Les gens sont souvent étonnés de découvrir que l’hôpital possède une pharmacie. Pourtant, nous sommes quarante à y travailler et nous alimentons les services de la cité sanitaire en médicaments, dispositifs stériles, solutés… et également en chimiothérapies. L’industrie du médicament commercialise des formes concentrées – souvent inadaptées à une administration directe – qu’il faut diluer dans des solvants avant de les envoyer dans les services destinataires.
Ces substances ont une marge thérapeutique étroite : la dose toxique est proche de la dose thérapeutique. En grande majorité, nous ne les fabriquons pas à l’avance, mais en « extemporané », c’est-à-dire immédiatement après la prescription médicale et juste avant l’injection au patient. Ces produits dangereux sont traités dans un service intégré à la pharmacie : l’unité de reconstitution centralisée des chimiothérapies, l’URCC. Toute la difficulté, c’est de travailler rapidement parce que le médecin vient de prescrire et que le patient est présent et attend sa cure.[…]
Un été, nous avons connu une rupture de carboplatine, une vieille molécule de base en chimiothérapie. Là, l’oncologue a dû éplucher le planning de la semaine suivante pour décider à quels patients on administrerait ou pas du carboplatine. C’est difficile. Cependant, nous avons la chance d’avoir un système de santé formidable. […] Je voudrais que les gens prennent conscience de la chance que l’on a de ne pas être dans un pays où il faut presque vendre sa maison pour se soigner. Il faut qu’on défende et préserve ce système. En revanche, la production de médicaments a beaucoup été sous-traitée à l’étranger, par exemple en Inde ou en Chine. De ce que j’en sais, […] la France n’est pas desservie en priorité par les fournisseurs. C’est pourquoi je pense que l’on aurait intérêt à ramener cette fabrication chez nous en France […]
J’ai la chance d’être dans un domaine innovant, où l’on développe sans cesse de nouvelles thérapies, de nouvelles perspectives. J’ai l’impression que ça progresse, c’est encourageant.
Émilie, pharmacien hospitalier
On s’installe. Le manteau est accroché dans le placard dont on sort un plaid molletonné. On règle le dossier et le relèves-jambes électriques du fauteuil de soins dans lequel j’aide mon épouse à s’allonger.[…] La table est installée face à la fenêtre, tout près du fauteuil de soins. J’y dispose mon ordinateur portable, un livre, une revue de mots fléchés. Nous sommes là pour quelques heures… En attendant les poches de perfusions préparées par la pharmacie de la Cité sanitaire, mon épouse s’endort, sa main posée sur la mienne…
Au pied de ma chaise, le sac bleu qui nous accompagne à chaque séance contient le classeur remis lors de la consultation d’annonce ainsi que deux dossiers renfermant les résultats d’analyse et quelques prescriptions importantes. Il y a aussi un livre de Pierre Desproges et un cahier où l’on inscrit, jour après jour, la liste de tous les médicaments pris, et en particulier l’heure et la dose des antidouleurs. Il y a enfin un gros agenda où sont reportés tous les rendez-vous.
Pierre, accompagnant
Retour vers soigner le cancer 8/20 : Marie, infirmière en hospitalisation de jour
À suivre, Soigner le cancer 10/20 : Marine, assistante sociale
Soigner le cancer, avant-propos par Pierre Madiot, présentation du livre à paraître aux Éditions de l’Atelier