Le patient avait très peur de la première perfusion. Il était tellement terrorisé que j’aurais préféré qu’il soit placé sous hypnose. Mais l’infirmière formée dans ce domaine n’était pas disponible. Alors, je me suis dit qu’il fallait que je lui parle pour lui faire oublier où il était, que je l’emmène ailleurs.
Tout en préparant mon matériel, j’ai donc lancé la conversation. Quel était son métier ? De quelle région était-il originaire ? C’était Chartres. On a parlé de la cathédrale. On s’est complètement échappés du service. Alors qu’on était en pleine discussion je lui ai posé l’aiguille sans qu’il s’en rende compte : « Ça y est, c’est parti, ça démarre ». Je lui ai expliqué qu’il y aurait plusieurs produits à injecter et que je repasserais pour changer les poches… « Comment ? Je suis perfusé ??? » Il n’en revenait pas, mais, désormais, il savait que ça ne faisait pas forcément mal. Dans le couloir, la psychologue à qui j’ai raconté mon intervention m’a dit : « Eh bien voilà, tu lui as fait une séance d’hypnose »…
[…] Quand ils commencent le traitement, ils ne sont pas bien, certains sont en colère contre ce qui leur arrive, ils ont du mal à essayer d’aller de l’avant. Mais, s’ils ne se laissent pas submerger par la maladie, ça ne dure pas. Peu à peu, ils affrontent le cancer en face parce qu’il faut vivre avec. Alors, ils arrivent avec le sourire, ils vous demandent comment vous allez. Ils vous donnent tous des leçons de vie énormes. Ce qui leur procure ce courage, c’est la vie. Celle des enfants, des petits-enfants, des amis autour… Et la leur, parce qu’il y a toujours de l’espoir. C’est ça qui me donne de l’enthousiasme. Je me dis que ce n’est pas évident de savoir qu’on ne va pas forcément guérir, qu’on a des risques de partir bien avant le terme qu’on avait imaginé, qu’il y a certainement des choses qu’on rêvait de faire et qu’on ne fera pas… Pourtant, ils arrivent avec le sourire, ils avancent. Et j’avance avec eux.
Marie, infirmière en hospitalisation de jour
[…] Au bout d’un long moment, une infirmière entre en prenant son temps, derrière un chariot chargé d’un impressionnant matériel de soin. C’est une jeune femme châtain au sourire paisible. Elle se présente. Pour répondre à l’appréhension de mon épouse, elle parle d’une voix presque maternelle, avec ce qu’il faut de fermeté et de douceur. Elle ne se presse pas, tout en expliquant ce qu’elle va faire. […] Enfin, vient le moment d’enfoncer la courte aiguille droit dans la chambre implantable qui fait une saillie sous la peau. Malgré le patch analgésique qui a insensibilisé la zone, mon épouse se crispe. Tout son corps est concentré sur ce point où va être introduite la pointe acérée. Elle ne peut pas… Me demande d’approcher. J’enfile un masque et lui tiens la main. Une grande respiration. C’est fait. Vérifications, réglages, pansement pour arrimer l’appareillage. La perfusion est lancée. On laisse avec regret l’infirmière s’éloigner. Reste à laisser les produits perfuser.
Pierre, accompagnant
Retour vers soigner le cancer 7/20 : Catherine, oncologue médicale
À suivre, soigner le cancer 9/20 : Émilie, pharmacienne hospitalière
Soigner le cancer, avant-propos par Pierre Madiot, présentation du livre à paraître aux Éditions de l’Atelier