Ce n’est pas parce que je ne peux pas en faire , que je n’ai pas d’avis sur le télétravail

Pierre, syndicaliste dans la fonction publique territoriale

Paroles du 2 juillet 2020, mises en texte avec Martine

Je travaille à la voirie pour le Département du Rhône, je suis secrétaire-adjoint du syndicat CGT, je siège à la Commission Hygiène, Sécurité et Conditions de Travail (CHSCT) et en Commission Administrative Paritaire des catégories C (CAP C). Je suis aussi référent route pour la région Auvergne-Rhône-Alpes au syndicat CGT de la Fonction Publique Territoriale, à Paris. Je pense que le télétravail c’est politique.

Au Département du Rhône, alors que l’administration n’y était pas toujours favorable, bien qu’elle s’en gargarise maintenant, elle a lancé le télétravail, contrainte par les décrets. Si elle met tant de freins c’est par manque de confiance dans le personnel. Avant la crise du coronavirus des agents le réclamaient. Certains chefs le refusaient dans leur service, alors qu’ailleurs, le responsable d’une personne qui fait le même travail y étant favorable, le télétravail se mettait en place. Il y avait donc une inégalité complète.

La CGT y est favorable mais il faut se poser la question des critères et de son utilité. L’administration avait mis un barème kilométrique. Pour les agents qui étaient très éloignés, c’était possible. Pour nous, ce n’est pas qu’une question de distance, mais de temps de trajet aussi. Le télétravail en soi, c’est une bonne chose parce que ça économise du carburant et ça évite les accidents. Ça ne sert à rien de faire déplacer des gens simplement pour faire des missions qu’ils pourraient faire chez eux. Alors un jour, voire deux, avec la possibilité d’aller à trois jours par semaine. Mais pas de télétravail permanent, parce que les gens perdent le lien social. Il est aussi nécessaire d’être au calme pour travailler. Il est vrai que certaines personnes n’arrivent pas à se gérer, que d’autres en profiteront, ils ne bosseront pas, mais c’est rare. Les gens travaillent, mais il y aura toujours le chefaillon qui va les fliquer, dire de faire ci ou ça. Et il y a les gens, a contrario, qu’il va peut-être falloir arrêter, ce n’est pas parce que l’on fait du télétravail que l’on doit faire plus d’heures que d’habitude. Par rapport au Covid, c’est sûr que les gens n’étaient pas prêts, l’administration non plus, d’ailleurs, surtout vu la masse de télétravail. Donc il y a eu moins de rendement. Les agents ont travaillé à temps plein ou à temps partiel, sans pièce dédiée. Les écoles étant fermées, ils n’allaient pas « euthanasier les gosses », il fallait faire avec ! 

Le télétravail a donné des idées à l’administration, qui ne sont pas forcément bonnes pour les agents. En instance paritaire ils ont commencé à évoquer la possibilité de revoir les horaires de l’accueil téléphonique, jusqu’à 19h, voire plus… la vie des gens n’est pas leur priorité.  

Normalement les agents n’avaient pas à travailler chez eux tant que la signature de la convention pour le télétravail n’était pas signée, ils ont pourtant été autorisés à prendre les PC du Département directement munis de VPN (connexions sécurisées). D’autres ont travaillé sur des tablettes ou sur leur propre PC, ils n’avaient pas accès à tous les dossiers, ils pouvaient juste répondre à leurs mails. Et d’autres encore étaient en Autorisation Spéciale d’Absence (ASA), chez eux, n’étant pas munis de convention de télétravail ni de PC.

Le Département voulait acheter des ordinateurs portables sauf que c’est l’administration… et entre la prise de décision et la signature, c’est assez long et il n’y a pas eu la quantité de portables escomptée ! Après ils en ont recommandé mais il y a des agents qui n’en ont toujours pas. De plus, il y a quand même pas mal de choses qui ne sont pas dématérialisées, le Département n’est pas à la pointe du progrès sur cette question. En théorie et avant toute cette histoire de virus il était interdit d’emmener des dossiers d’aide sociale chez soi ou de les scanner pour faire du télétravail, la directrice des ressources humaines considérait cela comme une perte de temps ; maintenant c’est autorisé. Ce sont des discours contradictoires, ils s’adaptent.   

Les réunions de secteur, comme celui du service Enfance se sont faites en visio, au risque de perdre le lien social ! Il y a aussi eu des réunions dans les quatre Maisons du Rhône ouvertes, en présentiel, en limitant le nombre de personnes, et aussi en visio pour ceux qui ne peuvent pas se déplacer sur site, ces fameuses personnes à risque qui ont une ou plusieurs pathologies.

Les bureaux des Maisons du Rhône étaient fermés, on ne pouvait joindre les agents que par téléphone. Ils ne recevaient de public que sur rendez-vous avec les gestes barrière et les masques, qu’on nous a pris, à nous, dans les centres d’exploitation. Les activités ont donc perduré quand même comme le suivi des situations préoccupantes aussi bien pour les personnes âgées, handicapées que les enfants, même si avec la distanciation c’était compliqué.

A cause du covid il y a donc eu un gros frein parce qu’on ne pouvait plus passer voir les agents dans les services. Ils m’appelaient sur mon téléphone professionnel, ça n’arrêtait pas et on a aussi beaucoup communiqué au téléphone avec Mehdi, le secrétaire du syndicat, et d’autres syndiqués. On a organisé des réunions entre délégués, chacun sur son PC de domicile ou son téléphone ; comme Mehdi et Muriel siègent au Comité technique, l’administration leur a fourni un PC avec VPN. Au début on utilisait WhatsApp, mais le nombre est limité, ça buggait un peu, après on a utilisé JitsiMeet. En visio tu n’as pas le contact, quand tu parles d’un sujet, tu as beau lever la main pour que les gens te voient, c’est moins naturel alors que quand on est ensemble c’est du tac au tac, tu interviens, tu laisses parler, tu réinterviens.  

Le premier jour de confinement j’ai assisté à une réunion avec la direction, en présentiel parce qu’ils n’avaient pas annulé la CAP, et comme c’était pour un licenciement… Après on a eu deux réunions (ils avaient regroupé CHSCT et CT), on utilisait le réseau Orange du Département. Le personnel de l’administration, le président, le DGS, la directrice des ressources humaines, les services partenariaux et certains directeurs étaient dans une salle à l’Hôtel du Département, d’autres étaient dans différentes salles, dans un autre bâtiment, à 300 mètres comme les DGA et les directeurs. Nous, on se rendaient au plus proche de notre domicile familial dans des locaux du Département. Certaines personnes à risque étaient chez elles, en visio avec des PC portables du Département. Il y a eu d’autres réunions où, comme ils limitaient le nombre, seul Mehdi siégeait, éventuellement accompagné d’une personne syndiquée. Il a dû avoir au moins une réunion par semaine sur le thème des protocoles et des difficultés sur le travail à distance.

Au moment des instances, comme nous ne sommes pas sur le même site, tout passe par la visio, nous ne pouvons pas communiquer entre syndiqués, nous concerter, changer notre vote si l’administration apporte des explications ou qu’elle modifie un peu certaines réponses. C’est compliqué pour nous et c’est un avantage pour eux, ça les arrange bien. La solution c’est de faire des suspensions de séance mais il faut qu’on écoute ce qui se dit, donc on n’en n’a pas fait. On peut s’envoyer des SMS, mais comme on coupe le son, il y a des choses qu’on ne voit pas.

Donc je pense qu’ils vont vouloir faire durer ce système, le président l’a déjà évoqué, avant-hier, en CHSCT. C’est plus facile de nous déstabiliser, surtout que les réunions ne se passent pas particulièrement bien. Il nous parle de dialogue social alors que pour l’instance d’avant-hier on a eu un ajout de documents la veille à 14h28, ils ne respectent pas les délais, les organisations syndicales ni les procédures. Ils savent que l’on est en journée continue et qu’à l’heure où les documents sont arrivés, on a fini notre journée. On n’a donc pas pu préparer correctement cette réunion avec les syndiqués. J’ai voté certaines procédures, mais sur d’autres on n’a pas été associés. De toute façon, qu’on soit d’accord ou pas, nous n’avons qu’un avis consultatif, donc même si on n’est pas d’accord, ils l’appliqueront.

Paroles de Pierre du 2 juillet 2020 mises en texte avec Martine

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