Être à son compte, travailler pour soi, c’est le principal, même si nous n’avons pas de gros revenus. C’est notre choix de vie !

Stéphane, fabricant de jouets en bois – Salers Août 2022

Propos recueillis par Roxane et mis en texte par Christine – février 2023

Stéphane dans la petite Fabrik

Nous fabriquons les grands classiques du jouet en bois comme le petit pic-vert qui descend sur son « tronc », des yoyos, des puzzles, des petites voitures… Ils existaient il y a bien longtemps, nous ne les avons pas inventés. Mais nous avons tâché de dépoussiérer le genre en y mettant notre patte. Nous avons créé un petit robot de bois tout articulé en 2017. Pour lui, ça a vite bien marché. Il y a eu un vrai engouement de la part des adultes alors que les autres jouets sont plutôt destinés à la petite enfance, de 0 à 6 ans. Ma compagne a créé « les jouets de Fanny » en 2010. A l’époque, j’étais artisan en menuiserie traditionnelle. J’avais appris la menuiserie un peu par défaut parce que je ne savais pas quoi faire. Et puis j’y ai trouvé quelque chose qui m’a vraiment plu. Aujourd’hui, nous sommes tous les deux dans le même bateau, nous fabriquons des jouets en bois dans la vallée de la Jordane, à trois-quarts d’heure de Salers. 

Contrairement à Fanny pour qui les jouets sont une histoire de famille, je n’y avais pas d’attache. Elle a grandi avec des parents qui collectionnaient les vieux jouets. Son père avait de l’or dans les mains. Il était capable de travailler du bois, du métal; il savait tout faire.  Elle a pris le côté manuel de son père ; ça se reflète dans ce qu’elle est et dans ce que nous faisons. La création est surtout le domaine de Fanny. Elle apporte les idées et nous créons. Notre entreprise de jouets est son univers. Nous essayons de faire un maximum de choses à deux, même si chacun a forcément des tâches qui lui sont dévolues. Je suis plutôt à l’atelier bois et à la fabrication machine et Fanny plutôt au niveau de la finition et de l’assemblage.

Nous utilisons principalement trois essences de bois massif différentes : le merisier, le hêtre et le frêne. Ce sont des bois locaux et PEFC 1. C’est impératif dans notre démarche de petite entreprise éco-responsable. Avant nous il y a les bûcherons qui extraient le bois de la forêt et qui l’apportent à la scierie pour qu’il sèche. C’est là que nous achetons notre matière première : des planches brutes. Dans l’atelier, je commence par débiter la planche, c’est-à-dire enlever toutes les parties du bois que nous ne pourrons pas utiliser. Ensuite, je fais le corroyage : dégauchir le bois pour dresser l’une de ses faces et un chant, puis raboter l’autre face et l’autre chant pour avoir une épaisseur régulière et une section parfaitement rectangulaire. C’est ce qui se fait pour n’importe quelle fabrication en bois, que ce soient des escaliers, des tables, des volets ou du parquet. 

Les jouets bois

Ensuite, on bascule dans le monde du jouet avec la scie à chantourner. C’est une petite machine très utile pour les jouets en  bois. Sa lame est très fine, on dirait presque un fil. Mais c’est une vraie lame, avec des dents, qui permet de faire des découpes courbes. Aujourd’hui, nous sous-traitons une petite partie de notre travail à l’Atelier Ruault, basé à Egletons en Corrèze. Il fait de la découpe numérique, par exemple pour les puzzles. Cela nous aide à augmenter nos volumes de production afin de vivre de notre travail, tout en gardant une démarche artisanale et éthique. Cette année, nous avons embauché une salariée, sur certaines périodes. Elle me donnait un coup de main à l’atelier quand j’en avais besoin et prenait le relai avec Fanny sur les finitions. Nous souhaitons qu’elle revienne, pour trouver un peu de temps pour nous et moins subir notre travail. Vivre tout cela à deux de A à Z, sur le même projet professionnel et dans le même local ce n’est pas toujours facile. Nous avons un enfant de dix ans, et nous avons besoin de temps pour lui. Notre couple aussi a été trop souvent mis de côté au profit du travail. Ce serait certes, un grand soutien, pour nous, d’avoir quelqu’un en permanence à l’atelier. Cependant, notre entreprise ne le permet pas, pour l’instant. Nous tentons de trouver un juste équilibre entre vie professionnelle et vie privée.

Nous avons loué durant six ans nos locaux, une ancienne menuiserie, dont le propriétaire avait transformé les bureaux en habitation, avec l’atelier attenant. Il y a six ans nous avons pu acheter l’ensemble, les parties professionnelle et personnelle. Nous sommes heureux et fiers que notre projet autour des joujoux nous ait permis de faire ces acquisitions. J’en mesure tous les avantages, comme le fait de pouvoir sortir de notre salon et entrer directement dans l’atelier. Ce n’est pas non plus sans inconvénient. Le fait de toujours être sur le même lieu de vie et de travail, sans coupure, donne parfois la sensation de ne jamais s’arrêter. Pour couper, le mieux est de partir un peu, ce que nous ne faisons pas si souvent que ça.

Le matin à l’atelier, je commence toujours par boire un café, ce qui n’est pas très original. Puis j’attaque la boîte mail pour répondre aux clients, aux fournisseurs et sous-traitants. Ça me prend toujours du temps, même si avec Fanny nous essayons de bien communiquer sur ce qui a été fait et ce qui reste à faire. Nous avons aussi un site internet où nous faisons quelques ventes. Il y a donc régulièrement des colis à préparer. L’hiver nous participons à des salons et des marchés, avec des inscriptions à faire et des dossiers à remplir. Les collectifs sont une bonne solution pour la vente, mais ils nous prennent un temps considérable. Dans l’artisanat, il y a beaucoup d’activités et de choses à gérer simultanément. Il faut être multicarte entre la vente, la fabrication, la communication, l’administratif. Et maintenant, maîtriser le numérique.

Le principal pour moi est le fait d’être à son compte, de travailler pour soi. Sans la passion de Fanny pour les jouets en bois, nous n’aurions jamais tenu. Nous avons travaillé pour rien à nos débuts ! Même ceux qui nous suivaient ne comprenaient pas notre persévérance. Aujourd’hui, nous faisons cela depuis douze ans et même si nous ne roulons pas sur l’or, nous sommes heureux de vivre de notre passion. C’est notre choix de vie.

Stéphane
1 PEFC : programme de reconnaissance des certifications forestières. est une ONG internationale qui promeut la protection et la gestion durable des forêts à travers le monde. Elle compte près de 50 pays membres et plus de 303 millions d’hectares de forêt certifiés. Plus de 65 000 propriétaires forestiers et plus de 3 000 entreprises de la filière forêt-bois-papier sont certifiés en France.

…à suivre, avec le récit de Jennifer, couturière

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