Soigner le cancer 11/20 « Il se joue ici quelque chose d’essentiel »

Isabelle, secrétaire médicale dans les unités d’oncologie et d’hospitalisation complète

Quand les gens entrent dans le service d’hospitalisation complète, il leur est difficile d’éviter le comptoir du secrétariat de l’étage. Les visiteurs s’arrêtent pour me demander s’ils peuvent voir tel patient. Ils vérifient le numéro de sa chambre. Parfois, je les vois passer plusieurs fois, ils hésitent, comme s’ils ne savaient pas par où commencer.

Plus les malades sont hospitalisés longtemps, plus les familles sont présentes, avec des visites de plus en plus longues. Ils ont besoin d’aller prendre l’air, ils passent une première fois, une deuxième fois.Certains baissent la tête, ils savent que le secrétariat est là mais ne veulent parler à personne, ou bien ils prennent un air affairé, comme s’ils cherchaient quelque chose. Alors je leur indique l’emplacement du salon des familles, au cas où ils voudraient se poser un peu.

[…]

J’ai l’exemple d’une patiente que j’avais déjà vue en consultation, au rez-de-chaussée, et qui avait dû être hospitalisée. Et voilà qu’en synthèse, on nous apprend qu’il faut passer aux soins palliatifs. Donc on arrête tous les traitements. Le lendemain, la famille se présente au secrétariat : « On ne comprend pas, il y a arrêt des traitements. On n’arrive pas à croiser quelqu’un qui pourrait nous expliquer. » […] J’ai donc pris rendez-vous avec le médecin de l’étage pour qu’il s’entretienne avec les proches de la dame. […] Dans d’autres cas, il faut simplement qu’on sache si le patient peut ou non recevoir des visites. Certains sont fatigués ou bien en examen. Quand on en discute entre nous, on se dit que si on ne répond pas aux patients et à leurs familles de manière adaptée, ils vont rester avec leurs questions. Et ce sont des questions graves, impérieuses.

Au petit matin, mon épouse semble dormir paisiblement. Trop paisiblement. En réalité, un léger râle m’alerte à la fin de chaque expiration.

Je sais ce que cela signifie. C’est déjà arrivé au même stade d’une chimio précédente : je n’avais pas réussi à la sortir de son sommeil. Au téléphone, l’infirmière coordinatrice avait été nette et précise : « Il faut appeler le 15. » Cette fois, je ne perds pas une seconde. L’ambulance arrive sans tarder avec un médecin. C’est un samedi, les gens affluent aux urgences sans discontinuer : des grippés, des blessés, des enfants, des anciens… On prend mon épouse en charge immédiatement. Naloxone. Elle se réveille un peu. Cela ressemble à une surdose de morphine… […]

 Rapidement, les premiers signes d’une nouvelle perte de conscience se manifestent. Le médecin est alerté, un nouveau protocole est aussitôt déclenché. Transfert au service de soins continus.

Au bout de plusieurs jours de soins intensifs, c’est l’admission au troisième étage du service d’oncologie, en hospitalisation complète.

Pierre, accompagnant

Retour vers soigner le cancer 10/20: Marine, assistante sociale

À suivre, soigner le cancer 12/20 : Flavie, aide-soignante en oncologie

Soigner le cancer, avant-propos par Pierre Madiot, présentation du livre à paraître aux Éditions de l’Atelier

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