« Je veille à faire en sorte que les manipulateurs aient le temps suffisant »

Gwénaelle, secrétaire chargée de la programmation en radiothérapie – Les inédits de « l’urgence c’est de vivre »

Je suis manipulatrice en radiothérapie, quand je travaillais encore en postes de traitement, il m’est arrivé que des patientes me sautent au cou à la fin de leur cycle de soins. Elles me faisaient un gros bisou avec des larmes plein les yeux: « Vous allez me manquer ». J’ai eu aussi des patients agressifs, dont la prise en charge n’était pas simple. Mais depuis deux ans, du fait de soucis de santé importants, je ne manipule plus ni en poste pour l’administration des rayons, ni au scanner. Maintenant, je gère la programmation des traitements par irradiation. Pour cela, je crée le planning de toutes les séances de radiothérapie, une par une, en faisant coïncider les contraintes liées  d’un côté à la vie sociale de chaque patient, et de l’autre aux multiples impératifs du traitement lui-même. 

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« Les effets s’amplifient au fur et à mesure des séances »

Mélissa,  manipulatrice en radiothérapie – Les inédits de « l’urgence c’est de vivre »

Après avoir rencontré le médecin radiothérapeute, le patient est invité à venir consulter un manipulateur qui lui détaillera le déroulement et les étapes du traitement prochain. Lorsque je reçois un patient pour une telle consultation, je lui explique qu’il passera d’abord un scanner de repérage. Les images en trois dimensions qui seront alors obtenues permettront de déterminer la balistique du traitement et la position dans laquelle il sera placé sur la machine. Il sera, par exemple, allongé sur le dos, avec un oreiller sous la tête, tandis que ses pieds seront calés dans un repose-pied… Il ne devra pas hésiter à dire comment il se sent ainsi parce qu’il sera installé dans la même position à chaque séance.

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« Je choisis la technique d’irradiation la plus judicieuse »

Anne-Sophie, dosimétriste – Les inédits de « l’urgence c’est de vivre »

Mon travail de dosimétriste consiste à  calculer de quelle façon sera délivrée la dose d’irradiation que le radiothérapeute a prescrite pour un volume à traiter, tout en préservant au mieux les tissus sains du patient. 

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« Jusqu’à quelle limite de risque j’accepte d’aller, et pour quelle perspective de bénéfice ? »

Franck, médecin radiothérapeute – Les inédits de « l’Urgence c’est de vivre »

Dans les films de science fiction des années 1980 comme Blade runner, on voit des patients sur leur table d’opération, entourés par des robots qui s’agitent pour les soigner. Fiction d’auteurs imaginatifs ? Il semblerait plutôt que, d’un point de vue technique, la réalité d’aujourd’hui ne soit pas très éloignée de cette vision. Jusqu’au début des années 2000 en France, on utilisait des machines au cobalt – les fameuses « bombes au cobalt » – qui, à l’aide d’un simple piston, propulsaient une source radioactive au-dessus du patient pour exposer sa tumeur aux rayonnements ionisants.

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« Je donne une nouvelle vie à des objets abandonnés. »

Karine Céramiste plasticienne – Salers août 2022

Propos recueillis par Roxane et mis en texte par François – mars 2023 

Créations à partir d’objets récupérés

Petite fille, comme beaucoup d’enfants, je passais mes vacances chez mes grands-parents. Ils habitaient un petit hameau à l’écart de tout. Cependant il y avait ce qu’à l’époque on appelait un dépotoir. C’était pour moi un terrain de jeu et je m’y rendais avec mon grand-père. Nous récupérions de vieux objets que les gens avaient abandonnés. À  la maison, il les rafistolait pour en faire des jouets, des trottinettes… Je sais que mon activité d’aujourd’hui a un lien avec ces moments partagés. Prendre des objets que je trouve beaux même s’ils sont oxydés et abîmés est passionnant. Leur usure, leur patine sont la marque du temps et je discerne un vécu, une histoire, une époque. Outre leurs formes, j’apprécie tout particulièrement les objets qui ont conservé un peu de leurs couleurs, surtout quand elles sont vives. Par expérience, je sais qu’ils vont m’offrir plus de chance d’aboutir à une création qui va me satisfaire. Ainsi, je donne une nouvelle vie à des objets abandonnés, des objets qui ne servent plus.

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“C’est une très belle chose de devoir prouver à l’autre parce que ça oblige à se  prouver à soi-même. »

Jennifer couturière – Salers août 22

Propos recueillis et mis en texte par Roxane – novembre 2022

Jennifer dans la boutique de Salers

Nous ne connaissions pas du tout le Cantal, ni famille, ni amis. Nous avons regardé le taux d’ensoleillement, le taux de pollution et nous y sommes partis en vacances, par deux fois. Ça nous a plu. Conquis, on s’y est installé. La raison majeure ? C’était surtout ma fille… elle  est asthmatique. Ça explique beaucoup de choses ! À Lille où nous habitions, la pollution était terrible. Ici, ma fille va beaucoup mieux. Au fil du temps, j’ai pensé que notre intégration était dûe à nos enfants. Nous avons  été bien accueillis dans notre village,  tout de suite, à l’école, nous  avons rencontré  d’autres parents et nous nous sommes fondus dans un petit groupe d’amis. Et ça a continué. Un jour, en me baladant à Aurillac, dans les rues, j’ai vu : « La Fabrik », une boutique d’artisans créateurs. Vivement intéressée, j’ai postulé pour exposer mes produits en tant que couturière. C’était en 2017 et, dans le même temps, je créais ma marque : « Coquinette et Coquinou ». Coquinette ma fille et Coquinou mon garçon, c’est des petits surnoms qui disent bien ce qu’ils veulent dire. 

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Être à son compte, travailler pour soi, c’est le principal, même si nous n’avons pas de gros revenus. C’est notre choix de vie !

Stéphane, fabricant de jouets en bois – Salers Août 2022

Propos recueillis par Roxane et mis en texte par Christine – février 2023

Stéphane dans la petite Fabrik

Nous fabriquons les grands classiques du jouet en bois comme le petit pic-vert qui descend sur son « tronc », des yoyos, des puzzles, des petites voitures… Ils existaient il y a bien longtemps, nous ne les avons pas inventés. Mais nous avons tâché de dépoussiérer le genre en y mettant notre patte. Nous avons créé un petit robot de bois tout articulé en 2017. Pour lui, ça a vite bien marché. Il y a eu un vrai engouement de la part des adultes alors que les autres jouets sont plutôt destinés à la petite enfance, de 0 à 6 ans. Ma compagne a créé « les jouets de Fanny » en 2010. A l’époque, j’étais artisan en menuiserie traditionnelle. J’avais appris la menuiserie un peu par défaut parce que je ne savais pas quoi faire. Et puis j’y ai trouvé quelque chose qui m’a vraiment plu. Aujourd’hui, nous sommes tous les deux dans le même bateau, nous fabriquons des jouets en bois dans la vallée de la Jordane, à trois-quarts d’heure de Salers. 

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Il fallait que j’ose faire ce que j’aime

Fanny, créatrice des  » Jouets de Fanny » – Salers, août 2022

Propos recueillis et mis en texte  par Roxane – Février 23 

Fanny dans la petite Fabrik.

Mon papa, sur son lit d’hôpital, m’a dit : « Vas-y, fonce, moi j’aurais rêvé faire un truc comme ça !» Lui, il était mécanicien auto, doué de ses mains. Il bricolait tout : sculpture, électricité, bois… Il était fort en tout ! Quand j’étais petite, je le suivais sur les brocantes, les bourses d’échanges et je voyais ses yeux de collectionneur pétiller devant les jouets anciens, les Dinky Toy, les automates… De son lit, il disait « Parle-moi des jouets. Je t’aiderai, je te donnerai des conseils.» Et moi à son chevet, je lui racontais la création des « Jouets de Fanny ». On était en novembre 2010. Et j’étais libérée : j’avais choisi et j’avais l’aval de mon père.

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Une lutte de tous les instants pour maintenir le meilleur service

Sébastien cheminot

Parole recueillie le 22 septembre 2022 par Jacques et Pierre, mise en récit par Pierre

Le TER 58041 à la gare de Donges

À la SNCF, je fais partie de la catégorie des agents de circulation. Autrefois, on nous appelait les « aiguilleurs ». Donc je change les trains de voies, je gère les incidents, depuis 2003 où je suis arrivé sur le bassin. J’étais aussi anciennement secrétaire du syndicat des cheminots de Saint-Nazaire, maintenant j’en suis le trésorier. En tant qu’agent de réserve, je peux intervenir sur le territoire des gares de Montoir-de-Bretagne, de Pontchâteau et celle de Donges qui va fermer à partir de demain soir à cause des travaux de contournement de la raffinerie Total. 

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Le maître-mot est bien “solidarité”

Marie, intervenante sociale d’une communauté Emmaüs

Parole de mars 2023, recueillie par Pierre et mise en récit par Martine

Trier, réparer, stocker, vendre, ou donner aux plus démunis

Pour un compagnon d’Emmaüs, la démarche de venir à mon bureau est quand même particulière, un peu symbolique. C’est parfois une marche élevée à franchir. Pour que ce soit plus facile, je laisse ma porte continuellement ouverte ; quand elle est fermée, ce qui est rare, c’est que suis en train d’effectuer des démarches et que je ne suis pas dérangeable. Il y en a qui m’envoient un petit SMS ou qui me téléphonent : « Est-ce que je peux monter te voir ? ». Je dis souvent aux compagnons que j’ai toujours les petits bonbons au miel de ma grand-mère. Certains arrivent avec leur café dans mon bureau. C’est génial ! C’est souvent un moment convivial. « Allez, assieds-toi. Comment ça va en ce moment ? » On peut venir y pleurer – la boîte de mouchoirs est là – mais parfois aussi annoncer des bonnes nouvelles, discuter, manger un petit bonbon et voilà… Mes journées sont rarement très organisées. Je laisse beaucoup de place à la spontanéité et à l’informel parce que c’est autour de ça qu’il y a beaucoup de choses qui se passent. Il ne faut pas qu’on entre dans mon bureau comme on se rend à un guichet. 

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La « Fabrik » : un collectif d’artisans associés pour tenir boutique

Stéphane, artisan associé de la Fabrick, Salers août 2022

Parole recueillie par Roxane et mise en texte par Christine – février 2023

Dans la « petite Fabrik », à Salers

L’association « La Fabrik » a été créé il y a dix ans. C’est le nom de notre collectif d’artisans et aussi celui de notre boutique. Au départ, les collègues étaient cinq. Lorsque nous avons intégré le groupe Fanny et moi, avec nos jouets en bois, nous sommes arrivés dans le nouveau local, beaucoup plus grand que le premier. Aujourd’hui, nous sommes dix artisans qui nous relayons pour tenir nos boutiques, « la Fabrik » à Aurillac depuis 2012, à laquelle s’est ajoutée « la petite Fabrik » à Salers, en 2017. Bali Coco fait de la maroquinerie. Paul, lui, travaille le noyer. Il fait des lampes, des planches à découper et aussi du bijou : des bagues en bois. « Coquinette et coquinou » fait de la couture zéro déchet. Céline est potière. Karine travaille à partir de boîtes métalliques qu’elle recycle et sculpte. Fanny crée des bijoux en macramé. Marianne travaille le tissu, des sacs, des vêtements. Elle travaille beaucoup avec des troupes de théâtre. Nous exposons aussi, en dépôt vente, les créations d’autres artisans.  

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La bibliothèque des Chantiers est un endroit magique !

Corinne, bibliothécaire aux Chantiers de l’Atlantique

Parole de novembre 2022, recueillie par Pierre et mise en récit par Martine

Éléments de bateau en construction, entreposés près de l’entrée de la médiathèque du CSE

Je suis bibliothécaire, au comité d’entreprise des Chantiers de l’Atlantique qui comportent à peu près 3000 salariés et 7 à 8000 sous-traitants.
Avec ma collègue, nous aurions aimé faire une belle inauguration de nos nouveaux locaux, en février 2020. Mais à peine quinze jours après l’ouverture, on se retrouvait confinés. On n’a pas pu prendre nos marques avec nos adhérents. Ensuite, on a fonctionné sur le mode  “drive” pour permettre aux emprunteurs de récupérer les documents qu’ils avaient réservés. Les gens n’avaient pas la possibilité de découvrir ce nouveau bâtiment. Il a fallu une bonne année avant qu’ils puissent s’approprier le lieu, et nous aussi. 

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Les usagers ont besoin d’être autre chose qu’un cas parmi d’autres

Claudie, employée aux impôts à Saint-Nazaire

Parole de mai 2022, mise en récit par Pierre

L’Hôtel des finances de Saint-Nazaire

Chez nous, aux impôts, c’est comme dans tous les autres services publics de Saint-Nazaire : il n’y a pratiquement plus d’accueil. Pourtant, la plupart des services qui ont un rapport avec le public sont regroupés au centre-ville, avenue du général de Gaulle. Il y a là le service des entreprises, le service des particuliers, la trésorerie de l’hôpital, la trésorerie municipale, la trésorerie des impôts. Le fait d’avoir réuni ces services sur le même lieu devrait logiquement simplifier les démarches. Sauf qu’il n’y a pas assez de personnel, que les horaires d’ouverture ont été fortement réduits et que certains services ne reçoivent pas. Auparavant, les Impôts étaient ouverts toute la journée avec juste la coupure du midi. Quand les Nazairiens allaient au service des demandes de HLM, juste à côté, ils venaient chez nous demander un double de leur feuille d’impôt. Je ne trouvais pas ça anormal. Mais il paraît que ça dérange. On a dû cesser de faire des photocopies pour les gens. Maintenant, les usagers ne peuvent plus venir que le matin de 8h30 à midi.

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Libraire engagée dans la ville

Agathe, libraire indépendante en SCOP

Parole de novembre 2022, recueillie par Pierre, mise en récit par Christine

 » Notre logo associe un petit bateau en papier et un livre. « 

« L’Embarcadère » : c’est ainsi que nous avons baptisé la librairie, Sarah, moi et l’association « Des Voix au chapitre » quand nous l’avons créée il y a huit ans. Notre logo associe un petit bateau en papier et un livre. C’était une manière de nous ancrer dans le territoire en référence à son passé, à la construction des bateaux, au port d’où ils partaient : c’est tout un imaginaire. Quand nous avons réaménagé la librairie, les architectes du collectif « Fichtre ! » ont choisi de faire un clin d’œil à Saint-Nazaire, ville reconstruite. Pour le premier meuble qu’ils nous ont fabriqué, ils se sont inspirés des architectures de la reconstruction d’après-guerre, comme celle de Le Corbusier. Ils ont donc dessiné de grands plateaux et des poteaux, avant d’y mettre les murs et les escaliers. Les intercalaires qui soutiennent les livres ont tous une découpe un peu fantaisiste. Ils ont créé une espèce d’atlas de formes géométriques que l’on trouve dans l’urbanisme de Saint-Nazaire. Quand c’était vide, cela ressemblait à une maison de poupée, on avait envie d’y mettre de petits personnages. Cela ne saute pas aux yeux depuis que nous les avons remplis avec les livres, mais c’est notre particularité.

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“C’est vrai qu’il y a une certaine fierté. J’ai envie de dire : Voilà, je travaille là…” 

Magali travaille sur le site du terminal méthanier de Montoir-de-Bretagne

Parole de septembre 2022, recueillie et mise en récit par Pierre et Jacques

Le terminal méthanier de Montoir, vu de Saint-Brévin
Par Jibi44 — Travail personnel, CC BY-SA 4.0,

À partir du moment où je suis devenue technicienne de maintenance électrique au terminal méthanier de Montoir (voir encadré), mon territoire mental a complètement évolué. Je suis passée d’un bureau un peu étriqué à un périmètre élargi : celui de l’ensemble du terminal situé au bout d’une route en bord de Loire. C’est un lieu paradoxal puisqu’il est à la fois exposé à tous les vents et strictement fermé au public. Qui veut pénétrer dans ce site Seveso doit y être invité, sinon, il n‘entre pas. Tout juste compte-t-on, parmi les véhicules autorisés, le camion qui vient livrer la restauration méridienne – il faut bien nourrir les troupes… Tout véhicule qui entre en zone gaz, doit être équipé d’un coupe batterie. Pas possible, non plus, d’entrer avec un smartphone.

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Ici, accueillir, c’est dans l’ordre des choses

Claire, salariée à « La Fraternité », association nazairienne

Parole d’octobre 2022, recueillie par Pierre et mise en récit par Dominique

« La Fraternité » est une association de Saint-Nazaire, d’obédience protestante, qui assure un accueil de jour pour des personnes en grande précarité ou en grand isolement : des gens de la rue qui vivent dans des parkings souterrains, dans des squats dispersés à travers la ville ou qui se regroupent sur le parvis de la gare toute proche de nos locaux. Certains campent sur des terrains en se cachant. Nous accueillons aussi des personnes âgées très isolées ou des personnes en difficulté psychiatrique pour qui c’est un peu la sortie de la journée. On ne sait pas toujours ce qui leur est arrivé ; d’ailleurs, on ne le leur demande pas. Ce sont parfois des gens malades, victimes d’addictions, notamment à l’alcool, ou de troubles divers. Par exemple, en ce moment, on accueille un monsieur qui, tout en suivant une chimiothérapie à l’hôpital de jour, vit dans la rue avec son chien. Un jeune majeur, victime de multi-traumatismes liés à l’exil, est lui aussi dans la rue ; ce qui, comme pour tous ceux qui sont dans la même situation, ne fait qu’aggraver sa grande fragilité psychologique. Sur la quarantaine de personnes accueillies chaque matin de huit heures à midi, sauf le mardi, la moitié sont des sans abri. 

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Quand les lycéens découvrent leur ville

Amaury, professeur d’Histoire et Géographie au lycée Aristide Briand de Saint-Nazaire.

Parole de novembre 2022, mise en texte par Pierre

Le lycée Aristide Briand

J’enseigne l’Histoire et la Géographie au lycée Aristide Briand de Saint-Nazaire. Depuis les salles de classe orientées au sud, j’aperçois les portiques des Chantiers de l’Atlantique. Contrairement à beaucoup d’endroits en France où les gens s’imaginent que toutes les usines ont été délocalisées en Chine, ici, les élèves voient l’industrie. 

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« C’est tout un travail d’aller vers les familles, et c’est très difficile »

Thierry, directeur d’école dans un Réseau d’Éducation Prioritaire

Parole du 20 septembre 2020, recueillie par Pierre et Jacques, mise en texte par Christine

À la Chesnaie
À la Bouletterie

À Saint-Nazaire, on dit « les quartiers ouest » pour parler de la Bouletterie, la Chesnaie et La Trébale. Là, vit une grande partie des familles de la ville qui se trouvent en-dessous du seuil de pauvreté (1). Cet habitat essentiellement collectif (HLM) est traversé par de larges avenues et est entrecoupé par des ensembles pavillonnaires implantés entre les différentes cités. Depuis une quinzaine d’années, dans la recherche d’une plus grande mixité sociale, les quartiers de la Bouletterie et de la Chesnaie bénéficient d’un effort de rénovation de l’existant, et de l’édification de constructions nouvelles. 

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Le territoire intime de l’ordinateur

Monica, technicienne de maintenance en informatique

Parole de septembre 2022, recueillie par Pierre et mise en récit par Roxane

Le « cloud », un grand mystère

Aujourd’hui, tout se fait sur internet. Des déclarations d’impôts aux cartes grises en passant par les créations de mots de passe, la vérification des comptes bancaires, des retraites… Les particuliers de la région nazairienne chez qui je vais pour dépanner l’informatique sont majoritairement des retraités qui non seulement veulent comprendre ce qu’il se passe avec leurs sous, mais pouvoir effectuer tranquillement leurs démarches administratives. Les enfants sont loin ou ne veulent pas s’occuper de l’ordinateur de leurs parents. Ou bien, s’ils le font, ils n’expliquent rien. «On ne va pas les déranger avec ça !» se résignent les parents. Mais à n’importe quel âge, l’ordinateur reste une machine compliquée. On m’appelle beaucoup pour des petits dépannages : des lenteurs, des manques de connexions, des opérations de transfert de photos du Smartphone vers l’ordinateur. Les gens aiment bien constituer des albums même s’ils ne vont jamais regarder leurs photos. Le grand mystère reste le Cloud. Ils n’y comprennent rien.  C’est compliqué de mettre à jour la sécurité d’un compte bancaire. L’idée est de leur montrer comment faire pour qu’ils se débrouillent sans moi.  

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La direction n’aime pas que les travailleurs se regroupent

Jean-François, salarié aux Chantiers de l’Atlantique

Parole de juin 2022, mise en texte par Pierre

Du côté des bureaux d’études

De chez moi, sur les hauteurs du quartier de l’Immaculée, je peux voir les bateaux qui dominent les immeubles, quand ils sont dans la forme Joubert. Et, sur la gauche, je peux apercevoir les barres rouges des portiques. Tous les jours, je traverse la ville pour me rendre dans un bâtiment qui, sur le « rond-point de l’ancre » fait face à celui de la direction des Chantiers de l’Atlantique, côté bassin. Là je rejoins mon poste de travail dans le bureau d’études au service électricité. Ce service est chargé entre autres de concevoir les installations qui, en fond de cale, vont fournir plusieurs dizaines de mégawatts dont 80% seront utilisés par les moteurs de propulsion électrique. C’est souvent le même rituel : je dépose ma veste, je fais chauffer la bouilloire et je vais dire bonjour à ceux qui sont arrivés. Quand j’ai commencé aux Chantiers, il y a trente-deux ans, il était de bon ton de faire le tour du bureau et de taper la discute. À cette époque, il y avait même le “Ouest-France” et le “Presse-Océan” qui étaient ouverts. On se serrait la louche, on lisait le journal jusqu’à 8h – après avoir pointé – certains faisaient les mots croisés, on prenait le café et on papotait sans aller directement au travail. 

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Aux Urgences de l’hôpital public se croisent des gens qui ne se seraient jamais rencontrés ailleurs

Fabien, infirmier aux Urgences de l’hôpital de Saint-Nazaire

Parole du 19 septembre 2022, recueillie par Pierre, mise en texte par Christine

En quinze ans d’exercice aux urgences, je n’ai jamais observé de conflit entre les patients. Pourtant, nous accueillons des populations très différentes, qui ne se côtoient pas ailleurs. Il y a des personnes en grande précarité dans les quartiers populaires de Saint-Nazaire, Trignac ou Montoir. Comme à Beauregard, un ensemble HLM des années 70, ou à Prézégat, un quartier qui se trouve derrière la gare, où vivent de nombreuses communautés issues de l’immigration, notamment une grosse communauté sénégalaise. Autour de ce quartier complètement enclavé, ce sont des champs : on est dans une sorte de cul-de-sac privé de  communication avec les autres quartiers de la ville. L’importante activité industrielle de la région nazairienne , qu’on ne retrouve pas forcément ailleurs, concentre sur l’ensemble de ce territoire une grosse population ouvrière qui travaille dans l’aéronautique, aux Chantiers de l’Atlantique, à la raffinerie et dans les usines de la zone portuaire. Il y a aussi, comme partout, des travailleurs des services, des jeunes, des retraités… Les plus aisés sont plutôt sur la côte, à la Baule, au Pouliguen, ou à Pornichet. Et tout ce gentil monde se croise aux Urgences.

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Faire du lien

Damien secrétaire de l’Union Locale CGT de Saint-Nazaire

Parole de septembre 2022, mise en texte par Pierre

Un paquebot par-dessus les toits

Quand je circule à vélo dans les rues de la ville de Saint-Nazaire, j’aperçois souvent, en fond de paysage, au-dessus des toits, un inhabituel immeuble à balcons. C’est un paquebot en phase de finition, amarré dans un bassin du port. Au bout de quelques semaines, il disparaît. Puis un autre apparaît à un autre endroit, près d’un autre quai. On ne peut pas les rater. Leurs structures en acier dominent la ville. Saint-Nazaire est indissociable de cette image liée à la construction navale. 

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La confiance se met en place petit à petit

Marie psychologue du personnel dans un hôpital psychiatrique

Parole du 6 mai 2022, mise en texte avec Roxane

À l’automne 2021, dès que je suis arrivée sur mon poste (c’est une création) de Psychologue clinicienne du travail, j’ai lancé une note d’information  pour que les agents de l’hôpital psychiatrique où je travaille me connaissent et m’identifient. Les agents c’est le personnel soignant et tous les autres : personnels administratifs et techniques. 

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À Saint-Nazaire, un lycée qui ne ressemble pas à un lycée

Mickael, ME (Membre de l’Équipe éducative) au Lycée Expérimental de Saint Nazaire

Parole d’août 2022, mise en texte par Pierre

L’ancien hôtel Transatlantique, devenu le lycée expérimental de St Nazaire

Le lycée dans lequel j’enseigne les sciences de la vie et de la terre ne ressemble pas à un lycée. C’est un « lycée expérimental » qui fonctionne depuis maintenant 40 ans. Je suis entré dans cet établissement il y a une douzaine d’années après avoir exercé pendant quatre ans mon métier d’enseignant au collège expérimental Anne Franck du Mans. Auparavant, j’avais fait beaucoup d’animations et de théâtre auprès des jeunes dans le cadre de l’éducation populaire. Là, j’avais appris à accorder des responsabilités et de l’autonomie aux jeunes. L’idée était de les inciter à faire émerger les thématiques de travail, de construire du savoir à partir du concret et d’approches sensitives. J’ai donc été coopté au Lycée Expérimental à la fois pour aborder le monde des sciences et animer les activités théâtrales.

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P.S. « Même ceux qui auraient aimé effectuer plus de télétravail me disent combien ils sont contents de revenir sur le site, de retrouver leurs collègues »

Zoé, Chef de service dans une ONG internationale, représentante du personnel

Parole de mai 2022, collectée par Jacques, mise en texte par François

Ce texte est un post-scriptum au récit publié en juin 2020 : “le télétravail a supprimé toute créativité et fait du mal au collectif “ 

Avec près deux ans de recul, j’affirme que le télétravail nuit au collectif de travail. Nous ne sommes pas une entreprise de trois cents salariés mais une association qui réunit environ quatre-vingt-dix personnes, toutes basées à Paris. A mes yeux, le travail à distance porte atteinte aux liens entre les différents métiers ; il contribue à des cloisonnements qui sont dommageables. Depuis deux ans, hors des périodes de strict confinement, chaque responsable de service ou de pôle est invité à rassembler son équipe au siège au moins deux jours par semaine. Ces collectifs de cinq à vingt personnes n’ont pas trop souffert du télétravail, mais notre grand collectif oui.

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