Le temps est un mot du travail

Mise en lumière des différents temps ressentis dans le travail

Top !
Temps de travail, temps de sommeil,
Temps de transport et temps de loisir,
Temps des jeux, temps de peine, temps de prière,
Temps de lecture, de cinéma, temps pour rêver à rien,
Temps de paix temps de guerre, de peurs et temps d’espoirs infinis,
Temps invisibles, temps contraints, temps libres et temps de la négociation,
Temps des compromis difficiles, temps des conflits, temps perdus et temps gagnés,
Chronomètre, pointeuses, cadences, temps de la prime, temps des retenues sur salaire,
Temps de l’effort, temps de la reconnaissance, temps de la fierté collective, temps de la joie,
«  NOUS  AVONS  L’ETERNITÉ  ET  UN   JOUR »  –   THEO   ANGELOPOULOS 
Temps du doute, temps des hésitations, temps des projets qui unissent,
Temps de la fraternité dans l’atelier, dans les usines et dans la Cité,
Temps de procédures, temps des bricolages temps des initiatives,
Secondes, minutes, heures, jours et semaines, années, siècles,
Temps de l’enfance, temps de l’adolescence, et de la maturité,
Temps du cœur, de l’amour, temps des roses et du muguet,
Temps court, temps des copains et de l’aventure,
Temps de pluie, de liberté, de félicité,
Brume, soleil,
Top !

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« Retour de congés »

Un mot du travail, un mot de la fin août

Arrivés rue Caulaincourt, Jean et Odette rangèrent leurs bicyclettes dans la cour de l’immeuble. En détachant les lourdes sacoches, ils se remémorèrent ce jour de juin où, en s’approchant du portail d’entrée des établissements ETI spécialisés dans le traitement des peaux à Montreuil, ils avaient remarqué un groupe de camarades qui distribuaient des tracts confirmant l’adoption définitive de la loi accordant aux salariés douze jours de congés payés. Un peu surpris de voir ce droit enfin arraché au patronat pour l’ensemble des travailleurs, ils avaient loué une toile de tente et rassemblé le minimum nécessaire pour camper : petit réchaud à alcool, poêle et casserole. Les berges de l’Oise les avaient accueillis pour de longues baignades et balades à bicyclette. Un jour, ils avaient même pu s’offrir une friture dans une ginguette et ils avaient dansé. En passant devant la loge, ils furent accueillis par un sonore : « Ah ! vous r’voilà ! Point travailler et être payé, on dirait bien que ça vous a réussi. La p’tite dame a même forci ! ». Heureux, ils se sourirent. L’an prochain, en faisant des économies, ils repartiraient, mais à la mer cette fois. Pour cela, Jean accepterait de travailler quelques heures de plus à son poste de tannage et Odette ferait tous les soirs la fermeture de la boulangerie à la place de son amie Suzette de nouveau enceinte.

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Vacances

Un mot du travail, vu de la salle des profs, du bureau et même… en poésie

Le mois de mai, avec ses week-end à rallonge, c’était le début de la débandade…
Dans la salle des profs, une étrange hâte semblait pousser les collègues à explorer plus distraitement leur casier, à slalomer entre deux conseils de classe, deux paquets de copies à corriger, et le parking où les attendait leur voiture. Depuis un moment déjà, les élèves n’y croyaient plus… Les jeux étaient faits. Le soleil les invitait à l’insouciance et à l’impertinence.
Puis arrivait juin. Les derniers résultats étaient inscrits sur les bulletins scolaires, les orientations étaient bouclées. Pour peu que l’établissement fût centre d’examen, les élèves savaient qu’ils seraient libérés prématurément. En dépit des révisions et d’une vague angoisse d’avant les épreuves du bac ou du brevet des collèges, c’était la grande glissade vers la fin du mois.

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1er mai

Quand les mots du travail sont déjà habités : « Fête du Travail », ce n’est pas du tout « Journée internationale pour les droits des travailleuses et des travailleurs »

Photo : Dans mon jardin, 1er mai 2025

Comme l’œillet portugais ou la rose mitterrandienne, le brin de muguet porte l’espoir de jour meilleurs. Il se traque dans les sous-bois, il s’achète auprès de militants politiques ou associatifs, chez le fleuriste, et même à un vendeur à la sauvette puisque, ce jour-là, c’est permis. On se l’offre, on se l’accroche à la boutonnière avant d’aller au défilé. Où, selon l’actualité sociale de l’année, on sera plus ou moins nombreux. Ainsi le 1er mai 2023, en plein conflit contre la réforme des retraites, fut grandiose.

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Recruter

Recrutement et candidature, des mots du travail vieux comme le monde, sont aujourd’hui dans le viseur des intelligences artificielles

Avec la nécessité de disposer de personnels très qualifiés, l’Armée française a dû développer des modalités de recrutement sophistiqués. Ce mot retrouve ainsi son usage sous l’Ancien Régime. Après des batailles meurtrières, les chefs militaires étaient enjoints de reconstituer leurs effectifs sans retard.

Hors de ce contexte, recruter s’avère être un processus millénaire et multiforme. Dans le croissant fertile entre Tigre et Euphrate, le paysan en quête de bras fait d’abord appel à ses enfants et à défaut à toute personne de sa famille. Cette modalité mise en œuvre dans les hautes sphères du pouvoir caractérise le népotisme. Elle rassure le responsable suprême qui escompte – a priori – être servi avec loyauté. Mais l’Histoire ne compte plus les empereurs, rois, Princes de l’Église, … trahis par des membres de leur premier cercle. « Tu quoque mi filii » se serait écrié César mourant sous l’arme de Brutus qu’il considérait comme son fils. 

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Argent

Pour mettre un peu de poésie dans les débats sur les mots de la rémunération du travail

Par le travail, tu gagneras l’argent à la sueur de ton front… Et tu perdras ton temps à vouloir le gagner ! 
Et gare à la tentation de vouloir gagner du temps en compressant la semaine de 35 heures en quatre jours pour arranger les gens.
Comme tout le monde, je prendrai le train à la gare ou chercherai une place pour me garer, mais je m’égare … 

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Cadre

Un mot du travail : des jeunes ingénieurs des années 1950 à ceux qui choisissent aujourd’hui de déserter

Juin 1951
André, entouré de ses parents, reçoit son diplôme d’ingénieur. Sa mère dactylo et son père instituteur sont légitimement fiers de leur fils. La reconstruction de la France n’est pas terminée et André est rapidement recruté par la Société d’Etudes et de Travaux et est affecté sur un chantier en Bourgogne. Il épaulera le chef de chantier issu du rang car il maîtrise les toutes nouvelles techniques de béton armé. André découvre une communauté très soudée mais il s’y intègre aisément. A midi, sa gamelle est réchauffée au bain-marie avec celle des ouvriers. Au-delà des calculs qu’il effectue dans une caravane, en bottes et « bleu », il est très présent sur le chantier. Jour après jour, il a la satisfaction de voir que la construction du pont respecte globalement les délais impartis.

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Collaborateur

Un mot du travail : inclusif ou piégé ?

Il ne faisait pas bon se voir traiter de  “collaborateur” après 1945. Le DRH s’appelait alors Monsieur le Directeur du personnel et il avait des subordonnés. Ou plutôt des subordonnées. Aujourd’hui, il est devenu tout à fait honorable d’être le collaborateur d’une entreprise, d’un groupe, d’un média ou d’une institution. C’est le terme générique utilisé pour parler des salariés dans les histoires que l’on raconte aux managers pendant les grand messes de l’entreprise. Cependant, le mot est rare dans les paroles des personnes avec qui nous avons fait un récit de leur travail. Ceux qui l’utilisent sont cadres de direction ou experts RH. Ils disent “les collaborateurs” (ceux de l’entreprise), plutôt que “mes collaborateurs” (ceux avec qui ils travaillent). 

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Indicateurs 

Un mot du travail. Les indicateurs sont-ils des outils ou une malédiction ?

A partir des données lues sur le tableau de bord d’une voiture, pour ne prendre que cet exemple, chacun ajuste sa conduite en fonction de l’indicateur de vitesse, de niveau d’huile, de température du moteur. L’ensemble de ces indicateurs apportent une information à celui qui agit. Ils sont conçus pour orienter l’action.
Toute activité industrielle fonctionne sur ce mode avec de surcroît, des alarmes qui se déclenchent si les résultats mesurés dépassent une valeur considérée comme risquée et supposent une intervention spécifique.
La mesure est au centre du travail pour le réguler, le piloter à bon escient et le déploiement d’indicateurs dans cet esprit présente à l’évidence des vertus.

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KPI

Un mot du travail, acronyme anglais pour ICP, Indicateur Clé de Performance

Indicateur se dit KPI dans le discours moderne du management. Prononcer KaPiHaï  en un seul mot, que ce soit dans le monde de l’entreprise ou dans le domaine plus large de la gestion. Le KaPiHaï est aujourd’hui sorti du secteur privé pour venir contaminer la fonction publique en vue de mesurer, à cet endroit aussi, le déroulement des activités dans le sens attendu.
Indicateur se dit aussi indic du côté de la police. C’est celui qui renseigne, qui permet par les informations qu’il révèle, de venir à bout d’une investigation et de résoudre une énigme. Son statut est parfois ambigu car il  peut agir dans l’ombre, dans une  forme d’ambivalence jusqu’à, dans certains cas, la frontière de la légalité. Il s’appelle alors mouchard ou balance. Il faut bien reconnaître cette partie obscure de l’indicateur pour ne pas se faire prendre au piège de la magie apparente de cet instrument censé renseigner et guider l’action.

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Encadrement de proximité ou manager ?

Ni l’un ni l’autre dans les récits de travail. Ce sont pourtant des mots du travail.

Dans les récits de travail publiés sur notre site, les signataires utilisent rarement le terme “management” pour désigner leur hiérarchie, leurs subordonnés ou la manière dont leur organisation fonctionne. Quand ils le font, ils sont cadre dirigeant ou médecin chef de service, ou experts, notamment RH, syndicaliste ou étudiant intérimaire. Avec le mot “manager” (verbe ou substantif), on n’élargit guère ce petit cercle. Nos narrateurs préfèrent de loin les mots “organisation”, “chef”, “cadre” ou “responsable”. Ils ne sont pas fans non plus de “hiérarchie”. Est-ce une manière d’affirmer de l’autonomie dans leur travail ?

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Perruque

Un mot du travail en voie de disparition

Dans le langage de l’atelier, la perruque est une activité cachée. Celle de salariés qui travaillent pour leur propre compte, pendant leurs heures de travail, avec les matériaux et l’outillage de l’entreprise. On dénomme également perruque le produit fini, le bénéfice qui est retiré par le perruqueur. Selon les métiers et les régions, on entend parler de bricole, pinaille, bousille, casquette… L’histoire est souterraine, entre dissimulation et tolérance, entre vol de temps et compensation d’un salaire jugé trop faible, entre labeur et loisir, habitudes et transgressions, individualité et appartenance au groupe.

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Les voeux aux salariés avec un Président poète (5/5)

Pour se remettre de cette origine numérique,
des vœux garantis sans IA

En ces temps joyeux, permettez-moi de vous présenter mes vœux.
Je suis un peu nerveux,
je l’avoue, je me fais des cheveux,
bien qu’il ne m’en reste que peu, 
mais il faut que je vous fasse un aveu.

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Les voeux aux salariés, un exercice pas si anodin (4/5)

“Bonne année” : des mots du travail d’écriture des communicants

Illustration générée par un logiciel qui s’obstine à écrire en anglais

Tous les ans, vers fin novembre-début décembre, les communicants des entreprises, les grandes, surtout, se grattent la tête. Que faire dire au Président pour les vœux ? On peut lire, sur le mur d’échanges d’une organisation de communicants, cette réflexion sous forme d’appel à l’aide des collègues :   Chaque année, je me fais la même remarque. Il (le PDG) privilégie les résultats, la croissance, les marchés à conserver, à conquérir, les clients… Je suis tout à fait consciente qu’il s’agit d’informations capitales mais il me semble qu’il manque : une vision, une histoire…”. Une collègue lui répond : “Je vous rejoins, il est important d’apporter de la nouveauté dans des vœux tant dans le format que dans le contenu. Parler culture d’entreprise, valeurs communes, démarches RH et avancées sociales, s’il y en a, politiques et démarches liées à la RSE, au bien-être des collaborateurs, à la diversité…”.

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Les vœux aux salariés, tentatives pour sous-traiter le discours à un logiciel (3/5)

Les mots juxtaposés par ChatGPT en disent long sur les discours habituellement prononcés en entreprises

Une IA au travail. Image générée par un logiciel
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Les voeux aux salariés, tentatives pour faire bref et sans langue de bois (2/5)

Le discours du Président, un concentré de « mots du travail »

Illustration générée par un logiciel

Comme le temps est une denrée rare, et que les salarié-es connaissent déjà les grandes lignes du discours de voeux, j’en propose une version condensée en moins de 70 mots, pour venir en aide aux managers nécessiteux :

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Les vœux aux salariés, une mise en scène millimétrée (1/5)

Pour que le Président prononce son « bonne année », il faut soigner le décor au moins autant que les mots

Illustration générée par un logiciel

La salle de la cantine du siège social fermera plus tôt aujourd’hui. Dès le début de l’après-midi, les équipes des moyens généraux, avec celles du restaurant d’entreprise, installeront tout le matériel nécessaire pour la cérémonie des vœux de ce soir. Pas de temps à perdre. A partir de 18 heures, le Président de la Compagnie présentera ses vœux à l’ensemble du personnel. Ceux du siège viendront sur place pour l’écouter et le discours sera retransmis en direct sur écran géant dans toutes les usines en France. Les filiales à l’étranger auront un accès sur interne. Les salariés pourront suivre en replay, décalage horaire oblige. Le texte sera traduit en huit langues.

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Atelier les mots du travail – de la cacophonie vers la polyphonie

C’était le 14 septembre à l’université de l’APSE, un atelier animé par la Compagnie Pourquoi se lever le matin !

« Mettre en mots des histoires de travail » :  c’est ce que fait la Compagnie Pourquoi se lever le matin, association créée en 2020. Nos mots sont les paroles de ceux qui racontent leur activité. Ils parlent avec un écrivant, parce que « parler de son travail ne va pas soi ». Ce sont ensuite les mots du récit écrit que nous leur proposons et que nous publions sur notre site, ou dans des livres. On y trouve beaucoup de mots de métier. Parfois, quelques néologismes de l’entreprise, souvent des mots en « ing » comme reporting ou en « ence » comme efficience. Ou des mots récupérés par l’organisation, comme la « qualité ». Nous-même au sein de la Compagnie avons chacun nos mots pour les lectures transverses que nous faisons des récits. Les mots du travail font débat. Tous ces mots sont habités, voire surpeuplés dans une sacrée cacophonie.

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Les mots à l’épreuve du travail réel

Le dernier post du blog de Jean-Marie Charpentier

En cette veille de rentrée, l’ami Jean-Marie nous propose une réflexion sur les mots du travail, ceux que l’on entend dans l’entreprise, ceux que l’on utilise pour parler de son travail. Un sujet sur lequel nous reviendrons très vite dans le cadre du chantier « Les mots du travail, de la cacophonie vers la polyphonie », que nous avons décidé d’engager lors de notre séminaire de juin dernier. Ce sera aussi le sujet de l’atelier que la Compagnie Pourquoi se lever le matin ! animera le 14 septembre lors de l’Université de l’APSE.

Les mots du soin : un glossaire critique

C’est avec le Manifeste, et 6 récits de travail, c’est dans le livre SOIGNER

Version numérique disponible (5 €), sur toutes les librairies en ligne