Post scriptum du 29 juin 2020, au texte du 11 avril, depuis le confinement je travaille beaucoup plus, mis en texte avec Jacques
Il y a eu plusieurs projets de plans de déconfinement à l’Éducation Nationale. Moi, j’étais d’accord pour reprendre si les barrières sanitaires étaient respectées et qu’on nous donnait des moyens. Très vite, le lycée a essayé de recenser les lycéens qui seraient d’accord pour revenir. Finalement, on a décidé de ne faire revenir que ceux qui risquaient de ne pas avoir leur examen pour les booster un peu pour le rattrapage de début juillet. On a aussi cherché à rattraper les lycéens en difficulté pour les sortir de chez eux et leur expliquer par exemple les gestes barrière.
Nous avons eu des consignes pour les notations. En gros, l’élève qui a été présent au lycée depuis septembre est sûr d’avoir son bac. Nous avons reçu des consignes de bienveillance. Exemple : une épreuve de contrôle continu comptant pour le bac n’a pas pu se tenir. Comme je n’avais pas non plus de notes pour le deuxième semestre, on m’a dit de mettre la note du premier semestre assortie d’une plus-value pour ceux qui ont joué le jeu pendant le confinement. Il ne fallait pas pénaliser ceux qui n’avaient rien fait, car on suppose que s’ils n’ont rien fait c’est qu’il ne pouvaient pas. En gros, ceux qui avaient 7 au premier semestre, s’ils m’ont rendu un devoir pendant le confinement, ont 10. Ceux qui avaient 12 et qui n’ont rien fait ou ont été absents gardent leur 12. Ça fait office de note pour l’examen, c’est pareil pour toutes les matières. Quand on n’a pas de note, on bidouille. On nous a expliqué qu’on devait être dans l’école de la bienveillance. Des élèves nous appellent pour nous demander s’ils ont le bac, mais on ne peut pas leur dire puisque nous attendons la délibération du jury. De toute façon, nous les profs, nous ne faisons que des propositions de notes, cette année comme les années précédentes. Bien sûr, cette année, c’est un peu du foutage de gueule, mais on a l’habitude.
Concrètement, j’ai lâché l’affaire depuis 3 semaines sur les exercices envoyés par mails parce que les élèves n’envoient plus rien. Ils n’en peuvent plus et on peut le comprendre. Je suis allée au lycée mais je n’avais pas d’élèves. Je ne suis pas une matière à examen pour le rattrapage et le coefficient est faible. Les élèves m’ont donc complètement zappée. Pour les CAP, qui n’ont plus qu’une épreuve facultative avec moi, je compte pour du beurre. Mon époux, qui les a en mécanique, a essayé de leur donner des travaux à faire, mais il y a zéro retour. Ce n’est pas parce qu’ils ne veulent pas, mais parce qu’ils ne savent pas. Exemple : à un document de travail qu’il avait envoyé, un élève lui a répondu seulement “merci”. Ils ne savent pas ouvrir leur PC ni utiliser la tablette donnée par le conseil régional. Il était question qu’on les forme au lycée, mais le wifi ne marche pas pour le moment … peut-être à l’horizon 2022. A signaler, j’ai eu la semaine dernière deux heures de formation informatique en présentiel pour mieux utiliser le cahier de texte en ligne.
L’Éducation Nationale fait donc cadeau aux élèves de leur examen cette année. J’ai peur pour l’année prochaine : tous les enfants vont avoir automatiquement leur passage en seconde. Comme ils préfèrent le lycée général au lycée professionnel, ils vont tous passer en filière générale, mais beaucoup vont se ratatiner parce qu’ils ne vont pas arriver à suivre. Et nous, en filière pro, on n’est pas sûrs de remplir nos sections, car ils ne viendront pas de leur plein gré s’ils ne sont pas orientés vers nous. La rentrée risque donc d’être très compliquée en termes de niveau et d’effectifs pour les lycées professionnels.