Soigner le cancer 7/20 – « Que vont-ils faire de ce que je leur ai dit? »

Catherine, oncologue médicale

[…] Comme tous mes collègues oncologues, je suis très attachée à la confiance qu’on me donne […]. Notre relation avec chaque patient atteint du cancer nous met en jeu, sans doute plus que dans d’autres spécialités. Quelque chose de fort se passe avec ces patients que nous prenons en charge au moment où ils viennent de perdre l’insouciance de ceux qui n’ont pas encore été confrontés à leur propre mort, à l’instant où leur vie est en train de basculer.

A nous de les conduire, à travers les traitements, vers une amélioration, une guérison ou vers une aggravation jusqu’à une issue fatale. Même si je parviens à éradiquer la tumeur, je ne pourrai jamais leur dire qu’ils sont guéris à cent pour cent.  Rien ne sera plus comme avant parce qu’ils auront fait l’expérience de la proximité de la mort. Une telle expérience change votre perception de la vie et de l’avenir. Vous ne pourrez pas l’occulter, à moins d’être dans le déni. Or, le déni permet parfois d’avancer. Nous, cancérologues, nous savons qu’on ne doit jamais détruire les défenses des patients. S’ils sont dans le déni c’est qu’ils en ont besoin. Le jour où ils seront prêts, ils viendront vers vous pour vous dire : « Eh bien voilà, est-ce que je vais mourir ? » Mais, tant qu’ils ne l’ont pas demandé, c’est qu’ils ne sont pas capables d’entendre la réponse. Il ne faut pas les forcer. 

[…] Dans mon travail, les moments les plus agréables sont évidemment les consultations avec les patients qui entrent en rémission durable ou qui guérissent. Ces histoires de vie sont d’autant plus marquantes que je les suis pendant plus de 5 ans. Ils viennent me voir chaque année pour confirmer leur rémission ou leur guérison. Entre oncologues, on appelle ça les « consultations de repos ». Ils vont bien, on va leur donner de bonnes nouvelles. Ils nous racontent alors comment ils ont repris leur vie, leur travail. Ils nous parlent de leurs enfants. On les aide à reprendre pied dans leur vie quotidienne. Ils sont confrontés à beaucoup d’obstacles pour vivre une vie normale, pour retrouver du travail. […] 

Catherine, oncologue médicale

Le docteur C., oncologue médical, est concentré sur son écran d’ordinateur. Les analyses de sang sont plutôt bonnes : globules et plaquettes n’ont pas diminué de façon incompatible avec la poursuite du traitement. Les autres paramètres n’indiquent pas de dénutrition notable ni aucune anomalie alarmante. Nous lui parlons du manque d’appétit, des nausées, de la fatigue. Tout cela est normal. Il s’enquiert du moral : « On tient le coup ». Il avertit que la fatigue va s’accentuer encore et esquisse un sourire : « Tout cela se passe au mieux… Vous supportez bien le traitement. Allez marcher dans la forêt d’Escoublac, ça vous fera du bien et vous serez à l’abri du soleil ». 

[…] Son regard se perd un instant dans le lointain… Enfin, il consulte la grande fiche verte cartonnée sur laquelle sont reportées toutes les données, chimio après chimio. Il y inscrit la formule du traitement du jour. Son sourire plisse ses yeux au moment où il se lève pour prendre congé. « Vous n’avez pas de question ? »  […]

Pierre, accompagnant


Retour vers soigner le cancer 6/20 : Sabine, pharmacien de ville 

À suivre, soigner le cancer 8/20 : Marie, infirmière en hospitalisation de jour

Soigner le cancer, avant-propos par Pierre Madiot, présentation du livre à paraître aux Éditions de l’Atelier

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