Je fais, je défais, je refais et c’est comme cela que j’avance

Fanny, créatrice de bijoux macramé – Salers août 2022

Les créations de Fanny

Propos recueillis et mis en texte par Roxane – mars 2023

Quand je me suis installée créatrice de bijoux, je vendais sur les marchés, dans  des salons d’artisanat, un peu partout en France. En 2010 je crois, dans le Cantal, j’ai rencontré, notamment, Céline une potière et qui m’a proposé d’intégrer la Fabrik à Aurillac, une boutique collective d’artisans. J’y ai exposé mes bijoux en macramé, en dépôt-vente, en tant qu’invitée. Je ne tenais pas de permanence. C’était tranquille ! Au bout de quatre ans, l’équipe m’a dit “ Les invités normalement restent trois mois. On te propose d’intégrer la boutique en tant que permanente ou il faudra laisser ta place à d’autres invités….” 

Alors je me suis intégrée dans ce collectif qui fonctionne bien, où tout le monde est respectueux des autres, malgré nos différences. On sait se parler en cas de litiges. Ainsi ils m’ont amenée à la Petite Fabrik, boutique éphémère à Salers et j’y tiens des permanences, l’été, en alternance avec Fanny, Jenny, Karine et d’autres… J’habite dans le nord du Lot et comme il me faut presque deux heures pour venir à Salers, je reste deux jours,  je dors chez les copines à Salers et cela me donne un petit air de vacances !   

Moi je voulais voyager. Avant j’étais prof de français pour les étrangers, donc je suis partie en Amérique latine et là-bas j’ai découvert des artisans qui voyagent en travaillant. Certains font des bijoux en macramé ou en métal. J’ai trouvé ça génial. J’ai pensé : « je largue ma vie en France, je pars sans carte bancaire. » D’abord je me suis mise à faire des bijoux en métal et comme ce n’était pas mon truc, j’ai opté pour le fil. Au départ, le macramé en voyage était alimentaire. Revenue en France, j’ai continué. 

« Je monte la pierre, et je noue autour »

Dans la boutique, je fabrique un peu, parce que ma technique de nœuds et entrelacements peut se pratiquer partout. Je n’utilise pas d’outils, à part la main, avec mes doigts je noue des fils en coton ciré, qui donnent un tissage très fin. Ces fils mesurent un millimètre, voire moins. J’ai besoin de quoi d’autre ? D’une paire de ciseaux, d’un briquet pour brûler les fils et terminer l’ouvrage. Ce n’est pas du tout la même manière de travailler qu’avec du coton naturel ! Le macramé, style années 70, noué avec du coton un peu gros, devient tentures murales ou suspensions pour plantes, qui se terminent par des franges. Je n’ai jamais travaillé avec ces fils-là. Avant je ne créais que des petites boucles d’oreilles, des petits bracelets en série mais évidemment, ce que je préfère, ce sont des pièces uniques et notamment des colliers. Quand je crée une pièce unique,  j’ai au départ une inspiration.  Je me concentre, je fais un croquis. J’ai déjà déterminé la pierre qui va être centrale. J’utilise souvent des pierres semi-précieuses comme la serpentine, le  jaspe, l’améthyste, la labradorite, la pyrite, l’agate, toutes aux couleurs diverses, autour desquels j’entrelace mes fils.  Je les achète  chez un lapidaire qui les taille en cabochon. C’est le nom de la taille : une face plate qui va être contre la peau et une bombée. Elles peuvent être  en forme ronde, carrée, ovale ou en forme de goutte. Je monte la pierre, en la fixant sur un socle et je noue autour. Comme je n’ai pas de dessin très précis, j’improvise, j’essaye de coller au maximum au croquis que j’ai fait. Je choisis le  nœud, qui va donner un rendu compact ou ajouré. Comme j’ai le nez dessus, régulièrement, je me détache, je prends du recul. Si ça ne me plait pas, je repars en arrière et je recommence. C’est comme cela que j’avance : je fais, je défais, je fais, je défais… Ce qui me déplait au début peut me plaire une fois le bijou complètement terminé. Je passe énormément de temps sur une création. Si c’est une grosse pièce, comme un collier, il me faudra quelques cinquante heures. Puis, si je le refais à l’identique quinze heures suffisent. La création, c’est le plus intéressant. En ce moment, je ne me sens pas trop épanouie. Je passe mon temps à faire des petites boucles d’oreille, des petits bracelets, qui se vendent bien, mais qui restent alimentaires et « je ne m’éclate pas vraiment ». J’aimerais bien reprendre des croquis, de mes carnets et me consacrer plus à la création. Mais avec ma petite fille, je cadre mes horaires, je n’ai plus le temps, je me concentre sur l’alimentaire.  

J’habite une petite maison et mon atelier de 15 m², lumineux, est en face. Il y a des tables partout, un coin bureau, des étagères… avec du fil, du fil. C’est en général très désordonné donc je démarre toujours  par le  rangement. L’hiver, quand j’y pénètre, je commence par faire du feu dans mon poêle à bois. Je travaille à peu près de 10 heures du matin à 16 heures avec un repas « sur le pouce ». J’essaye de ne pas me disperser en partant faire une lessive ou une autre tâche domestique. Ma petite fille étant à la crèche, je peux bosser. Avant il m’arrivait de commencer à midi et de travailler jusqu’à 3 heures du matin. J’aime bien travailler la nuit.  

Créer, certes, c’est mon métier mais je suis aussi chef d’entreprise, même si elle est toute petite. J’ai des obligations que je n’aime pas forcément : comptabilité, communication, vente, administratif, gestion des stocks, des fournisseurs. Quand je regarde les artisans qui sont en couple, ou en collaboration, ils ont chacun leur rôle, mais moi je ne pourrais pas travailler avec quelqu’un. Il faudrait que ce quelqu’un me gère moi et mes retards, mes désordres… en auto-entreprise je m’auto-admoneste et c’est très bien. Si je développais mon affaire, ce serait par le biais de quelqu’un qui vendrait mes productions, comme dans  les boutiques de dépôt-vente et qui les valoriserait  mieux que je ne le fais. Je suis très mauvaise à la vente, c’est un métier qui n’a rien à voir avec la création. Mais, il est vrai que dans la Fabrik, petite ou grande, à Salers ou Aurillac, je m’y sens bien.  

Fanny

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