Note de lecture de cet ouvrage qui va a rebours de bien des idées reçues sur les chômeurs.
Dominique Lhuilier, Dominique Gelpe, Anne-Marie Waser (Sous la direction de), Editions Éres, collection Clinique du travail, Toulouse, 2024, 316 p., 23 €.
Cette note de lecture nous amène à découvrir l’ouvrage, qui fait écho à plusieurs des récits que nous avons publiés, notamment ceux d’un chômeur, d’un salarié placé en « poste aménagé » et d’un médecin exerçant dans une PASS (les liens sont dans le texte). Pour poursuivre, voir aussi l’article de Dominique Lhuillier « Qui s’intéresse à la santé des chômeurs ? » paru aujourd’hui dans « The Conversation »
Un point de vue construit par Serge Jamgotchian à partir de sa pratique d’évaluation des risques professionnels
La crise d’attractivité que traversent les établissements et services sociaux et médico-sociaux à but non lucratif est largement partagée et documentée. Les difficultés de recrutement et de fidélisation se traduisent notamment par un accroissement du nombre d’intérimaires. Cette perte d’attractivité serait-elle le symptôme d’une perte de sens au travail si ce n’est d’un mal-être ou d’une souffrance au travail ? N’est-elle pas également le signe d’une transformation des trajectoires professionnelles et de nouvelles aspirations des salariés ? En quoi l’évaluation et la prévention des risques psychosociaux en s’inspirant des « ergodisciplines » peut-elle concourir à rendre plus attractifs ce secteur et les métiers du « prendre soin » ? En définitive, il ne semble pas possible, ni souhaitable, d’espérer restaurer l’attractivité des structures du « prendre soin » si l’on ne prend pas soin des institutions dont c’est le métier et de celles et ceux qui y travaillent.
Avec le film Petites mains (sous-titré : La lutte avec classe), sorti le 1er mai, tout un symbole !
Je suis ressortie de la salle le cœur gros comme ça avec l’impression d’avoir reçu une grande claque.
Des histoires parallèles se croisent. Le travail réel des femmes de chambre dans les suites du palace et celui de celles qui font le piquet de grève devant le palace ; les femmes de chambres, les internes (en CDI) et les externes, (en sous-traitance) ; les amours, les vies de couple, les vies familiales des personnels / personnages ; la femme de chambre expérimentée (interne), qui jamais ne fait grève et qui doit s’enquiquiner à former une petite jeune qui vient d’arriver (externe), embauchée pour « casser la grève » ; le bagagiste qui a la chance de plus que tripler son salaire car il est en contact avec le riche client (« 500€ pour changer la chaîne de la télé ») et les femmes de chambre, invisibles, qui ne gagnent que 12€ par « unité » de 45 minutes ; le client qui débourse « 16€ pour un coca, 74€ pour un sandwich club de pain de mie » ou l’équivalent, pour une nuit, du salaire annuel d’une femme de chambre ; la « vieille » femme de chambre qui fait tout pour dégoûter la jeune qui vient d’arriver : « Mais qu’est-ce tu fous là ? », sous-entendu, à ton âge, tu ferai mieux de retourner à l’école, conseil que cette dernière finira d’ailleurs par suivre.
Un livre de François Ruffin, nourri de paroles qui entrent en résonance avec nos récits de travail
« C’est l’irréductible liberté nichée au coeur du travail qui fait de ce dernier un enjeu politique majeur »
Si l’auteur écrit avec la verve du journaliste, il s’exprime ici à partir de son travail de parlementaire, dans sa circonscription, sur le terrain, et à l’Assemblée nationale sur le sujet de la Branche AT-MP de la Sécurité sociale, avec ses auditions et ses nombreuses lectures. Il y a beaucoup de travail dans ce livre du député-reporter. Puissent tous nos parlementaire et leurs équipes enquêter ainsi et maîtriser aussi finement les dossiers qui leur sont confiés ! Le livre commence par un constat : la fierté craque.
Pour les passeurs d’histoires (vraies) de travail que sont les compagnons de Pourquoi se lever le matin, le dernier article de l’ami Jean-Marie éclaire les enjeux pour le travail, pour les travailleurs, et plus largement pour les citoyens que nous sommes.
Pour preuve, en voici quelques extraits Quand les salariés parlent de leur travail, quand des récits révèlent les « mondes sociaux » du travail, c’est en fait le travail qui parle. Et c’est ce dont on a besoin dans le moment présent. C’est une part du travail réel et du rôle des acteurs que l’on peut révéler, mettre au jour grâce au récit. Or, il fait défaut. Le manque de récit dans le travail et l’entreprise rejoint d’ailleurs un manque que l’on constate plus largement dans la société, dans le champ politique. Le récit s’appuie sur l’enquête, l’entretien, la parole donnée aux acteurs. Il faut pouvoir sentir comment les choses se mettent en place, comment un métier se déploie, s’organise. Pas de récit sans enquête, sans attention aux faits, sans « passeurs du réel ». Le récit raconte ce qui peut être dit et fait dans un groupe ou un collectif. Il a une force de légitimation des acteurs, en l’occurrence des salariés quand il s’agit du travail.
Dominique Lhuillier, Dominique Gelpe et Anne-Marie Waser présentaient leur ouvrage le 27 mars dernier au CNAM
Les médias évoquent de manière récurrente les difficultés rencontrées par nombre de branches professionnelles pour pourvoir des emplois vacants. Ils rappellent parallèlement que le taux de chômage demeure en France supérieur à 8% de la population active. « Suffirait-il de traverser la rue », ou de : « Faire le tour des brasseries installées en front de mer pour obtenir un emploi » ? Mais que savons-nous du vécu professionnel et personnel des personnes en quête d’emploi sachant que 40 % d’entre eux ne sont pas indemnisées. Cet angle mort conforte la diffusion d’idées reçues sur leurs situations : ils seraient des « tire au flanc », des « assistés profitant de la solidarité nationale », … Dès lors, ces représentations légitiment aux yeux du grand public le développement de normes destinées à réduire les droits des demandeurs d’emploi à une prise en charge.
Sandra Enlart évoquait son essai « Quand le bien et le mal s’invitent au travail » lors d’une Master Class de l’ITMD le 21 mars dernier
Presses Universitaires de France – 2022
Lors de la Master class organisée par l’ ITMD le 21 mars 24. Sandra Enlart parle de son dernier essai : « Quand le bien et le mal s’invitent au travail » , une étude sur les discours moraux dans et sur l’entreprise. Le monde de l’entreprise, comme le monde du travail en général, est traversé par des croyances et des discours moraux. Qui sont les bons, qui sont les méchants ? Qu’est-ce qui est bien, qu’est-ce qui est mal ? Ces certitudes fonctionnent souvent sur un mode moral binaire : les bons – les méchants, le vrai – le faux, les ringards – les modernes. Elle note ainsi une antienne chez les managers, les salariés, les syndicats d’une part et une autre chez les chercheurs ou critiques d’autre part. Des refrains dans et hors l’entreprise, teintés de morale qui ont pour intention de responsabiliser, de définir le bien, le juste, le vrai… sans que quiconque ait évalué la véracité des propos tenus. Elle a voulu comprendre les implicites, les postures sous-jacentes, les aveuglements, les croyances, ces « comment on pense », d’un côté comme de l’autre, sans porter de jugement moral ou philosophique.
Jordan, agent de service au sein d’une maison de retraite
Parole recueillie par Martine, mise en récit par François, Martine et Pierre
Le maniement de l’auto-laveuse
Au début de mon travail d’agent de service en maison de retraite, la cadence était trop intense pour moi. Je m’efforçais de me concentrer sans arrêt pour bien réaliser ce qui m’était demandé : réceptionner le linge propre, le trier, le plier… Si les changements me troublent ou si me concentrer me demande plus d’efforts qu’aux autres, c’est que je suis classé comme autiste léger. Je souffre en effet de dysgraphie et de difficultés de langage. Compte tenu de mon handicap, le médecin du travail a proposé un emploi du temps aménagé. Je travaille cinq jours par semaine, du lundi au vendredi, pour un total de trente heures. Et je commence une heure plus tard que mes collègues, à sept heures trente.
Aujourd’hui, je peux dire que, dans mon travail, je tiens le rythme. Je m’adapte aux petits imprévus, mais si un changement intervient sans que j’aie été prévenu, ça me stresse. C’est par exemple le cas, quand je dois interrompre soudainement le maniement de l’auto-laveuse. Moi, j’aime bien pouvoir faire mon travail de manière organisée.
En ce 8 mars, un peu par hasard, j’ai écouté le Podcast « Outside Kaboul » sur Radio France. La journaliste Caroline Gillet a recueilli pendant plus de deux ans, dès 2021, le témoignage de Marwa et Raha, deux jeunes femmes afghanes actuellement en exil en France. Elle publie leurs paroles dans le podcast. Au passage Caroline Gillet cite et loue les technologies numériques, inconnues lors de sa formation de journaliste , comme étant au cœur de la réalisation de ce podcast. Elle n’est jamais allée à Kaboul, elle n’a rencontré physiquement Marwa, exilée à Paris, que tard après les premières paroles échangées. Ces récits co-construits par ces 3 femmes, une encore à Kaboul, Raha, l’autre exilée en France, qui a pu s’inscrire dans une haute école française, nous ramènent à la condition des femmes, bien sûr. La leur et la nôtre dans un pays occidental.
Elle entre dans la salle du conseil, tailleur noir, talons hauts, un vêtement féminin mais sans ostentation. Les administrateurs, réunis pour la circonstance, la découvrent ce jour-là. L’accueil est courtois. Elle s’assoit naturellement à une place laissée libre mais rien ne se passe. Ils attendent que le patron de Margaret arrive. Mais Margaret est elle-même le patron. Après trois minutes ou plutôt plusieurs secondes de flottement, tout rentre dans l’ordre et elle peut présenter son projet. Plusieurs vont lui couper la parole mais elle en a l’habitude. Dans les réunions, les femmes se font interrompre plus souvent que les hommes, y compris à niveau de responsabilité équivalent. L’arrivée des femmes dans la sphère du travail est toujours une aventure. Pour elles mais aussi pour les hommes.
Nos publications, nos discussions, nos projets, nos lectures et nos films … on vous dit tout
Travail & Handicap : un nouveau thème de travail pour la Compagnie
Accueillir des personnes en situation de handicap dans le milieu professionnel : tout le monde est pour. Mais, au-delà de l’adaptation du poste de travail, personne ne sait trop comment ça se passe ni comment faire. Des dispositifs de formation ou d’accompagnement existent ; il nous paraît surtout essentiel de montrer des situations réelles, de donner l’occasion à des personnes handicapées de raconter des insertions plus ou moins réussies – ou même problématiques – dans le monde du travail. Nous avons publié un premier récit de travail, celui de Vincent, technicien de laboratoire qui reprend son travail après une maladie grave. Ses horaires et ses activités devront être adaptés à sa situation. Les activités qui. lui seront confiées vont changer, et changer Vincent.
La démarche de la Compagnie Pourquoi se lever le matin ! fait école
L’association française de communication interne (Afci) https://www.afci.asso.fr/ qui réunit les communicants internes de nombreuses entreprises françaises vient de démarrer un atelier visant à collecter des récits de métiers de ses adhérents. Vincent Brulois, administrateur de l’Afci, présente ici la méthode de recueil et de production des récits de métier de communicants. Elle est basée sur la méthode mise au point par La Compagnie Pourquoi se lever le matin !
Jacques Viers, membre de la Compagnie et du groupe de travail de l’Afci
François a lu pour nous : Mémoire ouvrière en Val d’Aubois – Journal de recherche, par Laurent Aucher, Éditions La Bouinotte, Châteauroux, 2022, 167 p. 19 €
A la lecture du titre, nombre de lecteurs pourront assez légitimement se poser deux questions. D’une part, en quoi un ouvrage destiné à rendre compte d’une mémoire ouvrière peut-il apporter une contribution significative à un champ dont la bibliographie s’avère fort abondante voire redondante ? D’autre part, où situer le Val d’Aubois ? Dans les Vosges frappées par la désindustrialisation ou dans le Massif central en lien avec l’épuisement de quelque mine ? C’est le sous-titre qui nous éclaire sur l’originalité du propos, conforté dans l’introduction par l’explicitation du projet de Laurent Aucher : « Saisir la sociologie en actes : tel est, me semble-t-il, le premier intérêt de ce carnet » (p.17). L’auteur affirme donc vouloir révéler les conditions très concrètes de son travail de chercheur en sciences sociales. Tel un modeste artisan fier des outils qu’il a lui-même fabriqués, il nous conduit dans les coulisses de son enquête.
Vincent, technicien en laboratoire d’analyses biologiques
Parole recueillie et mise en récit par Pierre
« Je ne pouvais pas m’installer dans les grands open-spaces où le moindre virus se transmet à toute vitesse«
« On t’enlève du labo, on te met sur un ordinateur ». C’est la solution que mes employeurs ont proposée, il y a deux ans, quand, après avoir combattu un lymphome hodgkinien, je suis revenu travailler dans le laboratoire qui m’emploie. Ce cancer du sang, traité ordinairement facilement, avait été réfractaire aux traitements les plus efficaces. Il a fallu, pour le vaincre, passer par une autogreffe de moelle osseuse. Affaibli par les chimiothérapies et les divers traitements, avec des défenses immunitaires très déficientes, j’ai repris mon travail, en juin 2023, dans le cadre d’un mi-temps thérapeutique et sous le statut de « handicapé temporaire ». Non seulement, en effet, j’avais besoin d’un aménagement de poste pour m’aider à gérer la fatigue, mais il était hors de question de m’exposer aux risques biologiques évidents dans tout laboratoire d’analyses…
En réaction à l’annonce d’Emmanuel Macron pour la rémunération au mérite des fonctionaires
« De la normalité d’être rémunéré davantage si l’on travaille plus » : une fausse évidence qui nie la réalité du travail. Olivier réagit après l’annonce, par Emmanuel Macron, d’une prochaine « rémunération au mérite » au sein de la fonction publique. Cette dernière est-elle vraiment différente de la rémunération à la tâche : celle d’une production évaluée par la hiérarchie ? La rémunération à la qualification actuellement appliquée dans la fonction publique, est-elle un frein à sa modernisation ? Pourquoi ne pas revenir aux principes de rémunération inscrits dans certains statuts, comme celui des IEG, totalement inverses des conceptions néolibérales du travail et de sa rémunération ?
Rémunération à quoi ?
Emmanuel Macron, parmi les annonces faites lors de sa conférence de presse, a annoncé son intention de déployer la rémunération au mérite au sein de la fonction publique, notamment à l’Éducation Nationale, présentant cette mesure comme l’un des éléments de réponse aux difficultés que rencontre l’école et aux difficultés de recrutement des enseignants.
Au cours du temps, de nombreux qualificatifs ont été utilisés pour qualifier la rémunération conçue comme la contrepartie du temps passé au service de l’employeur. Par exemple le salaire à la pièce ou à la tâche, le salaire à la qualification de la personne ou de l’emploi et le salaire au mérite. Ces qualificatifs ne sont pas neutres car définissant le statut des salarié-e-s et donc celui du travail et les outils de sa rémunération. La rémunération au mérite est-elle vraiment différente de la rémunération à la pièce ou à la tâche, enfermant le salaire dans la seule contrepartie d’une production évaluée par la hiérarchie, par le management pour reprendre les termes de l’entreprise ? Et pourquoi la rémunération à la qualification, caractéristique des statuts de la fonction publique et des entreprises publiques adoptés en 1946, a-t-elle été présentée depuis plusieurs décennies comme inadaptée, dépassée et frein à leur modernisation ?
Un film de Gilles Perret pour voir et comprendre le travail dans une petite exploitation agricole
Le film de Gilles Perret sort en salle alors que la colère des agriculteurs fait la Une de l’actualité. Nous y retrouvons le regard aiguisé que le cinéaste porte sur le travail, comme nous avions déjà pu le voir avec « De mémoires d’ouvriers ». Martine a vu « La ferme des Bertrand ».
Gilles Perret vient en voisin filmer la ferme de la famille Bertrand depuis 1972, date du premier documentaire qu’il leur a consacré. Il revient en 1997, puis en 2022. La ferme des Bernard sort cette année, en 2023. Dans ce troisième documentaire, nous nous promenons dans le temps et dans l’espace. Les trois époques s’entrelacent, retour en arrière, comparaisons avec les techniques qui, progressivement prennent le pas sur le travail physique, très dur, de ces paysans montagnards : « Le travail, tout le temps, mais nous pensons qu’il n’y a pas d’autres façons de faire pour essayer de s’en sortir ». Le film commence par la visite d’une autre ferme et de sa trayeuse qui, munie d’une caméra détecte les pis de la vache, les lave et va automatiquement se fixer sur les tétines.
« Les masters class de l’ITMD ou comment entendre des points de vue sur le travail »
Nous avons l’honneur d’inviter François Granier qui nous présentera à partir de ses travaux quels enseignements et quels scénarios pour le futur du travail?Francois Granier est sociologue, chercheur associé au sein du Lise (Laboratoire Interdisciplinaire pour la Sociologie Economique – Cnrs/Cnam) et membre de l’association « La Compagnie. Pourquoi se lever le matin! »
Écouter le podcast de la conférence APSE du 12 décembre, visualiser le support de présentation
Le mardi 12 décembre 2023 à Paris au Café du Pont-Neuf mais également en ligne, François Granier a présenté son ouvrage « Le travail à l’épreuve de la pandémie – Scénarios pour demain » paru aux éditions « Raison et Passions », en septembre 2023. Plus de vingt-cinq participants étaient assis à l’étage du Café du Pont Neuf à Paris alors qu’une vingtaine étaient « en ligne ». En introduction, Jacques Viers a présenté les finalités de l’association « La Compagnie. Pourquoi se lever le matin ! » et rappelé ses méthodes de recueil de récits de travail. François a présenté son ouvrage de manière très pédagogique en projetant des extraits des 55 récits de travail qu’il a analysés. Il a aussi évoqué les coulisses de la fabrication du livre avec les membres de la Compagnie et débattu de l’approche sociologique qu’il a utilisée pour construire l’ouvrage: l’analyse culturelle des organisations (Sainsaulieu- Piotet). Il a également discuté les scénarios proposés dans l »ouvrage.
Une interview de François Granier, à lire sur le site de « Non Fiction »
Le vécu des travailleurs, les revendications d’autonomie et les questions qu’a pu susciter le télétravail, les difficultés des entreprises pour répondre à ces évolutions, les « futurs possibles » : 5 questions posées à François, auxquelles il répond dans l’interview publiée ce 7 janvier par le site « Non fiction ».
La critique d’un lecteur qui a décerné 5 étoiles à l’ouvrage
» Le confinement de mars 2020 et les avatars qui lui ont succédé ont généré nombre d’études et de recherches sur la question du travail comme expérience existentielle, comme activité groupale ou individuelle. L’espace de travail, par exemple, s’est imposé comme un objet d’étude de premier plan qui a intéressé les sociologues des organisations, les psychologues du travail, les ergonomes, les chercheurs en sciences de gestion… Les travaux sont pléthoriques sans que tous atteignent pour autant une scientificité à la hauteur de leurs ambitions et prétentions. Dans ce contexte de surabondance éditoriale, la publication le travail à l’épreuve de la pandémie. Scénarios pour demain portée par François Granier, sociologue confirmé se référant au courant de l’analyse culturelle des organisations instituée par le regretté Renaud Sainsaulieu, apporte un souffle inédit au coeur de cette production somme-toute conventionnelle. »
C’était le 21 décembre 2021, à l’invitation des « Jeudis populaires » du Centre de Culture Populaire.
Le 21 décembre, à l’invitation des « Jeudis populaires » Pierre est venu échanger avec les adhérents du « Centre de Culture Populaire de Saint-Nazaire » autour du projet et des réalisations de la « Compagnie Pourquoi se lever le matin ! ». La démarche de la Compagnie a suscité d’autant plus d’intérêt que le CCP œuvre depuis 60 ans pour conjuguer travail et culture. De son côté, la Compagnie a produit plusieurs ouvrages qui ont donné la parole aux travailleurs de Saint-Nazaire. Ce fut le cas particulièrement pour le livre « Le train comme vous ne l’avez jamais lu » (éd. de l’Atelier) qui a été réalisé en grande partie grâce à la coopération des cheminots nazairiens ; et pour « L’urgence c’est de vivre » (ed. de l’Atelier) dont l’objet a été de recueillir les récits des personnels qui forment la chaîne de soins du service d’oncologie de la Clinique mutualiste.
Prochaine séance le 18 janvier autour du film « Divertimento »
Le CRTD et le LISE organisent et animent un ciné-club au CNAM autour du travail, à partir d’un choix de films et de documentaires qui mettent en lumière des aspects du travail peu accessibles autrement. Divertimento : A 17 ans, Zahia Ziouani rêve de devenir cheffe d’orchestre. Sa sœur jumelle, Fettouma, violoncelliste professionnelle. Bercées depuis leur plus tendre enfance par la musique symphonique classique, elles souhaitent à leur tour la rendre accessible à tous et dans tous les territoires. Alors comment peut-on accomplir ces rêves si ambitieux en 1995 quand on est une femme, d’origine algérienne et qu’on vient de Seine-Saint-Denis ? Avec détermination, passion, courage et surtout le projet incroyable de créer leur propre orchestre. Le visionnage du film sera suivi d’un DÉBAT avec :Marie-Castille Mention-Schaar, réalisatrice du film, Yaïr Benaïm, chef d’orchestre et Sylvie Rouxel, sociologue. Pour recevoir le lien de la séance (en visioconférence) avec la projection du film et le débat (en direct) : demande d’inscription obligatoire sur le site du LISE
La Fabrique des mondes communs : réconcilier le travail, le management et la démocratie un livre de Pierre-Olivier Monteil
Note de lecture
Ce livre, qui faisait partie de la sélection du Prix Afci 20231, est une véritable référence sur le tripode travail-management-démocratie. J’ai été enthousiasmé par sa lecture. L’auteur s’intéresse à la manière dont le management des entreprises influe sur le processus de socialisation des salariés : comment celui-ci peut-il humaniser et émanciper au lieu de déshumaniser et infantiliser, comme il tend à le faire actuellement. Comment pourrait-il contribuer à former des citoyens responsables et participatifs ?
Dans le cadre de son atelier de réflexion sur le thème du télétravail et du travail hybride, et dans le prolongement des échanges à l’occasion de l’Université APSE en septembre dernier, l’APSE vous convie à une rencontre-débat autour de l’ouvrage le travail à l’épreuve de la pandémie, scénarios pour demain (éditions Raison et Passions, 2023), en partenariat avec la Compagnie Pourquoi se lever le matin ! Nous recevrons François Granier, chercheur associé au LISE (Laboratoire Interdisciplinaire pour la Sociologie Economique), qui propose dans cet ouvrage une analyse sociologique à partir de 50 récits de travail recueillis par la Compagnie pendant la période de pandémie, et en particulier les confinements qui plongent des millions de personnes dans le télétravail, du jour au lendemain. Ces récits questionnent notamment les innovations qui ont pu émerger, les effets sur les relations socioprofessionnelles, les valeurs mobilisées pour redonner du sens au travail dans ce contexte. Sans poser un avis sur le devenir du télétravail ou du travail « hybride », l’analyse portée nous invite à explorer des scénarios possibles pour le futur, notamment sur les articulations entre temps et lieux de travail, sphère professionnelle et sphère personnelle.
Un échange entre deux économistes et un député, qui donne à réfléchir sur le rapport entre les résultats électoraux et l’attention portée au travail
Élections et inégalités en France – 1789 / 2022
En 1981, le vote des classes populaires était quasiment identique entre les territoires urbains et les territoires ruraux, ces derniers étant aussi des territoires ouvriers. Aujourd’hui, le RN s’est installé dans ces territoires et les électeurs des zones urbaines et rurales votent de manière très différente. Voici un des enseignements que tirent Thomas Piketty et Julia Cagé de leur travail sur les données électorales et socioéconomiques depuis 1789, analysées à une maille microscopique : celle des quelques 36 000 communes de France. La Rédaction de Médiapart les a réunis dans un débat avec François Ruffin, député d’une circonscription rurale de la Somme, autour de la question : « Ranimer la gauche, mais comment ? ».
C’était le 14 septembre à l’université de l’APSE, un atelier animé par la Compagnie Pourquoi se lever le matin !
Atelier animé par Christine, François et Olivier
« Mettre en mots des histoires de travail » : c’est ce que fait la Compagnie Pourquoi se lever le matin, association créée en 2020. Nos mots sont les paroles de ceux qui racontent leur activité. Ils parlent avec un écrivant, parce que « parler de son travail ne va pas soi ». Ce sont ensuite les mots du récit écrit que nous leur proposons et que nous publions sur notre site, ou dans des livres. On y trouve beaucoup de mots de métier. Parfois, quelques néologismes de l’entreprise, souvent des mots en « ing » comme reporting ou en « ence » comme efficience. Ou des mots récupérés par l’organisation, comme la « qualité ». Nous-même au sein de la Compagnie avons chacun nos mots pour les lectures transverses que nous faisons des récits. Les mots du travail font débat. Tous ces mots sont habités, voire surpeuplés dans une sacrée cacophonie.
Les participants étaient invités à réagir à un mot du travail : manageur
Parole recueillie, traduite et mise en récit par Pierre, Martine et Christine
Brahim sur un navire en construction. Au loin, le port de Saint-Nazaire
J’habite dans le sud de l’Espagne depuis que j’ai seize ans. Mon père y travaillait, et nous avons quitté le Maroc avec le reste de la famille pour le rejoindre. Maintenant, j’ai les deux nationalités et j’ai acheté une maison en Espagne. J’avais commencé ma formation de soudeur au Maroc, je l’ai terminée en Espagne et j’ai commencé à travailler à 18 ans. Depuis, j’ai travaillé dans toutes les régions d’Espagne, puis en Finlande, aux Pays-Bas, en France et ailleurs. Et me voilà depuis presque deux ans aux Chantiers Navals de Saint-Nazaire.
Le chantier ressemble à une sorte de Lego géant où l’on assemble des blocs qui sont des morceaux de paquebot. Les panneaux qui vont faire les blocs sont très grands et il faut y souder les tuyaux dans les trous prévus. Je soude les tubes et quand j’ai fini mon travail, la grue se saisit du bloc entier et le pose sur le bateau Et ainsi de suite. Après, quand les panneaux sont installés, je monte raccorder leurs tuyaux.
Nouveaux récits, avec le travail militant de deux personnes à Saint-Nazaire, nos lectures du mois…
Travail & Territoire à Saint-Nazaire : deux nouveaux récits
Est-ce un travail que de militer ? La réponse est oui à la lecture du récit d’Enoch : Hébergement solidaire, un bénévolat à plein temps. « … c’est dans la dynamique de cette lutte que s’est formé le « Collectif urgence sociale ». Rapidement, après la création de ce collectif, s’est imposée l’idée d’occuper deux maisons propriétés de la ville de Saint-Nazaire pour loger ceux qui en avaient besoin. Ces maison étaient abandonnées depuis des années et ne faisaient l’objet d’aucun projet immobilier. C’est ainsi que l’occupation et la création des Maison d’Hébergement Solidaire ont eu lieu. » … « Il fallait trouver la façon dont on pourrait assurer l’alimentation, la fourniture des produits d’hygiène, de ménage »… « Dans le même temps, le collectif menait les chantiers de rénovation : isolation, enduits, cloisonnement, pose de menuiserie, fabrication d’escaliers. Personnellement, en tant que technicien du bâtiment, je suis assez polyvalent. Je me suis donc joint aux habitants des maisons pour réaliser les travaux » … « Cette forme de militantisme n’est pas une occupation qu’on fait à côté. C’est un travail qui prend tout le temps, parfois soixante heures par semaine et qui ne fonctionne pas sur le modèle de l’emploi salarié. Il n’y a pas de rapports de subordination entre les membres du collectif. » … « Pour vivre, je touche l’ « Allocation de solidarité spécifique », qui est l’équivalent d’un RSA. Mais, maintenant que l’opération « maison d’hébergement solidaire » est finie, que les personnes sont à l’abri et que, pour l’instant, le dossier urgence est clos, je vais reprendre une activité salariée.«
Une note de lecture proposée par Serge, où l’on retrouve les questions de l’invisibilité du travail réel pour l’organisation et de la vanité de la gouvernance par les nombres. Questions qui traversent le récit de Virginie, agent d’accueil dans une CPAM, le « terrain » de recherche de l’autrice du livre.
Octarès éditions – 26€
Développée sous l’instigation du philosophe Yves Schwartz, la démarche ergologique se fonde sur un dialogue et une confrontation heuristique entre des savoirs hétérogènes mais néanmoins commensurables : des savoirs « institués » (académiques) d’un côté ; des savoirs d’expérience, « investis » dans les situations de travail de l’autre. L’évaluation dite ergologique au cœur de cet ouvrage se réfère à cette démarche pour montrer ce qui dans l’activité de travailleurs au sein d’une Caisse d’Allocations Familiales est irréductible aux objectifs chiffrés et aux critères de la commande publique. C’est sur ce terrain institutionnel que l’autrice a mené une recherche doctorale dont cet ouvrage est le prolongement. Cette évaluation qualitative se veut complémentaire des évaluations quantitatives ayant cours habituellement dans les organisations de travail.
On voit les grandes entreprises, mais pas les sous-traitants qui représentent un part énorme de leurs emplois
Avant d’être éducateur spécialisé en contrat à durée indéterminée, puis d’affronter de graves soucis de santé qui ont abouti à un licenciement pour inaptitude, j’avais connu des périodes de chômage parfois très longues, très éprouvantes, entrecoupées de petits contrats d’animateur socio-culturel et de périodes où j’exerçais en tant que remplaçant. Mon état de santé s’étant aggravé, je bénéficie aujourd’hui d’une pension d’invalidité. Heureusement, les soins que j’ai suivis me permettent de mener maintenant une activité de militant à l’union locale du syndicat et d’accepter un statut qui fait que je ne suis ni à la recherche d’emploi ni salarié. Revenir au chômage, c’est quelque chose qui me fait très peur.
Quel professionnel n’a pas été, au terme d’une semaine d’activités, traversé par des sentiments opposés. Pour certains, c’est la satisfaction d’avoir pu les réaliser conformément à l’idéal du métier. En revanche, pour d’autres, ce qui domine c’est l’amertume d’avoir dû sacrifier la qualité sous la pression d’une hiérarchie attachée à des procédures obsolètes ou d’actionnaires privilégiant la rentabilité. Pour Jean-Philippe Bouilloud, la crise de sens qui se manifeste par des démissions mais aussi par un « exil intérieur » (Jaccard, 2010) trouve ses racines les plus profondes dans l’érosion de l’esthétique du travail (p. 8).
Un livre de Dominique Massoni, lu par Martine, toutes deux membres de la Compagnie Pourquoi se lever le matin !
Ed l’Harmattan – 19€
L’auteur, Dominique Massoni, est diplômée de littérature comparée mais aussi de sociologie du travail et d’ergonomie, elle tient les deux bouts c’est évident ! Munie de tels diplômes et expériences professionnelles, il est clair qu’elle ne pouvait qu’écrire cet ouvrage de recherche. Dans ce petit livre, à vocation universitaire, Dominique Massoni analyse en parallèle trois romans, Tous les noms, du Portugais José Saramago, Bartleby, d’Herman Melville et Le manteau de Nicolas Gogol. Mais elle fait aussi référence à un nombre impressionnant d’autres livres et auteurs, qu’ils soient romanciers ou sociologues, récents, ou du siècle passé (sept pages de bibliographie, une somme qu’elle a analysée et qu’elle utilise dans son ouvrage : de Balzac à Pérec, d’Arendt à Deleuze et même la Bible).
Quand P a débarqué en 2019 à la « maison du peuple » de l’avenue Albert de Mun (MDP 2), qui servait de point de ralliement au mouvement des Gilets Jaunes, il était mineur et sans domicile fixe. Il avait été mis à rue par sa tante et il est arrivé avec le flot de ceux qui disaient : « On n’arrive pas à boucler les mois, on est dans une situation désastreuse ». Il y avait là des gens qui vivaient dans des voitures, dans la rue, beaucoup de jeunes. On n’a pas supporté l’idée que, le soir, on devrait fermer la porte de la maison qui nous servait de lieu de ralliement, en disant à ces gens d’aller dormir dehors et de revenir quand on rouvrirait le lendemain matin. Donc on a aménagé des chambres : « Installez-vous… ».
Prochaine séance le 5 octobre, autour du film « Brillantes »
Le CRTD et le LISE organisent et animent un ciné-club au CNAM autour du travail, à partir d’un choix de films et de documentaires qui mettent en lumière des aspects du travail peu accessibles autrement.
« Brillantes » : Karine, femme de ménage, partage sa vie entre son travail de nuit avec ses collègues et Ziggy, son fils de 17 ans. Lorsque l’entreprise qui l’emploie est rachetée, tout bascule pour Karine. La pression sociale va la pousser dans ses retranchements et la mettre face à un dilemme : dévoiler un lourd secret ou mentir pour se protéger. Le visionnage du film sera suivi d’un DÉBAT avec : Sylvie Gautier, réalisatrice du film -Dominique Lhuilier, psychologue du travail – Frédérique Pigeyre, sociologue du travail. Pour recevoir le lien de la séance (en visioconférence) avec la projection du film et le débat (en direct) : demande d’inscription obligatoire sur le site du LISE
Les prochains rendez-vous : Le 7 décembre 2023 : « Par la fenêtre ou par la porte » de Jean-Pierre Bloc. Le 18 janvier 2024 : « Divertimento » de Marie-Castille Mention-Schaar
Septembre 2023, nous avons presque oublié les seize semaines de confinement de 2020, l’actualité de la rentrée des classes 2023 est celle de la canicule tardive et du Pacte enseignant. Dans cette actualité, nous n’en saurons pas davantage sur ce qu’est le travail consistant à enseigner et à étudier, à l’école, dans le secondaire ou à l’université. Martine nous propose de revisiter quelques récits de ce travail de profs et d’élèves. Septembre 2023, il y a aussi des rentrées qui n’auraient pas dû avoir lieu : les « faux-départs » de ceux qui sont tombés sous le coup de la réforme des retraites ; ils doivent y retourner. A écouter en podcast sur France Culture avec l’émission « les pieds sur terre ». Septembre 2023, c’est la rentrée de la Compagnie Pourquoi se lever le matin ! avec « Le travail à l’épreuve de la pandémie – scénarios pour demain », tout frais sorti de l’imprimerie, un livre écrit par François à partir de 55 récits de travail que nous avons réalisés entre mars 2020 et juin 2022. Découvrir et commander l’ouvrage.
Lors de notre séminaire de juin 2022 nous évoquions l’idée de nous intéresser au travail dans les métiers d’art. En aout, je pratiquais des entretiens avec 15 artisans d’art qui, chaque été, ouvrent leur boutique à Salers, petit village touristique classé du Cantal. La Compagnie s’est appliquée, alors, pendant l’année, à mettre en récit ces entretiens, avec ces quinze artisans. Lors du séminaire de juin 2023, nous décidâmes d’imprimer le recueil de ces récits, avec les photos des artisans à leur ouvrage, et de le mettre à disposition dans les boutiques de Salers pendant l’été. Au pied levé, Pierre fit la mise en page depuis Nantes et avec Christine, ils firent réaliser une cinquantaine d’exemplaires du livre. Véronique une aquarelliste de Salers composa la page de couverture. Début aout, je recevais les brochures, en distribuais, gracieusement, un exemplaire à chacun des artisans, et leur en laissais en dépôt-vente dans leurs boutiques.
Le livre est disponible : 15 récits avec les photos des artisans à leur ouvrage
15 récits de travail collectés et mis en récit par Roxane Caty-Leslé avec les compagnons de « Pourquoi se lever le matin ! ».
Vous avez probablement déjà aperçu, sur la route de vos vacances, des boutiques éphémères d’artisans d’art. C’était dans les ruelles d’un village médiéval, en Bretagne, en Alsace, ou ailleurs. Peut-être avez-vous franchi leur porte, engagé la conversation, voire acquis une de leurs créations ? Vous ont-ils expliqué leur travail, leurs activités artistiques, artisanales, techniques et commerciales ?
Septembre 2023 : les « faux-départs » à la retraite
Nés entre 1961 et 1965, carrière longue, métier pénible ou épargnant du temps, il va leur falloir cotiser quelques mois supplémentaires pour toucher leur retraite à taux plein. Pour ceux qui avaient anticipé leur départ, il va falloir retourner au travail. Ils ont quitté leur entreprise, pris leur carton d’affaires, organisé le pot, versé des larmes (ou pas) et rendu leurs clés. Leur poste a parfois été supprimé. Pour Olivier et Patrick, la réforme des retraites signifie un retour brutal au travail. Un reportage de Martine Abat à (re)écouter sur France Cuture (29 minutes). C’est dans « les pieds sur terre », une émission sans blabla, qui donne la parole aux personnes.
Septembre 2023, nous avons presque oublié les seize semaines de confinement de 2020, l’actualité de la rentrée est celle du Pacte enseignant : combien l’auront signé ? Sans surprise, nous n’en saurons pas davantage sur ce qu’est le travail consistant à enseigner et à étudier, à l’école, dans le secondaire ou à l’université. Martine nous propose de revisiter quelques récits de ce travail de profs et d’élèves.
Correspondances croisées entre un reportage de 1967 et les récits du travail d’aujourd’hui
Vous n’avez jamais vu ce reportage à la télévision, ni vos parents ou vos grands-parents. « Le ministère de l’information jugeant à l’époque le film trop favorable aux ouvriers, en avait interdit la diffusion à la télé. C’était le temps de l’ORTF, deux chaînes en noir et blanc sous le contrôle du gouvernement. Mais quand même, des émissions avaient réussi à s’imposer, c’était le cas de « Cinq colonnes à la une » qui est restée dans la légende. Mais là, pas question de diffuser et même pire dans ce cas-là, le film était carrément détruit. Sauf que le réalisateur, Marcel Trillat, a volé le film en le cachant dans son blouson. En volant son propre film, il l’a sauvé. » Pour le 1er mai 2023, « Là-bas si j’y suis » l’a mis en ligne sur son site. Les paroles des nazairiens qui s’expriment dans ce reportage font terriblement écho à ce que disent ceux d’aujourd’hui dans les récits de leur travail, écrits avec la Compagnie Pourquoi se lever le matin ! Des récits sur ce que le territoire fait au travail, et vice-versa.
Aujourd’hui encore, les grandes entreprises nazairiennes restent mythiques, on est fier d’y travailler même si c’est dur ; on est solidaire, face aux drames comme dans les mouvements sociaux ; on accueille l’autre, l’étranger, le démuni ; on se bagarre dans les services publics pour bien accueillir les usagers.
En cette veille de rentrée, l’ami Jean-Marie nous propose une réflexion sur les mots du travail, ceux que l’on entend dans l’entreprise, ceux que l’on utilise pour parler de son travail. Un sujet sur lequel nous reviendrons très vite dans le cadre du chantier « Les mots du travail, de la cacophonie vers la polyphonie », que nous avons décidé d’engager lors de notre séminaire de juin dernier. Ce sera aussi le sujet de l’atelier que la Compagnie Pourquoi se lever le matin ! animera le 14 septembre lors de l’Université de l’APSE.
Parole de juin 2023, mise en récit par Dominique et Pierre
À Saint-Nazaire, un immeuble épargné par les bombes et ses récents voisins
Le métier que j’exerce aujourd’hui suppose de s’adapter en permanence aux clients et aux imprévus. C’est une occasion quotidienne d’apprendre. J’ai en effet créé mon entreprise il y a quelques années et je pilote désormais une activité dans le bâtiment et la rénovation, un secteur économiquement porteur, sur un territoire caractérisé par une grande diversité sociale et économique et une grande diversité de besoins. À La Baule, on n’a pas la même clientèle qu’à Saint-Nazaire, Montoir, Donges ou même Pontchâteau.
Virginie, agent d’accueil à la CPAM de Loire-Atlantique
Parole recueillie en septembre 2022 par Jacques et Pierre, mise en texte par Christine
La CPAM de Loire-Atlantique
Parfois, les gens nous voient encore à l’ancienne, comme le guichet de « la sécu » où l’on appelle : « numéro 302 ! ». En fait, ce n’est pas du tout ça. Je reçois les assurés comme j’aimerais être reçue. J’appelle la personne par son nom de famille, pas par un numéro. Plutôt que de l’attendre assise à mon bureau, je me lève pour aller à sa rencontre. Les situations auxquelles j’ai affaire sont très variées. C’est par exemple une dame qui vient parce que son mari est mort de l’amiante ; il s’agit d’un dossier de maladie professionnelle post mortem. Ça peut être une question d’affiliation, un enfant qui vient de naître ou un étranger qui arrive. Je peux m’occuper de la prise en charge des implants capillaires de quelqu’un qui a un cancer, d’un dossier d’invalidité, d’une rente d’accident du travail, d’un appareillage auditif ou d’une prise en charge d’orthodontie. Je me suis récemment occupée d’obtenir une aide extraordinaire pour un recours à une diététicienne, alors que cela n’est normalement pas pris en charge par la CPAM. Je prends la demande et j’essaye d’y répondre. Mais, la législation ne cessant d’évoluer, je me pose tous les jours de nouvelles questions, la plupart du temps très techniques. Il faut plus de six mois pour former un agent d’accueil.
Antoine, régisseur général à la mairie de Saint-Nazaire
Parole recueillie par Pierre et mise en récit par Jean-Pierre et Pierre.
Le VIP, scène de musiques actuelles à l’intérieur de la base sous-marine
Il n’y a pas de petite manifestation culturelle. Le régisseur général que je suis, au sein du « Service Technique Animation Régie Événementielle » de la mairie de Saint-Nazaire, sait qu’il y aura beaucoup de travail pour régler ce qui ne se voit pas derrière le moindre projet d’expo ou de spectacle. À côté de ce qui sera exposé à la lumière et aux regards, il y a toujours eu quelque chose que les organisateurs n’avaient pas prévu. Je suis du côté de la partie immergée de l’iceberg.
Un éclairage sur le travail des artisans de Salers
Une quinzaine d’artisans de Salers nous ont confié leurs paroles, mises en récits dans ce dossier. Beaucoup d’entre eux avaient pris ce virage bien avant que l’on parle de la crise du sens du travail, ils en parlent dans leurs récits.The Conversation nous propose un éclairage sur leur travail.
Les artisans de Salers, travail & territoire à Saint-Nazaire, les inédits de « l’urgence c’est de vivre » : 17 nouveaux récits de travail ; à lire aussi « Mécano », roman
Le métier d’artisan d’art, choix initial ou reconversion, exercé en solo ou en couple, à la limite entre artisan et artiste … c’est tout un parcours
Karine est céramiste plasticienne « Je pourrais dire que je suis passée de l’art à l’artisanat. Mais cela serait réducteur. Je n’ai pas abandonné l’art car, à part quelques séries, mes créations sont uniques. (…) Pour une partie de mes créations, j’utilise une vaste gamme de matériaux : c’est mon côté artiste plasticienne. Certains sont récupérés dans la nature tels des bois flottés, des bouts de fer rouillés, des boites en fer blanc, des fouets ménagers, des théières hors d’usage, des clous… (…) Leur usure, leur patine sont la marque du temps et je discerne un vécu, une histoire, une époque. Outre leurs formes, j’apprécie tout particulièrement les objets qui ont conservé un peu de leurs couleurs, surtout quand elles sont vives. Par expérience, je sais qu’ils vont m’offrir plus de chance d’aboutir à une création qui va me satisfaire. Ainsi, je donne une nouvelle vie à des objets abandonnés, des objets qui ne servent plus. » Lire le récit de Karine
Jennifer est couturière. « … Je n’avais jamais travaillé dans des collectifs d’artisans, ni dans une boutique, d’ailleurs. À Lille, où j’étais tapissière à mon compte, j’allais chez les gens pour refaire leurs sièges. (…) ce matin-là, j’ai décidé de faire des trousses pour lesquelles j’avais auparavant dessiné les patrons. J’assemble toutes mes pièces en cousant et l’objet prend vie. Je le stocke alors avec mes autres créations : des accessoires, trousses, coussins, porte-monnaie, serre-tête, bandeaux pour les cheveux et des produits réutilisables en coton : des lingettes en tissu lavable, des petits sacs pique-nique. Mon idée c’est d’éviter de jeter. (…) Vendre ne me dérange pas, à la base j’ai un diplôme commercial et j’aime le contact avec les gens. » Lire le récit de Jennifer
Fanny crée et fabrique dans son atelier des jouets en bois, qu’elle vend, l’été, dans la boutique de la Petite Fabrik, à Salers.« Il fallait que j’ose faire ce que j’aime » dit cette ancienne éducatrice en pédopsychiatrie. « Mon papa, sur son lit d’hôpital, m’a dit : « Vas-y, fonce, moi j’aurais rêvé faire un truc comme ça !» … Il bricolait tout : sculpture, électricité, bois… Il était fort en tout ! Quand j’étais petite, je le suivais sur les brocantes, les bourses d’échanges et je voyais ses yeux de collectionneur pétiller devant les jouets anciens, les Dinky Toy, les automates » … « Avec Stéphane, à l’issue de ma formation (en menuiserie) nous avons trouvé un lieu pour nous installer … On a choisi le côté passion plutôt que le côté rémunération et sécurité. » « Etre à son compte, travailler pour soi, c’est le principal, même si nous n’avons pas de gros revenus. C’est notre choix de vie » complète Stéphane. « Ma compagne a créé « les jouets de Fanny » en 2010. A l’époque, j’étais artisan en menuiserie traditionnelle. J’avais appris la menuiserie un peu par défaut parce que je ne savais pas quoi faire. Et puis j’y ai trouvé quelque chose qui m’a vraiment plu. Aujourd’hui, nous sommes tous les deux dans le même bateau, nous fabriquons des jouets en bois dans la vallée de la Jordane, à trois-quarts d’heure de Salers. » Lire les récits de Fanny et de Stéphane.
Travail et territoire, du transport de voyageurs à la communauté Emmaüs
Pour Sébastien, aiguilleur, c’est « Une lutte de tous les instants pour maintenir le meilleur service ». « Auparavant, la SNCF essayait de s’adapter en faisant circuler davantage de trains pendant les créneaux horaires où il y avait le plus de voyageurs. Mais, dans les conditions actuelles, c’est devenu mission impossible. Alors, pour que 80% des trains arrivent quand même à l’heure, on nous alloue un budget censé résoudre tous les problèmes. Dans la réalité comme, au niveau local, on a toujours réalisé 44000 heures d’ouverture de guichets, la gare de Pontchâteau va être fermée pour permettre d’affecter un peu plus de personnel en gare de la Baule. Et, pour le même coût, la région voudrait qu’on fasse circuler 10% de trains supplémentaires. La conséquence est que la direction de la SNCF essaye de nous faire faire plusieurs tâches à la fois afin de diminuer le nombre de salariés. En plus de gérer la circulation des trains sur les voies, je suis alors amené à vendre des billets, accueillir les usagers et même faire l’entretien des bâtiments. » … lire la suite
« Le maître mot est bien solidarité » affirme Marie, intervenante sociale d’une communauté Emmaüs. « Pour un compagnon d’Emmaüs, la démarche de venir à mon bureau est quand même particulière, un peu symbolique. C’est parfois une marche élevée à franchir. Pour que ce soit plus facile, je laisse ma porte continuellement ouverte (…) On peut venir y pleurer – la boîte de mouchoirs est là – mais parfois aussi annoncer des bonnes nouvelles, discuter, manger un petit bonbon et voilà… lire la suite
Les inédits : 11 récits de travail au coeur d’un service de cancérologie
Chacun raconte la réalité de son travail au quotidien, auprès des malades : les gestes techniques, les relations avec les autres intervenants, l’accompagnement des familles… Vingt récits ont déjà été publiés par les Éditions de l’Atelier, onze autres n’avaient pas pu être insérés dans le livre. Ils ont été diffusés au personnel de la clinique, mais il avait fallu faire, avec l’éditeur, des choix cruels pour l’ouvrage imprimé. Avec son accord, nous les publions aujourd’hui. Ce sont les inédits de « L’urgence c’est de vivre » : les récits de Anne-Sophie, dosimétriste – Christine, kinésithérapeute – Clémence, infirmière en hospitalisation complète – Franck, médecin radio-thérapeute – Françoise, secrétaire médicale en oncologie – Geneviève, préparatrice en pharmacie à la cité sanitaire – Gwénaelle, secrétaire chargée de la programmation en radiothérapie – Isabelle, infirmière coordinatrice – Marion, brancardière – Mélissa, manipulatrice en radiothérapie – Nathalie, infirmière à domicile. Chaque récit est ponctué par le regard porté par Pierre sur sa propre expérience d’accompagnant. Il explique ce cheminement dans cet avant-propos.
Nos lectures : Martine nous présente « Mécano », roman paru chez POL
Ed POL janvier 2023 – 22 €
Roman initiatique ? Poème épique en trois parties, 64 chapitres et 363 pages ? Traité technique ou documentaire ? Tout cela à la fois. L’apprentissage occupe le premier tiers de l’ouvrage. Le mécano, dès sa formation, une école de la soumission, est initié par un moniteur critiqueur, qui fait peur. Mais après 95 candidatures, quand il ne reste que douze personnes en formation, réduites ensuite à quatre conducteurs ayant réussi l’examen, ce formateur se révèle être un homme au grand cœur. Il devient enfin humain. Aucun détail ne nous est épargné. D’abord l’instruction dans un simulateur (de conduite), puis l’accompagnement « en vrai » dans une cabine par un conducteur, un mécano (pas un chauffeur, quelle horreur !), un « homme qui murmurait à l’oreille de la peur ». Apprentissage par cœur de la bible, Le Mémento. Tout un vocabulaire spécifique à apprivoiser, mystérieux, qu’il serait vain de décoder, en fait toute la magie. Des chiffres et des lettres accolés émaillent le texte aux lignes courtes (comme un poème) ou occupant tout l’espace (comme un roman), en italique ou pas. Graphismes, dessins, portées musicales, nombreux acronymes et même une feuille d’horaire. Des titres de film, de livres, des poèmes, Mattia Filice est un lettré. Le cerveau en formation, les mots en construction. Il se blottit « à la recherche du beau », échappatoire à l
Nos nouveaux récits de travail, notre spécial 8 mars et nos lectures du mois
Artisan d’art : un travail qui conjugue passion et précarité
La petite Fabrik, boutique éphémère de Salers
Vous avez probablement déjà aperçu, sur la route de vos vacances, des boutiques éphémères d’artisans d’art. C’était dans les ruelles d’un village médiéval, en Bretagne, en Alsace, ou ailleurs. Peut-être avez-vous franchi leur porte, engagé la conversation, voire acquis une de leurs créations ? Roxane a rendu visite à certains d’entre eux, à Salers dans le Cantal. Nomades, ils habitent pour la plupart ailleurs, et viennent tous les étés vendre leurs productions dans les caves ou anciennes échoppes des maisons renaissance. Avec ce nouveau dossier de la Compagnie Pourquoi Se Lever le Matin ! nous avons voulu porter un regard plus précis sur leur travail, leurs activités artistiques, artisanales, techniques et commerciales. Ce qu’ils racontent de leur travail traverse leur vie familiale et leur parcours de vie. Ils évoquent la manière dont ils conjuguent passion et précarité. Le prix à payer pour un travail autonome rempli de sens ?
Nos chantiers en cours, nos réactions à l’emballement médiatique de septembre dernier sur la « valeur travail », notre coup de coeur éditorial de la rentrée, notre séminaire d’été, on vous dit tout dans ces dernières nouvelles de la Compagnie Pourquoi se lever le matin !
Travail et territoires
Le port de Saint-Nazaire
Chaque travail est situé. Il s’exerce quelque part. Et ce « quelque part » est loin d’être neutre. Mais comment cerner l’ensemble des périmètres vastes ou minuscules où s’exerce le travail ? Quels enjeux individuels et collectifs ? Comment amener nos interlocuteurs sur ce terrain-là ? Vaste sujet, vaste projet qui est entré dans une phase d’écriture intense. 24 entretiens ont déjà été réalisés, dont 8 récits déjà publiés sur notre site. La Compagnie se mobilise autour de Pierre qui mène le projet sur la région de Saint-Nazaire.
Parole de Jean-Baptiste, recueillie par Pierre et mise en récit par Dominique
Calculatrice programmable des années 80
Au début des années quatre-vingt, les moyens techniques étaient très modestes comparés à aujourd’hui, et pourtant je pouvais résoudre des équations avec une calculatrice programmable découverte au lycée grâce à un ami. Il fallait taper du « langage machine », plein de codes barbares, mais cela m’a passionné. Cette expérience s’est prolongée et étendue lorsque je suis entré dans une école spécialisée en informatique. J’ai alors vu que l’on pouvait apprendre à la machine une stratégie de calcul en y plaçant un algorithme. Il suffisait de lui indiquer ce qu’il fallait faire, par exemple : « Si telle condition, alors tu fais ça ; sinon tu fais autre chose ». Ou encore : « Continue telle suite d’opérations tant que telle condition n’est pas remplie ». J’avais le sentiment de pouvoir piloter la machine qui produisait alors des raisonnements logiques dont le résultat me surprenait parfois et m’émerveillait.
Un poste aménagé, avec un siège destiné à une personne handicapée
Assistante de direction, office-manager, présidente de la FFMAS1 Nouvelle-Aquitaine, référente handicap, mentor… mon quotidien est tout sauf monotone ! Pourtant, depuis douze ans, je jongle avec une collection de pathologies : fibromyalgie, cervicalgies sévères générant névralgies d’Arnold et névralgies cervico-brachiales, lombalgies chroniques, hernies discales et une myélopathie qui a nécessité, il y a quelques mois, une opération lourde. Le chirurgien a ouvert trois vertèbres cervicales et posé des vis. Je suis encore en convalescence. Mais ne nous y trompons pas : ces pathologies font partie de ma vie, elles ne sont pas ma vie !
Saint-Nazaire au travail : les chantiers de l’Atlantique, une série à suivre dans la chronique de la Compagnie sur le site de Nonfiction
Entre la presse conventionnelle et les revues scientifiques, Nonfiction entend ménager « un espace de rencontre et de débat des sciences sociales à la fois entre elles, avec les arts et les lettres, et avec le grand public ». La Compagnie Pourquoi se lever le matin, dont le projet est de participer aux débats de société en donnant le point de vue du travail, ne pouvait qu’y trouver une place de choix.
À la fois média participatif et revue scientifique, Nonfiction propose à tous les curieux de suivre au quotidien l’actualité de la recherche et des idées.
Parole recueillie par Martine, mise en récit par François
Atelier dans un ESAT (1)
Je vais au travail en bus de ville. Quand j’arrive en avance vers 8 heures 15, j’ai le temps. Je vais à mon casier pour prendre ma gourde. Je n’ai ni tenue particulière, ni chaussures de sécurité car mes pieds ne sont pas adaptés aux chaussures de sécurité. Je garde mes baskets. Maintenant on commence à 8 heures 30. Avant on commençait à 9 heures. On finit à 16 heures 15. La pause c’est de 10 heures 25 à 10 heures 35 le matin. On mange à midi 25, on reprend à 13 heures 20. Et l’après-midi c’est pareil, 14 heures 25 à 14 heures 35.
Mise en lumière des différents temps ressentis dans le travail
Le temps est un bien commun, très commun, même si il y a toujours « mon » temps et celui de l’ autre.
Top ! Temps de travail, temps de sommeil, Temps de transport et temps de loisir, Temps des jeux, temps de peine, temps de prière, Temps de lecture, de cinéma, temps pour rêver à rien, Temps de paix temps de guerre, de peurs et temps d’espoirs infinis, Temps invisibles, temps contraints, temps libres et temps de la négociation, Temps des compromis difficiles, temps des conflits, temps perdus et temps gagnés, Chronomètre, pointeuses, cadences, temps de la prime, temps des retenues sur salaire, Temps de l’effort, temps de la reconnaissance, temps de la fierté collective, temps de la joie, « NOUS AVONS L’ETERNITÉ ET UN JOUR » – THEO ANGELOPOULOS Temps du doute, temps des hésitations, temps des projets qui unissent, Temps de la fraternité dans l’atelier, dans les usines et dans la Cité, Temps de procédures, temps des bricolages temps des initiatives, Secondes, minutes, heures, jours et semaines, années, siècles, Temps de l’enfance, temps de l’adolescence, et de la maturité, Temps du cœur, de l’amour, temps des roses et du muguet, Temps court, temps des copains et de l’aventure, Temps de pluie, de liberté, de félicité, Brume, soleil, Top !
La suite de l’état des lieux, avec des propositions concrètes
Christine Erhel & Bruno Palier (dir.) Travailler mieux, Paris, PUF – La vie des idées, 2025, 221 p, 18 €
« Travailler mieux » vient à la suite du projet de médiation scientifique coordonné par Bruno Palier, dans le cadre d’un partenariat entre Sciences Po et le journal le Monde, qui a donné lieu en 2023 à la parution de « Que sait-on du travail? », état de l’art pluridisciplinaire des connaissances sur le travail, proposant 36 contributions de chercheuses et chercheurs en SHS. Face aux difficultés rencontrées par les personnes au travail et parce que les travaux académiques identifient aussi des pistes d’amélioration, une deuxième séquence a été lancée depuis l’automne 2024, en partenariat avec la Vie des idées : rassembler des propositions concrètes en faveur de meilleures situations au travail. Le recueil de ces propositions est présenté dans « Travailler mieux », dont François nous propose ici une note de lecture.
Dans l’introdution de « Travailler mieux », Bruno Palier écrit qu’après avoir formulé leurs constats, l’ensemble des contributeurs ont eu à coeur de « souligner les enjeux des transformations du travail liées à la digitalisation ou au changement climatiques » (p. 8). Ces enjeux s’avèrent d’autant plus forts que, par le biais de comparaisons internationales, les constats concernant la France leur apparaissaient plutôt alarmants. Quelles en étaient les causes ?
28 novembre, usine, accident. Le livre s’ouvre sur ce titre. Puis quelques lignes dont voici la première. « Toutes les usinesont leurs odeurs. La mienne sent la chaussette sale. » Le ton est donné. Petits bruits d’un quotidien prolétaire est construit comme un puzzle, un assemblage de textes courts avec une date, un titre suivi d’un paragraphe direct, factuel. Sylviane Rosière a tenu ce journal comme une chronique de son quotidien d’ouvrière. A à travers ce qu’elle écrit, se découvrent en creux ses conditions de vie au travail dans toute leur âpreté. Son usine au jour le jour se révèle dans ce qu’elle vit, qu’elle consigne dans les brèves vignettes portées par ce qu’on imagine un carnet. Son récit de travail se lit de bout en bout sans le lâcher, comme si nous étions à côté d’elle, avec ses indignations, ses moments de joie, ceux qui l’entourent comme Olivier « qui revient après une absence et qui travaille désormais les mâchoires serrées » ou Fafa qui « a apporté des chocolats ce matin ». Autant d’échos d’un vie, une vie du dehors une fois la journée de travail terminée, une vie avec les équipes pour répondre aux commandes qui viennent d’arriver, une vie avec des collègues souvent amis, une vie avec des chefs. 14 avril Hier c’était mon anniversaire. Au travail j’avais mis les boissons et les gâteaux sur la table de contrôle. Le patron est passé, il a fait remarquer au régleur que la table n’était pas un garde-manger. P 81 Une poésie se dégage de ces pages, pudiques et vraies, sans jamais de jugement alambiqué. Une parole sans fard par Sylviane Rosière, ouvrière d’usine !
Le grand portique des Chantiers navals, dominant la vile
Il se passe à Saint-Nazaire ce pour quoi nous avons créé la Compagnie « Pourquoi se lever le matin! » : donner la parole au travail, par sa mise en récit, et partager ces textes. Au départ, écrire quelques récits, avec un fin connaisseur du territoire. Puis, rencontrer des adhérents du Centre de Culture Populaire, autour des textes. Ensuite, cela s’enchaîne comme une boule de neige. Des lecture publiques dans des bars, à la bibliothèque ou à la librairie, avec les adhérents d’une section syndicale, à la fête du 1er mai.. De nouveaux volontaires se présentent pour raconter leur travail, pour collecter des récits… Une histoire à lire ici
« Il y a quelque chose de troublant à aller chercher au fond de soi- même, sous le feu des questions, des raisons qu’on ignore, et qui nous poussent à faire notre travail du mieux qu’on peut. » – Antoine (lire ici son récit) « On va faire des lectures publiques » – Des adhérents du CCP « Merci, c’est bien nous » – Des participants à une lecture publique
À Saint-Nazaire, d’autres lectures sont programmées, un livre est en préparation, l’aventure se poursuit. Pourquoi pas ailleurs, dans un autre territoire, dans une profession, dans une entreprise ?
Écrire, lire et écouter le travail, avec la Compagnie « Pourquoi se lever le matin! » et le Centre de Cuture Populaire
Il se passe à Saint-Nazaire ce pour quoi nous avons créé la Compagnie « Pourquoi se lever le matin! » : donner la parole au travail, par sa mise en récit, et partager ces textes. Au départ, écrire quelques récits, avec un fin connaisseur du territoire. Puis, rencontrer des adhérents du Centre de Culture Populaire, autour des textes. Ensuite, cela s’enchaîne comme une boule de neige. Des lecture publiques dans des bars, à la bibliothèque ou à la librairie, avec les adhérents d’une section syndicale, à la fête du 1er mai.. De nouveaux volontaires se présentent pour raconter leur travail, pour collecter des récits… Nous vous le racontons dans cet article. À Saint-Nazaire, d’autres lectures sont programmées, un livre est en préparation, l’aventure se poursuit. Et pourquoi pas ailleurs, dans un autre territoire, dans une profession, dans une entreprise ?
De la main droite, je tire la mèche avec le peigne. Je la tire, je la dresse, je la remonte, je l’attrape avec la main gauche, et avec la droite je coupe au raz des doigts. Voilà, c’est ça. Le peigne et les ciseaux dans la même main, c’est bien ça le geste, maintenant je le fais sans y penser. Et je recommence. Tac tac, tac tac, tac tac. Ça a l’air simple, mais il faut tenir le rythme. En protégeant la lame dans le poignet, pour ne pas blesser… Ce sont des ciseaux bien particuliers, évidemment, des ciseaux de professionnelle, avec lesquels je peux couper très épais en une seule fois, sans effort. Des ciseaux à 350 euros, quand même.
Arrivés rue Caulaincourt, Jean et Odette rangèrent leurs bicyclettes dans la cour de l’immeuble. En détachant les lourdes sacoches, ils se remémorèrent ce jour de juin où, en s’approchant du portail d’entrée des établissements ETI spécialisés dans le traitement des peaux à Montreuil, ils avaient remarqué un groupe de camarades qui distribuaient des tracts confirmant l’adoption définitive de la loi accordant aux salariés douze jours de congés payés. Un peu surpris de voir ce droit enfin arraché au patronat pour l’ensemble des travailleurs, ils avaient loué une toile de tente et rassemblé le minimum nécessaire pour camper : petit réchaud à alcool, poêle et casserole. Les berges de l’Oise les avaient accueillis pour de longues baignades et balades à bicyclette. Un jour, ils avaient même pu s’offrir une friture dans une ginguette et ils avaient dansé. En passant devant la loge, ils furent accueillis par un sonore : « Ah ! vous r’voilà ! Point travailler et être payé, on dirait bien que ça vous a réussi. La p’tite dame a même forci ! ». Heureux, ils se sourirent. L’an prochain, en faisant des économies, ils repartiraient, mais à la mer cette fois. Pour cela, Jean accepterait de travailler quelques heures de plus à son poste de tannage et Odette ferait tous les soirs la fermeture de la boulangerie à la place de son amie Suzette de nouveau enceinte.
Vient de paraitre : « À mots ouverts Tout ce que je veux vous dire sur mon métier, la communication interne »
Illustrés par les aquarelles de Bénédicte Tilloy, ces textes sensibles et incarnés révèlent la richesse et la complexité d’un métier encore trop souvent méconnu ou mal compris. Le recueil s’ouvre sur un avant-propos de Jean-Marie Charpentier, administrateur de l’Afci, et se clôt par une analyse de Florence Osty, sociologue du travail
Dans le but de mettre au jour et en même temps de comprendre l’évolution de la communication interne et de ceux et celles qui en font leur métier, l’Afci (Association française de communication interne) a impulsé un atelier nommé Récits de métier. Son objectif était clair, sa méthode simple. Il s’agissait d’entrer dans le métier et de révéler ce que signifie travailler en communication interne dans les organisations.
Parole recueillie et transcrite par des élèves du Lycée expérimental et mise en récit par Pierre M. dans le cadre du projet “Travail et territoire” conduit par le Centre de Culture Populaire de Saint-Nazaire.
Lorsque j’étais gamin, j’étais fasciné par l’atelier où mon père exerçait son métier d’horloger. Il manipulait là des quantités de petits outillages, il connaissait l’emplacement des minuscules tours, plaçait les axes et remontait les rouages qui, comme par magie, donnaient naissance aux « mouvements » du mécanisme. Comme Obélix dans le chaudron de potion, je suis tombé dans l’horlogerie quand j’étais petit. J’ai voulu en faire mon métier. Quand, à l’école, on nous demandait de mimer un métier, j’imitais l’horloger. Mon destin était peut-être de faire ce métier-là.
Parole recueillie et transcrite par des élèves du Lycée expérimental et mise en récit par Pierre M
Le client qui entre dans mon atelier de tatoueuse a déjà une idée de ce qu’il veut que je grave sur sa peau… Mon rôle est de recevoir cette personne – plus souvent une femme qu’un homme – comme quelqu’un qu’il faut d’abord écouter. Est-ce que l’étoile, le phénix, le lotus qu’il ou elle me demande de tatouer correspondent bien à sa morphologie, à sa personnalité, à son besoin ? Souvent, je me rends compte alors qu’il s’agira d’un tatouage réparateur : recouvrir une cicatrice, une trace de brûlure, mais aussi soigner une blessure morale, un mal-être psychologique. Moi qui ai fait des études de psycho et qui rêvais de devenir éducatrice ou travailleuse sociale, je me retrouve dans mon élément.
Parole recueillie et mise en récit par Pierre R, dans le cadre du projet “Travail et Territoire“, conduit par le Centre de Culture Populaire de Saint Nazaire.
Je me suis installé comme artisan pâtissier en 2005 à Guérande. Mon atelier se trouve à Pénestin depuis 2013, entre estuaire de la Vilaine et Océan, entre Morbihan et Loire-Atlantique. Je vends ma production sur place dans mon atelier et en différents lieux à Saint-Nazaire et alentours.
Un mot du travail, vu de la salle des profs, du bureau et même… en poésie
Les « grandes vacances »
Le mois de mai, avec ses week-end à rallonge, c’était le début de la débandade… Dans la salle des profs, une étrange hâte semblait pousser les collègues à explorer plus distraitement leur casier, à slalomer entre deux conseils de classe, deux paquets de copies à corriger, et le parking où les attendait leur voiture. Depuis un moment déjà, les élèves n’y croyaient plus… Les jeux étaient faits. Le soleil les invitait à l’insouciance et à l’impertinence. Puis arrivait juin. Les derniers résultats étaient inscrits sur les bulletins scolaires, les orientations étaient bouclées. Pour peu que l’établissement fût centre d’examen, les élèves savaient qu’ils seraient libérés prématurément. En dépit des révisions et d’une vague angoisse d’avant les épreuves du bac ou du brevet des collèges, c’était la grande glissade vers la fin du mois.
Alexis, technicien dans une Société de Service en Informatique
Parole recueillie et mise en récit par Roxane.
« …des robots mono-bras, qui tournent dans tous les sens sur une ligne de construction… »
Après la période Covid, tout seul à la maison, j’ai suivi une formation d’informaticien en ligne avec «Openclassrooms». Puis j’ai monté une auto-entreprise de dépannage informatique qui proposait des petites réparations à distance, chez moi. Le bouche à oreille dont j’ai bénéficié parlait de la qualité de mon travail et de ma relation humaine. Ces personnes privées me faisaient confiance, quand bien même elles exposaient leur l’intimité à travers les photos et textes dans leur ordinateur de famille. J’ai créé cette entreprise pour retrouver le gout des vrais contacts humains. Ce qui avait été bafoué, dans mes précédents métiers. Dans la vente, le rapport client vendeur est dicté par la direction et par la recherche de profit ! Donc la relation devient manipulation. Ce qui ne m’allait pas du tout.
Puis, dans les aléas de la vie, je me suis fait embaucher par une société basée à Lyon, mais qui m’a envoyé travailler à Silex, à Annonay, une entreprise historique, de 1500 personnes, qui fabrique des véhicules pour le transport. Je devais m’occuper de la maintenance informatique de l’usine.
Christophe, étudiant de Master 2 en Intelligence Artificielle
Parole recueillie et mise en récit par Vincent
En vol, les avions envoient automatiquement des messages au sol
Pour valider mon master 2 en intelligence artificielle (IA), j’ai effectué un stage de 6 mois dans une entreprise du secteur aéronautique, pour explorer une solution d’aide à la prise de décision en utilisant un “grand modèle de langage“ (en anglais LLM, Large Language Model). Je dois commencer par expliquer comment est organisée la maintenance des avions, au sein des compagnies aériennes. Un avion est un assemblage de nombreux systèmes, c’est très complexe. En cours de vol, il est en permanence en liaison avec le sol. Il envoie automatiquement des messages au centre de contrôle (MCC, Maintenance Control Center). C’est, intégrée dans chaque compagnie, une grande salle où des ingénieurs surveillent les vols en temps réel pour fournir une assistance, qui décharge les pilotes de certaines tâches. Quand une anomalie, un dysfonctionnement, une panne… surviennent, l’ingénieur décide en fonction des messages qu’il reçoit ce qu’il convient de faire : demander au pilote de se dérouter vers l’aéroport le plus proche, le laisser poursuivre son vol jusqu’à destination, puis anticiper une petite réparation sur le tarmac ou envoyer l’avion ailleurs pour une opération plus lourde. Tout cela en minimisant les retards ou annulations des vols suivants. Tous les dysfonctionnements ne sont pas dramatiques : par exemple, si une panne de gyroscope est détectée, dans la plupart des cas ce n’est pas grave parce qu’il y en a plusieurs. Pour l’aider dans son travail, l’ingénieur au sol dispose de la « notice » fournie par le constructeur avec l’avion. Elle est constituée de milliers de pages où sont décrits l’ensemble des systèmes de l’avion, tous les paramètres à prendre en compte et les conséquences des pannes. Bien sûr, ce sont des pages d’écrans, même si certains ingénieurs utilisent encore parfois la documentation papier.
« Fête du Travail », ce n’est pas du tout « Journée internationale pour les droits des travailleuses et des travailleurs ». Ces mots sont déjà habités. À lire et à discuter, ici.
Bonne année : les voeux aux salariés, une cérémonie millimétrée. Rebonds : tentatives pour faire bref, sans langue de bois, pour sous-traiter à une IA. Un exercice pas si anodin. Les voeux d’un Président poète
Cadre : une fiction pas si fictionnelle. Rebond : déserteur
Collaborateur : inclusif ou piégé ? Un mot qui gomme les différences de statut au travail
Indicateurs: des objets qui prolifèrent. Rebond : de l’indicateur au critère
KPI : se prononce « KaPiHaï », pour Indicateur Clé de Performance. Rebond : du « KaPiHaï » au « KaPiAïe »
Manager : un mot rare dans les récits de travail. Rebond : encadrement de proximité, entre marteau et enclume
Perruque: l’activité clandestine bien entendu, pas le postiche capillaire
Quand les mots du travail sont déjà habités : « Fête du Travail », ce n’est pas du tout « Journée internationale pour les droits des travailleuses et des travailleurs »
Photo : Dans mon jardin, 1er mai 2025
Comme l’œillet portugais ou la rose mitterrandienne, le brin de muguet porte l’espoir de jour meilleurs. Il se traque dans les sous-bois, il s’achète auprès de militants politiques ou associatifs, chez le fleuriste, et même à un vendeur à la sauvette puisque, ce jour-là, c’est permis. On se l’offre, on se l’accroche à la boutonnière avant d’aller au défilé. Où, selon l’actualité sociale de l’année, on sera plus ou moins nombreux. Ainsi le 1er mai 2023, en plein conflit contre la réforme des retraites, fut grandiose.
Recrutement et candidature, des mots du travail vieux comme le monde, sont aujourd’hui dans le viseur des intelligences artificielles
Avec la nécessité de disposer de personnels très qualifiés, l’Armée française a dû développer des modalités de recrutement sophistiqués. Ce mot retrouve ainsi son usage sous l’Ancien Régime. Après des batailles meurtrières, les chefs militaires étaient enjoints de reconstituer leurs effectifs sans retard.
Hors de ce contexte, recruter s’avère être un processus millénaire et multiforme. Dans le croissant fertile entre Tigre et Euphrate, le paysan en quête de bras fait d’abord appel à ses enfants et à défaut à toute personne de sa famille. Cette modalité mise en œuvre dans les hautes sphères du pouvoir caractérise le népotisme. Elle rassure le responsable suprême qui escompte – a priori – être servi avec loyauté. Mais l’Histoire ne compte plus les empereurs, rois, Princes de l’Église, … trahis par des membres de leur premier cercle. « Tu quoque mi filii » se serait écrié César mourant sous l’arme de Brutus qu’il considérait comme son fils.
Pour mettre un peu de poésie dans les débats sur les mots de la rémunération du travail
Par le travail, tu gagneras l’argent à la sueur de ton front… Et tu perdras ton temps à vouloir le gagner ! Et gare à la tentation de vouloir gagner du temps en compressant la semaine de 35 heures en quatre jours pour arranger les gens. Comme tout le monde, je prendrai le train à la gare ou chercherai une place pour me garer, mais je m’égare …
Un mot du travail : des jeunes ingénieurs des années 1950 à ceux qui choisissent aujourd’hui de déserter
Une fiction, pas si fictionnelle
Juin 1951 André, entouré de ses parents, reçoit son diplôme d’ingénieur. Sa mère dactylo et son père instituteur sont légitimement fiers de leur fils. La reconstruction de la France n’est pas terminée et André est rapidement recruté par la Société d’Etudes et de Travaux et est affecté sur un chantier en Bourgogne. Il épaulera le chef de chantier issu du rang car il maîtrise les toutes nouvelles techniques de béton armé. André découvre une communauté très soudée mais il s’y intègre aisément. A midi, sa gamelle est réchauffée au bain-marie avec celle des ouvriers. Au-delà des calculs qu’il effectue dans une caravane, en bottes et « bleu », il est très présent sur le chantier. Jour après jour, il a la satisfaction de voir que la construction du pont respecte globalement les délais impartis.
Il ne faisait pas bon se voir traiter de “collaborateur” après 1945. Le DRH s’appelait alors Monsieur le Directeur du personnel et il avait des subordonnés. Ou plutôt des subordonnées. Aujourd’hui, il est devenu tout à fait honorable d’être le collaborateur d’une entreprise, d’un groupe, d’un média ou d’une institution. C’est le terme générique utilisé pour parler des salariés dans les histoires que l’on raconte aux managers pendant les grand messes de l’entreprise. Cependant, le mot est rare dans les paroles des personnes avec qui nous avons fait un récit de leur travail. Ceux qui l’utilisent sont cadres de direction ou experts RH. Ils disent “les collaborateurs” (ceux de l’entreprise), plutôt que “mes collaborateurs” (ceux avec qui ils travaillent).