« Quand on fait un travail de création, il y a une partie où l’on décide et une partie où on ne décide rien. Ça vient tout seul. »

Véronique, Artiste graveur & aquarelliste – Salers août 2022

Propos recueillis par Roxane et mis en texte par François – février 2023

Véronique au travail

Après avoir vécu en région parisienne, je me suis installée depuis deux ans à Besse, une commune distante de dix kilomètres de Salers. Cela fait une trentaine d’années que je viens dans le Cantal chaque été et aux congés de Toussaint. Comme mon mari est auvergnat, cela facilite les contacts.
J’ai mon atelier juste à côté de la maison. Il est assez grand et comme il est à l’étage, je bénéficie d’une belle vue et de beaucoup de lumière qui perce par de vastes baies vitrées. Mes matinées débutent par une petite séance de yoga. Cela m’aide à me mettre en forme, à me décontracter. Après, je me rends dans mon atelier pour organiser ma journée en fonction des différentes activités à venir. Si la journée va être consacrée à des tirages, je commence par préparer une table qui sert à chauffer les plaques de cuivre. Quant à l’encre, il faut la manipuler pour l’attendrir. Mais j’ai aussi des journées consacrées à la préparation d’une exposition et d’autres durant lesquelles je vais stimuler ma créativité. 

Dans mon atelier, j’ai installé une presse taille douce qui me sert à imprimer toutes mes gravures. En effet, je me consacre principalement à la gravure au burin sur cuivre. Pour cela, j’entaille le métal avec mon outil. Parfois mon trait est guidé par un petit dessin esquissé au préalable mais parfois mon outil s’aventure sur la plaque. Ça part comme cela ! Je travaille en creusant la plaque, puis j’imprime par la suite avec tout un protocole, c’est-à-dire des passages d’encre sur la partie gravée. 

L’ étape de l’encrage nécessite de bien faire pénétrer l’encre dans toutes les tailles, puis, s’ensuit l’essuyage qui consiste à ôter l’encre en surface en prenant bien soin de conserver celle qui est dans les creux. Ce travail effectué, j’humidifie une feuille de papier en la trempant dans une bassine d’eau. Ensuite je pose la plaque sur le plateau de la presse taille douce et je la recouvre avec la feuille de papier, au préalable essorée entre deux buvards et je recouvre l’ensemble d’un feutre épais appelé lange. J’actionne la presse et lorsque la plaque gravée passe entre les deux rouleaux, la pression exercée va faire ressortir l’encre sur le papier. Enfin je découvre mon épreuve imprimée. Si le résultat me convient, je réalise ma série de tirages sinon je retravaille ma gravure.

En général, j’en exécute une cinquantaine et je les numérote. Quels sont les meilleurs ? Cela dépend. Certains collectionneurs préfèrent le septième ou le dixième parce qu’à ce stade il y a un peu plus de matière. Mais d’autres privilégient la première… Parce que c’est la première ! Sur cinquante tirages qui sont tous, forcément, un peu différents, tous n’ont pas la même valeur, tous ne sont pas de qualité identique.

Quand je m’installe à ma table de travail, je cogite. Parfois, j’ai déjà une inspiration, un sujet dans un coin de ma tête mais parfois je n’en ai pas. Dans ce cas, je dessine jusqu’à ce que quelque chose me vienne. Alors je l’attrape ! Quand on fait un travail de création, il y a une partie où l’on décide de quelque chose et une partie où on ne décide rien. Ça vient tout seul.

Je ne compte pas le temps que je passe dans mon atelier. En fait, j’y reste longtemps, mais je ne compte pas. J’ai besoin d’être seule afin de demeurer concentrée, j’ai impérativement besoin d’être dans mon univers. Aussi, je n’accueille des personnes que sur rendez-vous ou quand j’organise des démonstrations de tirage, notamment lors des journées des métiers d’art. Là, j’ouvre mon atelier et je montre comment je travaille.

Les temps de création sont variables, parfois une simple idée se concrétise, prend forme et aboutit… mais parfois cela survient sans préalable, sans que j’aie anticipé. Certains jours  je trouve que le résultat de mon travail n’est pas terrible. C’est une mauvaise journée, rien ne vient, ça ne sort pas ou alors je considère que ce qui a été réalisé est nul. Alors je vais me promener dans la forêt pour me vider la tête, cela me fait du bien.

Les création de Véronique, à la Fabrick

La vente de mes tableaux est pour moi, un moment toujours un peu difficile. Ce n‘est pas que j’aime ou que je n’aime pas vendre. Je constate que pour moi il est toujours un peu malaisé de se mettre en avant, d’affirmer : « oui, c’est moi qui l’ai fait. » À l’inverse, demeurer silencieux n’est pas une solution. Je peux être contente de mon travail et même en être fière mais il se peut qu’il n’engendre aucune émotion chez une personne qui le découvre. Vendre ses créations implique une certaine humilité. 

Avec d’autres artistes, je participe, depuis mon installation en Auvergne, à « La Petite Fabrick» installée à Salers. C’est une association qui permet à des créateurs de présenter leurs œuvres et de les proposer à la vente durant la saison estivale. Pour ma part, j’ai assuré treize permanences du mois de juin à la mi-septembre. Dans ce collectif règne une bonne ambiance même si l’on ne se voit pas très souvent car nous habitons assez loin les uns des autres. Mais l’essentiel pour moi c’est que l’on se complète et qu’ainsi on propose au public des œuvres originales presque uniques où la création est toujours présente. En outre, comme j’ai gardé des liens avec quelques galeries, j’expose de temps en temps à Paris.

Si j’ai toujours vécu de mon métier, cela n’a été possible qu’en effectuant des activités que je qualifierai de parallèle : donner des cours, réaliser des illustrations pour des magazines, des publicités, des livres d’enfants, voire des ouvrages plus techniques comme ceux dédiés à la gymnastique… J’ai eu la chance d’avoir des commandes régulières.

Vivre intégralement de son art n’est pas aisé. Bien sûr, il m’arrive de réaliser de bonnes ventes, mais je constate que dans les métiers de création cela n’a rien de régulier… Depuis que je suis ici, j’y arrive. Je me consacre intégralement à la création. La création est mon mode de construction depuis mon enfance, c’est ma vie, c’est ce qui me rend vivante.

Véronique

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