Soigner le cancer 12/20 – « Dans sa bulle elle était bien »

Flavie, aide-soignante en oncologie

Il y avait la petite musique, une lumière un peu tamisée, quelques décorations… La dame à qui j’ai donné une balnéothérapie s’est détendue. Le contact avec l’eau lui permettait de renouer avec des sensations oubliées. Dans sa bulle, elle était bien. Quand je l’ai ramenée dans sa chambre, elle m’a dit : « Ah… pendant ce moment-là, j’ai oublié que j’étais malade… ».

Deux fois par mois, je prodigue des soins de bien-être dans le service d’oncologie, en hospitalisation complète : massages, maquillages, soins de visage, balnéothérapies, poses de vernis à ongles. Le but est d’essayer de raccrocher les patients à eux-mêmes, de leur donner l’occasion de se retrouver malgré la maladie, les traitements, l’environnement hospitalier.[…] 

Il y a eu aussi cette dame très faible et très douloureuse que j’ai emmenée à la balnéo. Son mari était présent. Il m’a demandé s’il pouvait entrer. Sa femme était bien, détendue dans la baignoire… Elle avait le sourire. Le monsieur est ressorti en larmes, ému et heureux d’avoir vu sa femme aussi apaisée

[…] J’interviens aussi dans des  ateliers de soins du visage destinés aux patientes atteintes d’un cancer du sein et qui suivent un traitement par hormonothérapie.  […] La dernière fois, une des femmes est venue avec sa perruque. Quand elle l’a retirée pour les soins du visage, on a vu que ses cheveux repoussaient un peu. Ce n’était pas très épais mais tout le monde trouvait qu’elle était bien comme ça. Pourtant, elle tenait à remettre sa perruque: « Ça me protège. J’ai l’impression que les gens ne voient pas que je suis malade. » Ses copines ont insisté: « Attends un peu, l’aide-soignante va d’abord te maquiller… » Je me suis exécutée. En définitive, la dame est repartie avec son postiche, mais elle l’avait mis dans un sac… « Finalement, je me trouve belle comme ça ». J’ai trouvé magnifique d’obtenir ce résultat. C’est pour ça que je fais ce travail. Ça me fait du bien à moi aussi…

Je sors et me retrouve dans un long couloir éclairé par un mur de baies vitrées dont l’appui intérieur forme une sorte de banc. Je peux m’asseoir là en attendant. La forme du bâtiment a permis de donner à ce lieu de passage des allures de coursive incurvée et lumineuse. La courbe qu’il épouse nous épargne la perspective désolante des enfilades rectilignes dont le point de fuite semble irrémédiablement condamné à se perdre dans des lointains indéchiffrables. 

Là se croisent des visiteurs isolés, d’autres en grappes silencieuses, des soignants en blanc qui poussent leur chariot médical surchargé de matériels et d’écrans d’ordinateur, les agents de service qui roulent la cantine du repas ou des chariots de linge. Ce n’est pas un mouvement continu, plutôt des allers et retours, des piétinements, des conversations feutrées devant des portes qui s’ouvrent sur d’autres patients, d’autres familles, et qui se referment. C’est une animation à la fois paisible et inquiète.

Pierre, accompagnant

Retour vers soigner le cancer 11/20 : Isabelle, secrétaire dans les unités d’oncologie et d’hos^pitalisation complète

À suivre, soigner le cancer 13/20 : Sandra, infirmière en oncologie et en hôpital de jour

Soigner le cancer, avant-propos par Pierre Madiot, présentation du livre à paraître aux Éditions de l’Atelier

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