Les liens entre travail et territoire : et si on les cherchait dans le récit du quotidien ?

La Compagnie Pourquoi se lever le matin engage la collecte de récits du travail ancré dans le territoire de Saint-Nazaire

On peut dire que chaque territoire est plus ou moins caractérisé par une activité dominante liée à un contexte géographique, socio-économique, culturel et historique singulier. Cela se voit dans le paysage, dans l’urbanisme, dans l’aménagement, dans la façon dont les activités coexistent et s’associent plus ou moins. Cela se voit  dans l’empreinte que ces activités laissent sur l’espace et sur les gens. Cela se voit dans la manière dont ces derniers en parlent, et, souvent, dont ils en tirent une certaine fierté.

L’entreprise a, elle aussi, son organisation liée aux différentes étapes de l’activité. Chaque exploitation, chaque atelier, chaque immeuble de bureaux a sa géographie, son histoire, son économie, ses rites.

À l’intérieur de chacun de ces lieux,  différents métiers peuvent cohabiter, collaborer plus ou moins facilement, et chaque travailleur va occuper un poste de travail, le délimiter, y exister tout en participant à une réalisation plus grande que la tâche elle-même, dans un périmètre plus vaste que celui de l’atelier, du bureau, de l’entreprise, de la ville ou de la région… D’où le sentiment de différents niveaux d’appartenance, et le sentiment d’une certaine solidarité ou non (voir par exemple le cas des travailleurs détachés…) 

Derrière tout cela, court la question de savoir comment s’exerce la maîtrise du temps et de l’espace. Comment se délimitent les différents cercles et quelles sont leurs échelles? Comment s’entrecroisent-ils ? Comment s’exercent les responsabilités ? Jusqu’où va l’autonomie et la complémentarité que chacun peut y revendiquer ? Comment se forme la cohérence d’un ensemble – une équipe – où les individus appartiennent tous à plusieurs cercles ? Comment cette question se gère-t-elle en situation de télétravail ?

Le premier pari de la Compagnie serait de développer cette problématique non pas par des discours mais par des récits de travail. Ainsi, à travers la description des tâches journalières, le but serait de faire en sorte que chaque personne interviewée explique comment, dans le cadre de son travail, elle résout les problèmes qu’elle a à traiter à l’intérieur des différents périmètres où elle évolue. Quelles sont les occasions qui l’amènent, directement ou indirectement, à se situer dans ces ensembles spatio-temporels? Autrement dit : quels sont les horizons plus ou moins conscients de son activité de travail ? 

Le second pari serait de voir comment ces récits pourraient être accompagnés de réflexions qui permettraient de mettre en lumière les aspects géographiques et historiques de la territorialité du travail. On pourra peut-être approcher, à la manière des sociologues du travail, les dynamiques sociales dans l’atelier ou le bureau avec la focale des territoires : la répartition des zones de travail, les différentes manières « d’occuper son terrain », d’y concevoir et d’y organiser son travail, de le considérer ?

On pourra voir comment ces nouvelles catégories de travailleurs que l’on dit « déplacés » s’intègrent ou restent à l’écart tout en apportant, hors-sol, leur contribution à une production qui s’enracine plus ou moins dans une réalité locale ? 

Sur le plan des rapports sociaux, percevra-t-on qui domine le territoire ? Des restes de l’aristocratie, une bourgeoisie locale traditionaliste, les représentants des grands groupes qui ne font que passer ? Verra-t-on émerger, évoluer ou disparaître des contre-pouvoirs ? 

Du point de vue de l’évolution scientifique et technique et de celle des marchés, verra-t-on les traces d’une transformation des outils, des organisations, des méthodes de travail et des produits mêmes du travail ? 

À partir d’un regard sur l’environnement spatio-temporel du travail, nous faisons l’hypothèse que l’approche « Travail et territoire » est en mesure de  faire apparaître ce que le travail humain a, tout à la fois, d’ancré et de dynamique, d’intime et de collectif, de singulier et d’universel. 

Pierre Madiot, le 11 mars 2022

Retrouvez les premiers récits dans ce dossier

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