Septembre 2023, nous avons presque oublié les seize semaines de confinement de 2020, l’actualité de la rentrée est celle du Pacte enseignant : combien l’auront signé ? Sans surprise, nous n’en saurons pas davantage sur ce qu’est le travail consistant à enseigner et à étudier, à l’école, dans le secondaire ou à l’université. Martine nous propose de revisiter quelques récits de ce travail de profs et d’élèves.

Amaury, professeur d’Histoire et Géographie raconte : « La seule chose que, bien souvent, les élèves connaissent de Saint-Nazaire c’est le Lycée et ses alentours, le Super-U voisin où ils vont acheter leur Coca, et le trajet qui va de chez eux à la Cité scolaire. En fait, certains n’ont strictement aucune perception de la ville, de l’espace, de l’estuaire. Ils visualisent leur ligne de bus et ont une représentation des endroits qu’elle traverse, et c’est à peu près tout. Donc, à chaque rentrée, dans le cadre des « groupes de spécialités », nous organisons avec des collègues une sortie « découverte de la ville ». Une centaine d’élèves, répartis en groupes différents, doivent repérer des lieux et les présenter après avoir effectué les recherches qui permettent de comprendre leurs évolutions. […] J’accueille les élèves du lycée Aristide Briand de Saint-Nazaire. Ils viennent d’un périmètre très large puisque cet établissement est le seul lycée public du bassin. C’est une population mixte, composée, de manière prépondérante, d’enfants d’ouvriers et d’employés. Mon lycée fait partie d’une « cité scolaire » qui, sur une surface d’une dizaine d’hectares, regroupe, à la périphérie de la ville, un lycée général et technologique de 2000 élèves de second cycle, 500 élèves de classes d’enseignement post-bac, un lycée professionnel et un Greta. De l’autre côté de la rue, un collège voisine avec ce qu’on appelle « la plaine des sports » qui comprend piscine, terrains de sports et palais des sports. L’ensemble constitue une sorte de vaste campus. Les élèves du lycée général fréquentent peu ceux du lycée technologique à l’intérieur duquel il existe aussi une sorte de hiérarchie entre par exemple STMG (sciences et technologies du management et de la gestion) et STI (sciences et techniques de l’industrie).Le lycée Aristide Briand est un peu à l’image des Chantiers navals qui dominent Saint-Nazaire. Les élèves sont d’origines variées et se dirigent davantage qu’ailleurs vers les séries technologiques, mais ceux qui décrochent une entrée dans une école d’ingénieurs ne sont pas une exception. Les élèves étudient dans une bonne ambiance. Je les trouve généralement calmes et respectueux, sympas. Je peux faire cours. Je ne perds pas je ne sais combien de temps à essayer de ramener le calme pour en avoir trois qui écoutent. ».
Si ces lycéens proviennent de milieux favorisés ou de classes moyennes supérieures, par contre, Thierry, directeur d’une école faisant partie du Réseau d’Éducation Prioritaire dans les quartiers ouest de Saint-Nazaire (La Bouletterie, la Chesnaie et La Trébale) accueille des élèves dont les familles se trouvent en-dessous du seuil de pauvreté. Ils vivent dans un habitat essentiellement collectif (HLM) entrecoupé par des ensembles pavillonnaires implantés entre les différentes cités, même si depuis une quinzaine d’années, dans la recherche d’une plus grande mixité sociale, les quartiers de la Bouletterie et de la Chesnaie bénéficient d’un effort de rénovation de l’existant, et de l’édification de constructions nouvelles. « J’ai pris en charge cette fonction de direction depuis une quinzaine d’années et suis totalement déchargé de cours depuis cette rentrée. J’ai choisi de m’investir dans cette fonction parce que je trouvais intéressant de coordonner, d’animer, d’avoir toutes les informations et d’être vraiment impliqué au sein d’une équipe dans une école. Au départ, c’est plutôt la fonction qui me tentait comme prolongement de mon métier d’instituteur. J’ai choisi cette école parce que j’avais un passé en éducation prioritaire et que j’avais envie de poursuivre dans cette voie. J’ai estimé que j’avais une expérience qui pouvait être intéressante pour mes collègues. C’était plutôt pour l’aspect éducation prioritaire que pour le lieu. Il y avait aussi la proximité de mon domicile, sans que je veuille forcément habiter dans le lieu où je travaille, mais j’habite et je vis à Saint-Nazaire depuis vingt-cinq ans ».
Mickael, lui est membre de l’équipe éducative au Lycée Expérimental de Saint-Nazaire et nous raconte son travail dans un lycée qui ne ressemble pas à un lycée, à commencer par les bâtiments. « Quand on arrive par le Boulevard qui conduit au port tout proche, on tombe sur une des rares façades de la ville qui ont été épargnées par les bombardements de la Seconde Guerre mondiale. Il s’agit de l’ancien Hôtel Transatlantique qui, avec le Grand café situé à cent mètres d’ici, est un bâtiment typique du Saint-Nazaire du XIXe siècle. Dans ce lycée, les élèves sont invités à s’approprier les lieux, les cours ne sont pas vraiment des cours. J’anime la plupart du temps mes activités pédagogiques en compagnie d’un enseignant d’une autre discipline suivant les sujets que nous abordons. Cette approche pluridisciplinaire est le propre d’« ateliers » qui rassemblent un même groupe d’élèves, chaque matin, autour d’un même sujet pendant deux semaines. Le lot quotidien des élèves et des enseignants pendant toute l’année scolaire n’a rien à voir avec un lycée traditionnel. C’est, ensemble, qu’ils élaborent un emploi du temps, composent les groupes de travail, investissent l’espace, choisissent leurs activités pédagogiques, mais aussi assurent l’entretien, la cuisine, le budget. Et enfin capitalisent les acquis dans un document personnel et élaborent un mode de restitution – écriture, vidéo – pour l’ensemble du lycée. En effet, l’idée est qu’entrer dans ce lycée c’est accepter de s’embarquer ensemble dans une aventure de formation multidimensionnelle à l’intérieur d’un établissement scolaire qui est bien plus qu’un lieu de passage temporaire et anonyme puisqu’il est, en quelque sorte, un lieu de vie non hiérarchisé même si rien ne permet de confondre élèves et enseignants. L’équipe éducative ne comporte pas de proviseur, ni de surveillants ni de CPE. Il n’y a pas d’agents d’entretiens ni d’employés de cuisine, ni d’ouvrier d’entretien. Il n’y a que des enseignants cooptés en raison de la nécessité d’adhérer à nos principes de fonctionnement ».
Ces trois enseignants ne nous parlent pas des conséquences qu’a eu le confinement. Mais, vous pouvez lire (relire) des témoignages d’enseignants et d’étudiants qui racontent leur expérience de travail du temps de la Covid, en tant qu’enseignant ou étudiant .
« Au début de cette année, la première fois que je suis allée récupérer le groupe d’une quinzaine de cinquièmes à qui j’enseigne la Langue et Culture Antique (LCA), j’ai vu arriver une bande d’élèves à l’état brut, qui ignoraient les codes du collège, qui sautaient partout. Il a fallu les calmer: « On attend, on s’assoit, on sort ses affaires, on prend le temps ». Je les place en îlots et on commence par des petits jeux pour faire en sorte qu’ils interagissent. Puis je distribue un document en format A3 à chaque groupe et on répartit les rôles… Là, tout se complique à nouveau : « Pourquoi je n’ai pas une feuille pour moi ? » Puis au moment de la mise en commun : « C’est pas moi qui ai écrit ci… C’est pas moi qui ai dit ça… ». Ce ne sont pas des élèves particulièrement en difficulté mais ils ne s’écoutent pas, ne savent pas travailler ensemble » nous a dit Sophie, enseignante en collège.
Et William, lycéen en première expliquait : « Pendant ces mois de confinement, je me levais un peu plus tard que d’habitude vers 8 heures 30. Je déjeunais, m’habillais comme si j’allais à mon lycée, je ne passais pas la journée en pyjama… J’assistais aux cours puis je mettais à plat ce que l’on avait abordé et j’avançais ensuite sur le travail à faire. Après le déjeuner, je faisais une petite pause puis je me remettais au travail en milieu d’après-midi mais aussi parfois après le diner ».
Anne-Charlotte, étudiante en médecine poursuivait : « À la rentrée de septembre 2020, les cours n’ont pas repris en présentiel, on s’en doutait. Des groupes de visio ont été mis en place. Je suis maintenant en quatrième année. C’est mieux organisé mais l’enseignement reste compliqué. Tout le monde a essayé d’y mettre du sien. Chaque semaine, je reçois le planning établi à l’avance. Chaque prof fait cours tous les jours dans une salle pendant deux heures devant son écran, filmé par la webcam de son ordinateur et retransmis par Skype. Il parle tout seul, il ne nous voit pas (nous sommes soixante par groupe). Il parle devant un mur. Grâce au chat, on peut échanger. Même pour eux, ce n’est pas vraiment évident ; je pense qu’ils en ont gros sur la patate… On peut voir le diaporama, et le prof dans une toute petite fenêtre, mais ça ne marche pas tout le temps. Comme il y a des profs qui ne savent pas faire, il y a des appariteurs qui gèrent la logistique, mais ils ne peuvent pas être partout quand les profs se plantent ! Au tout début les personnes en fracture numérique avaient le droit d’aller à la fac mais il n’y avait que deux ou trois étudiants qui y allaient, maintenant il n’y en a plus du tout »
Personne n’évoque sa classe surchargée, le manque d’enseignants, ou le respect de la laïcité à l’école. Peut-être de nouvelles interviews et des récits à écrire….
Martine
Retrouvez d’autres récits du travail des enseignants et de leurs élèves dans notre dossier « Enseigner, chercher, étudier« .
En savoir plus sur La Compagnie Pourquoi se lever le matin !
Abonnez-vous pour recevoir les derniers articles par e-mail.