Les narrateurs racontent comment ils font face, dans leur travail, à une situation d’actualité comme la crise sanitaire ou le travail à distance. Ou comment, par leur travail, ils contribuent à un enjeu de notre société, comme soigner le cancer. Ces textes sont publiés aussi dans la catégorie « histoires de travail », dans la rubrique correspondant à l’activité du narrateur
Ce qui ressort des récits de travail que nous avons déjà publiés
Ce qui ressort des récits de travail des personnes en situation de handicap est qu’un des effets de leur intégration au travail est de questionner la distribution des rôles, les hiérarchies, les procédures et, la plupart du temps, l’échelle des valeurs et le sens même du travail.
Stéphanie, fondatrice et directrice de l’association Française de l’Eczéma
Parole recueillie et mise en récit par Pierre
Représentation de « À fleur de peau » au Théâtre de la tour Effeil – 2024
À l’époque où je participais à des congrès de dermatologie alors que j’étais sujette à des crises d’eczéma, j’étais, parmi toutes les associations présentes, la représentante qu’on voyait le plus. Quand j’allais rendre visite aux autres congressistes sur leurs stands, ces derniers me parlaient vraiment de leur association et des actions qu’ils promouvaient. Mais, dès que je m’exprimais, l’attention se concentrait sur mon cas personnel. Cela résume assez bien les difficultés que j’ai constamment dû surmonter, et justifie le fait que l’eczéma soit reconnu comme maladie invalidante, classée « affection de longue durée ».
Parole recueillie par Martine et mise en récit par Martine et Pierre
L’école internationale de Lyon – Wikicommons
Mes collègues instits trouvent que j’ai une plus grande capacité qu’eux à repérer rapidement les élèves en difficulté. Ils disent que j’ai un super-pouvoir… Dans leur classe, ils peuvent voir tout ce qui se passe, déceler des choses sur les visages, mais ils ne peuvent pas regarder chacun des vingt-six élèves tout le temps… et ils n’entendent pas tout… Moi qui suis non-voyant, je repère les émotions, les états d’âme de tel ou tel élève, rien qu’à sa voix.
Jordan, agent de service au sein d’une maison de retraite
Parole recueillie par Martine, mise en récit par François, Martine et Pierre
Le maniement de l’auto-laveuse
Au début de mon travail d’agent de service en maison de retraite, la cadence était trop intense pour moi. Je m’efforçais de me concentrer sans arrêt pour bien réaliser ce qui m’était demandé : réceptionner le linge propre, le trier, le plier… Si les changements me troublent ou si me concentrer me demande plus d’efforts qu’aux autres, c’est que je suis classé comme autiste léger. Je souffre en effet de dysgraphie et de difficultés de langage. Compte tenu de mon handicap, le médecin du travail a proposé un emploi du temps aménagé. Je travaille cinq jours par semaine, du lundi au vendredi, pour un total de trente heures. Et je commence une heure plus tard que mes collègues, à sept heures trente.
Aujourd’hui, je peux dire que, dans mon travail, je tiens le rythme. Je m’adapte aux petits imprévus, mais si un changement intervient sans que j’aie été prévenu, ça me stresse. C’est par exemple le cas, quand je dois interrompre soudainement le maniement de l’auto-laveuse. Moi, j’aime bien pouvoir faire mon travail de manière organisée.
Vincent, technicien en laboratoire d’analyses biologiques
Parole recueillie et mise en récit par Pierre
« Je ne pouvais pas m’installer dans les grands open-spaces où le moindre virus se transmet à toute vitesse«
« On t’enlève du labo, on te met sur un ordinateur ». C’est la solution que mes employeurs ont proposée, il y a deux ans, quand, après avoir combattu un lymphome hodgkinien, je suis revenu travailler dans le laboratoire qui m’emploie. Ce cancer du sang, traité ordinairement facilement, avait été réfractaire aux traitements les plus efficaces. Il a fallu, pour le vaincre, passer par une autogreffe de moelle osseuse. Affaibli par les chimiothérapies et les divers traitements, avec des défenses immunitaires très déficientes, j’ai repris mon travail, en juin 2023, dans le cadre d’un mi-temps thérapeutique et sous le statut de « handicapé temporaire ». Non seulement, en effet, j’avais besoin d’un aménagement de poste pour m’aider à gérer la fatigue, mais il était hors de question de m’exposer aux risques biologiques évidents dans tout laboratoire d’analyses…
Une trentaine de récits à parcourir pour découvrir les liens entre Travail et Territoire
En mars 2022, la Compagnie Pourquoi se lever le matin publiait le premier d’une série de récits réalisés dans la région de Saint-Nazaire sur le thème Travail & Territoire, dans cette région ouvrière rurale et urbaine, en voici la liste
Parole recueillie, traduite et mise en récit par Pierre, Martine et Christine
Brahim sur un navire en construction. Au loin, le port de Saint-Nazaire
J’habite dans le sud de l’Espagne depuis que j’ai seize ans. Mon père y travaillait, et nous avons quitté le Maroc avec le reste de la famille pour le rejoindre. Maintenant, j’ai les deux nationalités et j’ai acheté une maison en Espagne. J’avais commencé ma formation de soudeur au Maroc, je l’ai terminée en Espagne et j’ai commencé à travailler à 18 ans. Depuis, j’ai travaillé dans toutes les régions d’Espagne, puis en Finlande, aux Pays-Bas, en France et ailleurs. Et me voilà depuis presque deux ans aux Chantiers Navals de Saint-Nazaire.
Le chantier ressemble à une sorte de Lego géant où l’on assemble des blocs qui sont des morceaux de paquebot. Les panneaux qui vont faire les blocs sont très grands et il faut y souder les tuyaux dans les trous prévus. Je soude les tubes et quand j’ai fini mon travail, la grue se saisit du bloc entier et le pose sur le bateau Et ainsi de suite. Après, quand les panneaux sont installés, je monte raccorder leurs tuyaux.
On voit les grandes entreprises, mais pas les sous-traitants qui représentent un part énorme de leurs emplois
Avant d’être éducateur spécialisé en contrat à durée indéterminée, puis d’affronter de graves soucis de santé qui ont abouti à un licenciement pour inaptitude, j’avais connu des périodes de chômage parfois très longues, très éprouvantes, entrecoupées de petits contrats d’animateur socio-culturel et de périodes où j’exerçais en tant que remplaçant. Mon état de santé s’étant aggravé, je bénéficie aujourd’hui d’une pension d’invalidité. Heureusement, les soins que j’ai suivis me permettent de mener maintenant une activité de militant à l’union locale du syndicat et d’accepter un statut qui fait que je ne suis ni à la recherche d’emploi ni salarié. Revenir au chômage, c’est quelque chose qui me fait très peur.
Quand P a débarqué en 2019 à la « maison du peuple » de l’avenue Albert de Mun (MDP 2), qui servait de point de ralliement au mouvement des Gilets Jaunes, il était mineur et sans domicile fixe. Il avait été mis à rue par sa tante et il est arrivé avec le flot de ceux qui disaient : « On n’arrive pas à boucler les mois, on est dans une situation désastreuse ». Il y avait là des gens qui vivaient dans des voitures, dans la rue, beaucoup de jeunes. On n’a pas supporté l’idée que, le soir, on devrait fermer la porte de la maison qui nous servait de lieu de ralliement, en disant à ces gens d’aller dormir dehors et de revenir quand on rouvrirait le lendemain matin. Donc on a aménagé des chambres : « Installez-vous… ».
Parole de juin 2023, mise en récit par Dominique et Pierre
À Saint-Nazaire, un immeuble épargné par les bombes et ses récents voisins
Le métier que j’exerce aujourd’hui suppose de s’adapter en permanence aux clients et aux imprévus. C’est une occasion quotidienne d’apprendre. J’ai en effet créé mon entreprise il y a quelques années et je pilote désormais une activité dans le bâtiment et la rénovation, un secteur économiquement porteur, sur un territoire caractérisé par une grande diversité sociale et économique et une grande diversité de besoins. À La Baule, on n’a pas la même clientèle qu’à Saint-Nazaire, Montoir, Donges ou même Pontchâteau.
Virginie, agent d’accueil à la CPAM de Loire-Atlantique
Parole recueillie en septembre 2022 par Jacques et Pierre, mise en texte par Christine
La CPAM de Loire-Atlantique
Parfois, les gens nous voient encore à l’ancienne, comme le guichet de « la sécu » où l’on appelle : « numéro 302 ! ». En fait, ce n’est pas du tout ça. Je reçois les assurés comme j’aimerais être reçue. J’appelle la personne par son nom de famille, pas par un numéro. Plutôt que de l’attendre assise à mon bureau, je me lève pour aller à sa rencontre. Les situations auxquelles j’ai affaire sont très variées. C’est par exemple une dame qui vient parce que son mari est mort de l’amiante ; il s’agit d’un dossier de maladie professionnelle post mortem. Ça peut être une question d’affiliation, un enfant qui vient de naître ou un étranger qui arrive. Je peux m’occuper de la prise en charge des implants capillaires de quelqu’un qui a un cancer, d’un dossier d’invalidité, d’une rente d’accident du travail, d’un appareillage auditif ou d’une prise en charge d’orthodontie. Je me suis récemment occupée d’obtenir une aide extraordinaire pour un recours à une diététicienne, alors que cela n’est normalement pas pris en charge par la CPAM. Je prends la demande et j’essaye d’y répondre. Mais, la législation ne cessant d’évoluer, je me pose tous les jours de nouvelles questions, la plupart du temps très techniques. Il faut plus de six mois pour former un agent d’accueil.
Antoine, régisseur général à la mairie de Saint-Nazaire
Parole recueillie par Pierre et mise en récit par Jean-Pierre et Pierre.
Le VIP, scène de musiques actuelles à l’intérieur de la base sous-marine
Il n’y a pas de petite manifestation culturelle. Le régisseur général que je suis, au sein du « Service Technique Animation Régie Événementielle » de la mairie de Saint-Nazaire, sait qu’il y aura beaucoup de travail pour régler ce qui ne se voit pas derrière le moindre projet d’expo ou de spectacle. À côté de ce qui sera exposé à la lumière et aux regards, il y a toujours eu quelque chose que les organisateurs n’avaient pas prévu. Je suis du côté de la partie immergée de l’iceberg.
Propos recueillis et mis en texte par Roxane avril 2023
Christian devant sa boutique, à Salers
Quarante ans de chine sur les trottoirs et vingt-cinq à mon compte ! Dès le XIX°S. on parlait du métier de biffin, c’était ceux qui fouillaient dans les poubelles avec un crochet. Des chiffonniers. Puis on est passé à brocanteur. Lui il chine sur le trottoir, il va dans les maisons, sur les vide-greniers … Chiner c’est l’art de dénicher, quelque chose que personne n’a vu, qui a échappé aux regards scrutateurs. Chiner, c’est croire que l’on va trouver quelque chose d’incroyable. Quand j’étais jeune, j’étais passionné par le matériel de pêche. Et mon Graal fut de trouver, chez un ferrailleur, par hasard, dans un phare de DS, un moulinet de pêche exceptionnel. Celui-là même, que le plus gros collectionneur et écrivain de Paris, venu sur les lieux, n’avait même pas vu. Je l’ai acheté dix francs, ce n’était rien ! Chiner c’est aussi répondre aux appels pour expertiser une maison, en cas de succession. Chiner c’est découvrir des univers.
Thierry, tabletier en bois rares – Salers août 2022
Propos recueillis et mis en texte par Roxane – avril 2023
Thierry devant ses oeuvres
Mon métier porte le nom exact de tabletier. La tabletterie, comme la marqueterie sont des branches de l’ébénisterie. Tabletier c’est fabriquer de petits objets en matière dure, ivoire, corne, bois précieux, bois dur, ébène… Dans l’Antiquité les tabletiers fabriquaient des tablettes à écrire. C’était des petites plaques d’argile, de bois ou de métal, enduites d’une légère couche de cire sur lesquelles on écrivait. Puis avec le temps les tabletiers ont fabriqué, entre autres, les damiers, les échiquiers et sculpté leurs petites pièces dans le bois. J’avais 19 ans, en 1979, quand avec mes trois copains, nous ramassions dans les torrents des Alpes, des bois flottés.
Cécile, créatrice de fleurs en porcelaine froide – Salers août 2023
Propos recueillis et mis en texte par Roxane mars 2023
Cécile fabrique ses fleurs
J’habite et je vis à Salers depuis 2019. C’est un pur hasard. Quand j’ai voulu partir des Landes, suite à une erreur de casting relationnel, j’ai voulu revenir en Corrèze au plus près de la montagne. Ma fille, elle a 17 ans, étant revenue de chez son papa, j’avais repéré un lycée pas mal à Mauriac et lors de ma demande de HLM, une dame avec qui je suis restée longtemps au téléphone m’a dit : « J’ai quelque chose qui va être parfait pour vous, votre fille et votre gros chien… à Salers » J’ai dit oui tout de suite, sans visiter. Quinze jours après, j’étais là… dans ma cave, sans fenêtre. La plupart des boutiques de Salers sont les pas de porte d’anciennes boutiques des maisons renaissance, qui ouvrent sur la rue. J’allais la transformer en atelier boutique où aujourd’hui, je fabrique, expose et vends mes fleurs et bijoux en porcelaine froide.
Jean-Paul, agent consignataire au port de Saint-Nazaire
Parole mise en récit par François et Pierre
Le site portuaire de Saint-Nazaire – Montoir – Donges
La société d’agents consignataires au port de Saint-Nazaire travaille 24 heures sur 24, 7 jours sur 7. Ça ne s’arrête jamais. Un soir où j’étais d’astreinte, je reçois un appel. Il est 23 heures, je suis tout seul à la maison, devant mon petit écran. Le commandant d’un navire en attente sur rade a un problème. En raison du gros temps, le bâtiment au mouillage a tiré sur sa chaîne. L’ancre est accrochée au fond. L’équipage a les plus grandes difficultés à la relever. Il ne pourra donc pas monter au terminal à l’heure prévue pour décharger sa cargaison. Mon rôle d’agent consignataire, en tant qu’interlocuteur du bateau et de l’affréteur, est alors d’appeler la capitainerie du port pour signaler le problème. À partir de là, l’information est répercutée auprès des services qui s’occupent des opérations d’accostage et de la rotation des navires, afin que les répercussions de ce contretemps soient gérées au mieux.
Devant le siège de l’usine de Montoir, le « SO-30P Bretagne », un moyen courrier de 1947
Quand je suis entré dans la vie active, j’ai travaillé ici ou là dans le domaine de la chaudronnerie, du tournage, du fraisage. Un jour, je rencontre quelqu’un qui me dit : « Tiens, ils cherchent du monde à l’Aérospatiale ». Je ne savais même pas qu’il y avait cette entreprise dans la région de Saint-Nazaire – Montoir. Lorsque, venant de la Mayenne, j’étais arrivé dans la région en 1989 pour suivre mes parents du côté de Pontchâteau, on ne parlait que des Chantiers : « – Tu travailles où ? – Je travaille aux Chantiers de l’Atlantique… » À l’époque, il y avait plus de 10 000 personnes employées là-bas. L’image de la région, c’était celle des paquebots. En fait, j’ai été embauché à l’aérospatiale, dans l’usine de Montoir. Là, j’ai d’abord travaillé sur la zone des panneaux sous voilures avant d’être affecté à la fabrication de la « case de train » du programme Airbus A330. Cette « case » est l’endroit où les roues de l’avion viennent se loger après le décollage. Puis, j’ai passé quelques années sur la ligne d’assemblage du fuselage de l’A300. À la longue, j’ai eu des problèmes de dos et je me suis retrouvé dans un service adapté. J’ai alors repris des études et j’ai décroché un diplôme qui, parmi les 563 métiers répertoriés chez Airbus, m’a permis d’en choisir un qui soit compatible avec mes soucis de santé. Je suis donc maintenant technicien aéronautique – un « col blanc » – chargé de remédier aux défauts de montage et d’améliorer le process sur le programme des A350.
Propos recueillis par Roxane et mis en texte par Dominique, février 2023
Karine à son établi
Je fais des bijoux en argent et j’ai une boutique à Salers pour la saison d’été, dans une grange ancienne, superbement rénovée. C’est un très bel endroit, un peu caché, dans une ruelle qui aboutit à des escaliers. Le sol est pavé de petits cailloux polis, des pierres volcaniques et du basalte, qui sont assemblés en calade, c’est-à-dire sur la tranche sur une couche de chaux. C’est la deuxième année que nous y sommes installés avec Hubert mon conjoint, également artisan bijoutier, avec qui j’ai monté notre atelier suite à notre reconversion professionnelle il y a 4 ans.
Parole d’octobre 2022, recueillie par Pierre, mise en récit par Christine
Devant la gare SNCF
« Tu vois, c’est la dame qui m’emmenait à l’école quand j’étais petit » : c’est ce que j’ai entendu dernièrement dans la bouche d’un jeune homme qui montait dans mon bus avec son fils. Depuis trente ans que j’exerce ce métier, je fais un peu partie des murs. Il y a même des usagers qui m’appellent par mon prénom, surtout depuis la grève de 2004. Il faut dire que j’étais en première ligne pendant le conflit, qui a été très médiatisé. Des journalistes nous ont raconté que leur rédaction, comme lors de toutes les grèves, leur demandait d’interroger des usagers mécontents de notre arrêt de travail. Mais ils n’en trouvaient pas à Saint-Nazaire. C’était impressionnant de voir à quel point l’opinion publique était avec nous.
Propos recueillis et mis en texte avec Roxane – février 2023
Maryline et ses créations
Pascal, mon compagnon, a décrit comment nous sommes arrivés à Salers. J’ai envie d’en dire aussi quelques mots. Nous étions harassés, lassés des nombreuses expositions, pour vendre nos pièces. Nous avions besoin de nous sentir bien dans un environnement, d’avoir pignon sur rue et fidéliser ainsi une clientèle. Nous avons trouvé une boutique à Salers cette année-là. Dans un premier temps, nous y avons campé, entre le petit atelier de démonstration, l’espace d’exposition de nos produits et l’espace cuisine et commodités. On avait de l’eau chaude ! Le soir, on poussait nos pièces, nos créations, pour ouvrir le canapé-lit. C’était vraiment très dur de rester dans cette boutique jour et nuit au milieu de nos pièces, quand bien même les avait-on créées et aimées. On ne souhaitait pas trop investir, puisqu’on ne savait pas non plus où on mettait les pieds. Au bout d’une saison on a su : on avait bien vendu. Alors nous avons saisi des opportunités et nous nous sommes installés dans une petite maison à côté du magasin. Comme cela les deux vies travail et profession étaient bien différenciées.
Pascal, souffleur de verre au chalumeau – Salers, août 2022
Propos recueillis et mis en texte par Roxane – janvier 2023
Pascal et ses créations
Il y a de cela neuf ans, en balade dans le Cantal, nous nous sommes arrêtés à Salers. Là, un artisan travaillant la corne m’a suggéré de prendre une boutique dans ce village touristique. Intéressé, je l’ai cherchée et trouvée facilement. Avec Marilyne ma compagne, on s’y est installé sans trop prévoir d’y rester. J’ai tout de suite apporté mon petit matériel et je me suis mis à travailler dur pour avoir suffisamment de stock à vendre et combler les espaces, garnir les rayonnages. J’essayais de produire en même temps que je vendais. Je mangeais dans une petite cuisine aménagée au fond avec un petit coin toilette, je dormais sur un canapé que je déployais chaque soir. C’est dire la petite vie de saltimbanque !
Aurélie, guide-conférencière à « Saint-Nazaire Renversante »
Parole de février 2023, mise en récit par Pierre
Le car de « Saint-Nazaire Renversante » devant le terminal des conteneurs, vu du terminal roulier – Photo Farid Makhlouf
Les deux choses que je trouve fascinantes et que j’aimerais vraiment transmettre quand je fais visiter les Chantiers de l’Atlantique, c’est d’abord le rapport d’échelle entre l’objet monumental qu’est un paquebot et la main humaine de celui qui le construit ; puis tout le travail de planification que demande la fabrication de tels navires. J’aime conduire les visiteurs au pied de ces choses colossales et uniques pour qu’ils les voient en train de se faire. La première partie de la visite des Chantiers se passe dans un autocar qui emmène les passagers, entre le port et l’estuaire de la Loire, à travers les 120 hectares de l’entreprise. Ils aperçoivent à travers les vitres les différents ateliers. Ils longent les espaces où sont entreposés à ciel ouvert les morceaux de puzzles en acier destinés à être assemblés en « panneaux » puis en « blocs » qui sont autant de parties plus ou moins complètes des futurs bateaux. Puis les visiteurs sont bientôt invités à mettre pied à terre pour entrer à l’intérieur de la forme de montage.
Propos recueillis et mis en texte par Roxane – mars 2023
La boutique de Salers
Chaque été, nous nous installons à Salers jusqu’à fin septembre, et depuis 25 ans, vers la fin juillet, je laisse la boutique à S. mon épouse pour aller à Souvigny. Je suis un grand fidèle de la foire de Souvigny, pas seulement pour le business mais surtout pour l’ambiance.
Propos recueillis et mis en textes par Roxane, mars 2023
L’atelier
Je m’appelle S., maroquinière, je travaille avec mon mari Jean-Paul maroquinier, il m’a appris son métier. Quand je me lève le matin vers 7h 30, ma première préoccupation, après la douche, est de nourrir mes cinq chats. Ensuite je monte à l’atelier au second étage. J’y vais en chausson ! C’est dire combien mon travail s’entremêle avec mon quotidien. Je consulte notre liste de fabrication pour voir son adéquation avec notre stock et avec notre répartition des tâches. C’est souvent mon mari, Jean-Paul, qui va à la presse, c’est toujours lui qui a le rôle de découpe, et moi plutôt celui de la diminution d’épaisseur du cuir avec la refendeuse.
» Souvent, le dimanche, les jours fériés ou le soir à 22h30, elles montent des maquettes syndicales sur les droits des salariés à la Caisse d’épargne ou chez les fonctionnaires, et elles ont envie de pleurer. »
Je suis graphiste, maquettiste et dessinatrice de presse indépendante depuis 27 ans. Ça veut dire que j’ai connu le métier aux tous débuts d’Internet, du temps où les correcteurs et les rédacteurs en chef prenaient le RER pour se déplacer chez toi le jour du bouclage et que tu pouvais leur offrir un café et leur donner ton avis sur les articles du journal, mais ça, c’est de la vieille histoire. Entre les années 2000 et 2020, les travailleurs indépendants se regroupaient dans des bureaux partagés pour mettre en commun les frais de chauffage, d’Internet, d’imprimante couleur et de papier-cul. On pouvait faire de joyeuses mises en commun de professions précaires : illustrateurs, typographes, photographes, correcteurs, webmasters, éditeurs, réalisateurs, monteurs, iconographes, journalistes, militants associatifs… Parfois on avait même une salle de réunion !