autour du travail, à partir d’un choix de films et de documentaires qui mettent en lumière des aspects du travail peu accessibles autrement. Ce 20 octobre, c’était un documentaire de 2019 : « Nouvelle cordée », suivi d’un débat avec les participants.
C’est l’histoire de l’expérimentation « Territoires zéro chômeurs de longue durée » qui a été lancée dans l’agglomération de Mauléon (Deux-Sèvres) en 2015. À l’époque, Pierrick, Anne, Sébastien et les autres vivent dans une grande précarité. « On nous appelait les cassos », dit Philippe. Quatre ans plus tard, ils sont salariés dans la première « Entreprise à But d’Emploi » (EBE) de France et leur vie a changé. « Une vraie résurrection » dit Sylvie. À leurs côtés depuis le début de cette incroyable aventure humaine et collective, la caméra capte la transformation physique et morale – les corps qui se redressent, les sourires retrouvés, la parole qui se libère – des anciens laissés-pour-compte de l’économie dominante, qui revendiquent aujourd’hui une nouvelle façon de travailler et de vivre ensemble. À l’heure des « gilets jaunes », un film pour montrer qu’il est possible de concilier solutions de fin de mois et de fin du monde.
De la même manière que nous publions les récits de travail sur le site de la Compagnie Pourquoi se lever le matin sans commentaires, il n’y a pas de voix off dans ce documentaire. On n’y entend que les paroles des salariés qui ont créé l’entreprise, l’ESIAM, au fil des deux années passées à la construire, en attendant la loi de 2017 créant les EBE, puis de leur quatre premières années d’activité. Ils et elles étaient chômeurs de longue durée, certains sont des travailleurs handicapés. Ils ont collectivement créé leurs emplois à partir de ce qu’ils savaient et pouvaient faire les uns et les autres. Ils font la preuve que le principe « adapter le travail à l’homme » énoncé dans l’article L4121-2 du Code du Travail n’est pas une utopie.
Ils en parlent simplement : « Chez eux (les entreprises à but lucratif), le temps c’est de l’argent. Chez nous c’est de l’emploi« , « Le service à la personne n’est pas l’activité la plus rémunératrice, mais c’est celle qui a le plus de valeur« , « J’ai changé, je me lève le matin parce que je suis utile à quelque chose. Mes collègues sont contents que je leur fasse la cuisine« . Il vont là où ils ne font de concurrence à personne, en commençant par transformer les déchets de leur territoire en matières premières. Ils absorbent des pics d’activité auxquelles les entreprises locales ne peuvent pas faire face, comme par exemple le pressing lorsque tous les gites touristiques sont loués. Leurs salaires sont subventionnés dans le cadre de l’expérimentation, mais ne coûtent pas plus cher à la société que ce que coûte un chômeur de longue durée.
On pourrait cependant se demander si certaines de ces activités ne devraient pas donner lieu à un emploi hors EBE, comme le service à la cantine scolaire. Ils ont créé des emplois utiles pour eux et pour leur territoire, une petite commune des Deux-Sèvres. On pourrait se demander si ce qui fonctionne sur un territoire de moins de 10 000 habitants serait transposable dans les grandes agglomérations. Néanmoins, ce dont ils témoignent emporte la conviction sur les possibilités à explorer, parce qu’il ne suffit pas de décréter que l’on va « mettre les chômeurs au travail » en modifiant les règles des indemnités et des allocations.

Pour aller plus loin sur cette expérimentation, voir aussi le livre « Zéro chômeur » publié par nos amis des Editions de l’Atelier.

Prochaine séance du ciné-club’ CNAM Travail & Cinéma, le 1° décembre, avec un documentaire de 2010 « Entre nos mains », tourné dans une fabrique de lingerie dont les ouvrières décident de s’embarquer dans l’aventure de la SCOP pour sauver l’entreprise. Le programme de l’année 2022 – 2023 est disponible ici. Les séances sont accessibles en présence et à distance.